L’art du shôdo : Hiroko Watanabe, une femme de caractères
En plus d’une initiation à l’Enka pour son édition 2014, Japan Expo proposait plusieurs représentations autour d’un art typiquement nippon : le shôdo, plus connu sous le nom de calligraphie.
Bien loin des carcans austères de cette discipline ancestrale, plusieurs artistes sont venus témoigner d’une véritable transformation de leur art, en s’associant notamment avec d’autres performeurs, comme des musiciens ou des danseurs. Journal du Japon est allé à la rencontre de ce nouveau visuel et de ces shows originaux qui mélangent la philosophie du passé et la fougue contemporaine, pour nous permettre de découvrir et redécouvrir cette interprétation moderne de l’écriture nippone.
Une calligraphie pas comme les autres…
Pour notre première rencontre, impossible de manquer la construction géante qui trônait au milieu de l’espace Wabi Sabi : haute de plusieurs mètres et faite de cubes possédant chacun un kanji peint, telle était l’œuvre de la menue et souriante Hiroko Watanabe.
Cette artiste, qui nous vient de Nagoya, pratique le shôdo à travers le monde depuis plusieurs décennies en essayant de transposer les kanjis millénaires du Japon dans une nouvelle ère, la notre, à travers du logo design, de nouveaux supports et de multiples mélanges. Pour sa venue à Japan Expo, elle s’est associée avec le groupe Kumonoue, qui mixe lui aussi les genres en associant un guitariste, un bassiste et un joueur de Taiko, ce fameux tambour japonais.
Pour nous présenter son art et nous expliquer comment elle en est arrivée à ce concept, c’est avec joie et beaucoup de spontanéité que Hiroko Watanabe a accepté de s’entretenir avec nous entre deux représentations. Rencontre.
Hiroko Watanabe : quand les kanjis prennent vie…
Journal du Japon : Bonjour Hiroko Watanabe… Vous venez aujourd’hui nous présenter la calligraphie d’une façon originale, pouvez-vous nous expliquer votre concept ?
Dans mon shôdo, chaque caractère est composé de différentes parties qui ont chacune des significations distinctes. Je prends ensuite chaque caractère comme faisant lui aussi partie d’un tout, qui correspond au show dans son ensemble, qui lui donne une certaine tonalité. Pour Japan Expo, j’ai pris comme thème une expression japonaise qui vient du bouddhisme : « shiki soku zeku », que l’on peut traduire par « ce qui existe n’existe pas et ce qui n’existe pas existe ».
Quand avez-vous débuté le shôdo ?
J’ai commencé à l’âge de 7 ans, il y a 36 ans donc. J’ai débuté de manière naturelle à l’école, ça fait partie de notre éducation. Mais la plupart du temps, les enfants s’arrêtent assez tôt dès que ce n’est plus dans les programmes scolaires.
Pourquoi avez-vous continué ?
En fait, les gens arrêtent assez tôt parce qu’ils ont envie de réaliser leur propre calligraphie. La pratique veut que, souvent, il faille copier son maître avant de pouvoir s’exprimer soi-même et c’est ce qui fait que de nombreuses personnes laissent tomber. Mais c’est une étape qui reste importante si l’on veut acquérir les bases avant de pouvoir chercher et trouver son propre style. Avant de faire ma propre calligraphie j’ai copié mon maître pendant de nombreuses années, jusqu’à mes 20 ans.
Mais pourquoi avoir décidé d’en faire votre métier ?
Je ne voulais pas forcément en faire mon métier dès le départ. Au début ce sont les gens de mon entourage qui m’ont poussée à continuer car ils trouvaient que j’avais du talent et c’était agréable que les gens apprécient mon art. Mais ce plaisir personnel n’aurait pas suffit à faire de moi une calligraphe.
Avec les années je me suis aperçue que, malheureusement, les lettres n’ont pas d’odeur, ne bougent pas, ne font pas de bruit… qu’elles sont sans vie en quelque sorte, alors qu’elles portent beaucoup en elles. J’ai donc voulu leur insuffler cette vie, pour qu’elles s’expriment pleinement. C’est ce désir qui m’a poussée à aller plus loin, à devenir professionnelle…
C’est ainsi que ces idées de shows sont apparues ? Comment avez-vous mis en place toute cette mise en scène ?
Tout d’abord il est important de préciser que je fais du shôdo uniquement avec différentes sortes de musique. Sur Japan Expo, avec le groupe Kumonoue c’est un mélange de guitare et de tambour, mais il m’est aussi arrivé de le faire avec un joueur de shamisen ou un jouer de guitare folk, par exemple.
Ce mélange est assez naturel pour moi, c’est ma façon de faire de la calligraphie d’ailleurs, en écoutant de la musique. La musique s’associe très bien à l’art de la calligraphie et elle m’influence mon shôdo… Avec une musique rapide, je tracerais des traits plus courts, plus vifs mais avec une musique plus calme le style sera plus doux, plus arrondi. Pour un même caractère, la musique permet d’en dévoiler différentes facettes, c’est aussi pour ça que je l’apprécie et que je voulais incorporer plusieurs styles de musique dans mes représentations.
Quel message voulez-vous faire passer dans votre calligraphie ?
Le message vient bien sûr du sens que possèdent chacun des kanjis que je dessine. Mais il y a plus que ça, j’ai aussi envie de mettre en valeur la beauté esthétique de ces caractères. Comme vous le savez sans doute, les kanjis japonais viennent des caractères chinois, que nous avons simplifiés. En les simplifiant ils sont devenus plus beaux, plus purs, et c’est quelque chose de très important dans l’esthétisme japonais. C’est aussi ça que j’ai envie de transmettre. C’est ce mélange entre le sens de ces kanjis et la beauté qui se dégage de cette simplicité qui représente vraiment mon shôdo, mon esprit.
Un joli mélange… Merci beaucoup !
Retrouvez nos photos des shows de Hiroko Watanabe & Kumonoue à Japan Expo sur notre album Facebook.
Pour en savoir plus sur Hiroko Watanabe, vous pouvez retrouver quelques unes de ses œuvres sur son site internet (en japonais) ou suivre le groupe Kumonoue via sa page Facebook ou leur espace You Tube.
2 réponses
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