[Chronique] coldrain : la communion par le live
Le moins que l’on puisse dire, c’est que 2014 est une année très prolifique pour coldrain. Inconnu du grand public il y a encore quelques mois, le groupe débarquait en février dernier en Europe pour effectuer la première partie de Bullet For My Valentine, distillant avec conviction leur post-hardcore mélodique.
Les choses se bousculent dès lors : à peine rentrés à la maison que Masato et sa bande prévoient un retour en Occident pour le mois de juin, avec notamment une apparition dans le célébrissime Download Festival aux côtés de leurs compatriotes VAMPS et CROSSFAITH. Et, alors qu’ils sont en pleine tournée avec ces derniers, ils annoncent la sortie d’un nouvel EP au Japon, Until The End, mais également d’un DVD live, EVOLVE, filmé par INNI VISION (auteur de plusieurs clips du groupe, mais égalementde CROSSFAITH, HEY-SMITH ou BABYMETAL) au Shinkiba Studio Coast le 18 janvier dernier.
Connaissant l’amour du groupe pour le live, il n’en fallait pas plus à Journal du Japon pour décortiquer pour vous ce qui s’annonce être un pur bijou !
WELCOME TO EVOLVE
De prime abord, le visuel du packaging fait forte impression : très travaillé, on retrouve le groupe en pleine action et un Masato en position quasi christique, dominant de toute sa prestance un public visiblement en adoration. L’intérieur du booklet est tout aussi soigné avec des photos de chaque membre prises en studio et en live, le tout en noir et blanc. L’ensemble contient un DVD/Blu-ray (selon la version que vous avez achetée), mais également un CD live dont les pistes ont été choisies par le groupe. La crème de la crème donc, et l’ensemble ne donne qu’une seule envie : insérer rapidement le sésame dans notre lecteur pour voir ce qu’il contient.
Évidemment, dès les premières minutes du concert, c’est le travail remarquable de Machi d’INNI VISION qui saute aux yeux. L’image est soignée, le montage propre, et les plans excellemment bien choisis. Le concert, filmé par vingt-six caméras, nous embarque au plus près du groupe, donnant un dynamisme certain à la performance : c’est comme si nous y étions.
Certains plans sont tout-à-fait étonnants, comme ceux du public en plongé à 90°, ou bien en caméra renversée, renforçant l’impression de marée humaine. D’autres nous permettent d’admirer la technique des musiciens et particulièrement de Katsuma, le batteur. Sur le final, le groupe est même équipé de Go-Pro directement fixées sur leurs différents instruments, rappelant les essais de MUSE en 2001 sur Hullabaloo.
Enfin, la mise en scène n’est pas en reste, et c’est avec plaisir que l’on peut enfin admirer coldrain avec un lightshow digne de ce nom, du feu, de la fumé, bref l’apanage de tout groupe de métal qui se respecte, créant ainsi une atmosphère propice à la folie du live.
To be alive
Du propre aveu de leur chanteur, coldrain sont des boulimiques du live : « une fois que tu commences à faire des concerts, tu ne peux plus t’arrêter, c’est impossible ». Cet amour de la scène était déjà perceptible dans leur premier DVD live, Three Days of Adrenaline, sorti en 2011 : hormis le punch du montage, ainsi que la qualité visuelle et sonore du live (qui était en fait un mix de plusieurs concerts), le groupe, encore jeune, impressionnait par sa présence scénique et son charisme. Pourtant, l’inexpérience du groupe pouvait encore se faire sentir avec quelques fausses notes ça et là, des harmonies pas si harmonieuses que ça, bref, la fraîcheur de la prime jeunesse.
Trois ans après cette première tentative, la métamorphose de coldrain est très nette.
Elle transparait tout d’abord dans la setlist : le groupe a su manier avec habileté l’art difficile des enchaînements, ici parfaits. Les chansons coulent de source, les moments d’accalmies ou d’excitation arrivent à point nommé, mais ne durent pas trop longtemps non plus, le tout gagnant en intensité à chaque minute qui passe. On retrouve autant de nouveaux morceaux issus de The Revelation que d’anciens comme 24/7, Final Destination, ou The Maze.
Outre la setlist, c’est évidemment la prestation scénique qui marque les esprits : le groupe a gagné en maturité, et ça se voit. Pleins d’assurance, nos cinq acolytes foulent la scène du Shinkiba Studio Coast pour délivrer un son clair, net et précis. Dès la première chanson, Behind The Curtain, coldrain donne tout ce qu’il a en magasin, déversant avec rage et envie des notes brut de décoffrage. Un début explosif qui annonce tout-de-suite la couleur : la folie s’emparera progressivement de la salle, atteignant des sommets sur des morceaux comme No Escape, Voiceless, 24/7, et bien évidemment The Revelation. Les circle pits s’accumulent, les walls of death se multiplient, et Masato, en véritable divinité musicale, orchestre d’une main de maître les festivités, allant jusqu’à plonger à plusieurs reprises dans la fosse aux lions pour une communion peu orthodoxe.
Pourtant, si le groupe est connu et reconnu pour l’impétuosité de ses morceaux, c’est sur des prestations beaucoup plus humbles que toute l’étendue de leur talent s’exprime. Ainsi, dans la douceur des lumières tamisées, coldrain change l’ambiance du concert en un clin d’œil : finis les cris gutturaux, place à la finesse avec Miss You et Carry On en version acoustique. Magnifiquement réinterprétés à la guitare par Sugi et Y.K.C., c’est pourtant Masato qui se distingue en offrant une prestation vocale incroyable, autant empreinte de fragilité que de désir. Il ne chante plus, il raconte une histoire, son histoire, pour nous, pour lui. Nous ne sommes plus seuls devant notre TV, ou entourés de milliers de personne, non. Il y a le groupe, nous, et cette voix qui résonne à l’infini, qui fait vibrer notre être tout entier. Un silence religieux règne dans la salle, et, alors que ce moment de grâce touche à sa fin, des torches s’illuminent dans la salle, telles les flammes de l’espoir que font naître en chacun les paroles de Masato, tel le feu sacré qui anime le groupe et son fidèle public.
Car oui, cette prestation ne serait rien sans l’hallucinant public de ce soir-là.
I dedicate this song to all of you
Ce live n’est pas un simple live. Ce live est un pamphlet sur la relation fan/groupe, sur la violence de ces sentiments qui enserre le cœur, que l’on soit sur scène ou dans le public. C’est un appel à la communion solennelle, à la libération des sentiments les plus extrêmes, car si vous en doutiez encore, ce DVD apporte la preuve qu’un concert peut être source de délivrance et de symbiose.
Dans chaque regard du groupe, on voit la rage de tout donner, la générosité, la joie d’être là, en face de ce public à la ferveur incommensurable, et une envie immense de partage avec ceux qui les soutiennent, de fusionner avec ces êtres dont les corps et les cris hurlent une adoration sans borne.
Dans chaque regard des spectateurs, on voit l’adulation, on voit la folie, et on voit la soif de l’extase. L’émotion est palpable, l’amour partagé, une relation exclusive, mais pas éphémère.
Le point d’orgue de cette cérémonie est atteint sur To Be Alive, lorsque se font entendre les paroles « Raise your hand if you feel like you’re fighting yourself/Raise your hand if you feel like you’re dying inside ». Des dizaines de personnes, hommes ou femmes, grimpent sur le dos d’un camarade, et lèvent leurs poings en l’air à l’unisson. On est plus fort à plusieurs que tout seul. La messe est dite.
Le générique de fin, en noir et blanc et slow-motion, referme souverainement cette parenthèse fantastique. Ce soir, vous n’étiez pas devant votre TV. Ce soir, vous étiez dans le public, en face de coldrain, à lever les bras, à headbanger, à sauter, à suer, à chanter les paroles à en perdre la voix, à vous jeter dans un millionième circle pit. Un sentiment rare face à un DVD live.
Que faut-il donc retenir de ce DVD ? Que coldrain sont clairement des bêtes de scène, avec une notion de fraternité sans pareille. Cette pépite ne dépassant pas les 40€ en version Blu-ray (32€ pour la version dvd), il serait dommage de vous priver.