[Interview + Live Report] Malca : la mélancolie japonaise
Japan Expo est toujours l’occasion de découvrir de nouveaux groupes, et parfois, la surprise est bonne, très bonne. Ce fut le cas pour malca, groupe tokyoïte inventeur de la « valse hardcore ».
En marge du festival, nous avons pu nous entretenir avec Yuta (chant et guitare), Shun (guitare) et Nozomi (basse) (leur batteur étant reparti au Japon) pour rien de moins qu’une heure de discussion autour d’un petit goûter à la française s’il-vous-plait.
Journal du Japon : Quels sont vos parcours respectifs ?
Yuta : Quand j’étais au lycée, j’avais un groupe de pop-punk, et je travaillais également dans un Live House. J’ai commencé la guitare à l’âge de 16 ans, et je me suis mis à chanter l’année suivante.
Shun : Pour ma part, j’ai toujours baigné dans le monde de la musique. J’ai appris à jouer du piano dès mes cinq ans, mais j’ai arrêté car mon professeur me faisait peur (Rires). En troisième année de collègue, j’ai commencé à jouer de la basse dans un groupe de punk. Ensuite au lycée, je me suis mis à la guitare, et c’est comme ça qu’on s’est rencontrés : on faisait parties du même groupe d’activités.
Nozomi : J’ai commencé la basse à 18 ans, et j’ai formé un groupe avec Yuta. On s’est séparés, puis à 20 ans, je me suis acheté un synthé, pour voir. Je suis donc entré dans malca en tant que claviériste à la base, mais comme il manquait une guitare, c’est Shun qui a pris la guitare, et moi je me suis remis à la basse. C’était assez difficile de reprendre parce qu’en fait j’étais assez nul à la base ! (Rires)
Imaginons que je ne connaisse pas du tout votre musique, comment la décririez-vous ?
Yuta : De la valse hardcore !
Mais justement, qu’est-ce que c’est ? (Rires)
Yuta : En fait, on fait des chansons à trois temps, comme la valse, contrairement au rock qui est généralement à quatre temps. On voulait vraiment incorporer cela à nos compositions pour se démarquer des autres groupes japonais, pour devenir une sorte d’antithèse.
Pour le côté hardcore, c’est plus la violence et l’intensité de cette musique qui nous intéresse. Du coup on s’est dit qu’allier les deux était un bon mélange.
A musique unique, nom unique : que veut dire malca ?
[Le groupe devine la question à l’avance, et en rit : on a dû souvent la leur poser …]
Yuta : Comme c’est toujours moi qui répond à cette question, je vais laisser Nozomi répondre ! (Rires général)
Nozomi : Qui ça moi ?!
Shun : Oui oui ! Allez vas-y ! (Rires)
Nozomi : Sérieux ? … bon, alors en fait « malca » n’a pas de signification particulière. On a juste vu ce mot, et on s’est dit « tiens, si on appelait le groupe comme ça ? ». Comme pour donner un nom à un objet. Yuta, à l’époque, faisait du « job hunting », et il avait la carte de visite d’une entreprise de design qui s’appelait « malca », donc voilà ça nous a plu. Voilà, j’ai fini.
Traductrice, sur un ton rieur : Bravo, c’était super !
Yuta : Ouais pas mal, je te mets 80/100 !
Nozomi : QUOI que ça !? (Rires général)
Donc en fait, vous avez un peu volé le nom ?
Yuta : Non non, en fait l’entreprise s’appelait « Macla » ! Au début on a commencé avec ce nom d’ailleurs …
Shun : Et puis on a cherché le nom sur internet, et là on s’est dit « ouah ça craint trop, elle est connue cette entreprise, on va avoir des problèmes ! », donc on a changé pour « malca ».
Quelles sont vos sources d’inspiration ?
[Réfléchissent longuement à la question]
Nozomi : J’ai acheté un synthé à partir du moment où je me suis mis à l’électro. J’ai trouvé ce son super. Shun m’avait prêté un CD de « I’m Robot and Proud », et j’avais adoré, donc j’avais décidé d’acheter un synthé pour essayer d’intégrer ce genre de son à notre musique.
Yuta : Quant à moi, je suis plutôt influencé par le quotidien. Quand j’ai des idées, je commence à écrire les paroles, puis je les montre au groupe. Ensuite on partage nos idées de compos qui pourraient coller à ces paroles.
Shun : Moi j’aime beaucoup trop de genres musicaux différents pour pouvoir dire ce qui m’influence ou pas. Mais si je devais désigner un artiste français, ce serait Michel Legrand.
Y-a-t-il un thème qui vous tient particulièrement à cœur, et que vous voulez retranscrire dans votre musique ?
Yuta : On a mis pas mal de temps avant de sortir notre premier single, quatre ans en fait. On ne savait pas vraiment comment faire pour sortir ce genre de choses, et avec le recul, je trouve que c’est une perte de temps. C’est dommage de passer autant de temps à chercher tout ça. Donc c’est ce sentiment de regret, mélangé à de la mélancolie et à de la nostalgie qu’on a voulu le retranscrire dans notre album.
Yuta : J’ai jamais vraiment pensé devenir pro, mais quelqu’un est venu à notre rencontre et nous a proposé de sortir notre CD. Là je me suis dit « pourquoi pas ? ». Puis après on a fait des concerts, et en voyant les réactions des gens qui venaient nous voir, ou les commentaires sur nos vidéos You Tube, on a commencé à réaliser qu’on avait peut-être une chance de devenir pro.
Shun : De mon côté, depuis que je suis au lycée, je sais que j’ai envie de devenir guitariste pro.
Nozomi : Alors moi, je n’y avais JAMAIS pensé ! La musique ne faisait pas vraiment partie de mon monde, et finalement c’est grâce aux autres que j’ai commencé à me dire « pourquoi pas ? ». C’est surtout Shun qui m’a fait aimer la musique.
N’était-ce pas un choix difficile ? Est-ce que votre entourage par exemple ne s’y est pas opposé ?
Yuta : Oui c’était très difficile. Même maintenant, certains de nos amis ne sont même pas au courant qu’on joue dans un groupe. Pour ma part, la première fois que j’ai parlé à ma famille du fait que j’avais un groupe, c’était pour leur dire que j’allais à Japan Expo …
Vraiment ? Et quelle a été leur réaction ?
Yuta : Mes parents m’ont dit … « bon ben ça te fera de bons souvenirs ! » (Rires général)
C’est un peu étrange quand même, non ?
Yuta : En fait j’étais à fond, mais pour mes parents c’était … pas particulièrement impressionnant ! Pour eux ça se limite à ça, ils se demandent qui pourrait bien venir nous voir en France.
Shun : Et puis après il y a eu un reportage à la télé japonaise sur Japan Expo où ils parlaient des groupes présents, donc le nom de « malca » a été cité. Quelqu’un a posté la vidéo sur internet, et du coup on a eu des retours différents.
Yuta : Si on a pu venir, c’est grâce à notre label, le même que Rhythmic Toy World qui était également présent. Il a proposé que nous faisions parties nous aussi de l’aventure, et Japan Expo a donné son accord.
Sinon, on a adoré le concert évidemment. On est super contents d’avoir pu faire ce live ici car au Japon on a pas du tout les mêmes réactions. Notre musique est assez sombre, donc quand nos fans japonais nous écoutent, ils se contentent juste d’applaudir. En France, c’est totalement différent, les gens crient et nous acclament, et de voir les français aussi excités, ça nous a fait super plaisir.
Avez-vous des anecdotes marrantes à nous raconter sur votre petite escapade parisienne ?
Nozomi : J’ai failli me faire voler mon portable par un roumain aujourd’hui …
Shun : J’ai bu un peu trop de vin l’autre soir, et j’ai vomi dans la Seine (Rires)
Yuta : J’ai voulu commander un menu cheeseburger chez Macdo, mais je ne savais pas comment on disait « menu » en anglais, donc je l’ai dit comme en japonais, « seto » [version japonisée de « set » en anglais, NDLR], et j’ai pas compris parce que la serveuse m’a rapporté sept cheeseburgers ! Quand on a vu le prix, on a halluciné, on s’est dit qu’il y avait une erreur quelque part.
[La traductrice et nous-mêmes éclatons de rire, et, suspicieux, Shun nous demande comment se dit « sept » en français. Nous lui donnons la réponse, et tous les trois poussent un grand « AAAHHHHH !!! » en éclatant de rire, comprenant enfin la similarité entre le « seto » japonais et le « sept » français.]
Bon, ça vous fait quand même de bons souvenirs tout ça ! Bon sauf pour Nozomi évidemment … (Rires général) Et quelle est la suite pour le groupe maintenant ?
Yuta : On va tourner deux clips, dont un qui sera monté avec des images de notre voyage à Paris. On a également un enregistrement de prévu pour un prochain album. Notre but, ça serait d’être d’abord connu à l’étranger avant d’avoir du succès au Japon.
Il faudrait donc signer sur une major pour pouvoir être reconnu à l’étranger, ça vous intéresserait, ou bien vous préféreriez rester en indie ?
Nozomi : Les deux sont bien, et on ne pourrait pas vraiment dire lequel est le mieux, mais c’est vrai qu’en indie, on est libre de faire ce qu’on veut, et ça nous plait vraiment. Si demain on nous proposait de passer en major, on serait contents, mais ça dépendrait vraiment de ce qu’il faudrait qu’on fasse en contrepartie. Par exemple changer de style de musique … ce ne serait pas envisageable. Mais passer en major nous permettrait enfin de vivre de notre passion, d’avoir une sorte d’emploi fixe avec un vrai salaire, et ça ne serait pas de refus !
C’est tout ce qu’on vous souhaite en tout cas. Merci beaucoup pour cette interview !
Merci à toi !
Malgré sa jeunesse et sa relative confidentialité, le groupe a réussi à attirer au Live House une petite foule de curieux. Vêtus de yukata, comme le veut la saison, les malca ont tout de suite donné le ton avec leur chanson la plus connue, Fuyu no mushi. Le public valse rapidement au rythme du groupe, prouvant une fois de plus que les français sont chauds bouillants quand il s’agit de mettre l’ambiance.
Abasourdis, mais rapidement pris par cet élan d’enthousiasme, les malca se laissent porter et donnent tout ce qu’ils ont. Même Yuta, avec ses airs de grand timide, réussira à se lâcher complètement.
Avec seulement un EP de cinq titres à son actif, on aurait pu s’attendre à un set très court, mais le quartet n’est pas venu les mains vides, et avait prévu le coup avec quelques titres inédits dans ses bagages. Aussi, ils auront pu nous offrir un set tout à fait convenable de 45 minutes qui ravira les amateurs de pop indé japonaise.
Visiblement heureux et comblés par cette première incursion en Europe, espérons que le succès leur sourit afin de les revoir rapidement dans la capitale !
01. Fuyu no mushi
02. Ao to asobou
03. Karera no wakasa wo korosu teki
04. Mado
05. Sode
06. Pessimum
07. Hisame
08. Kangae koto
09. Natsu no hana
Nous remercions le groupe pour son temps ainsi que Selim Hoda, leur traductrice.