Le manga qui a changé votre vie…
L’édition 2014 du Salon du Livre était assez limitée en invités japonais (surtout si on la compare à l’édition 2012, où les auteurs et mangakas de l’archipel étaient à l’honneur). Grâce aux éditeurs, nous avons cependant pu rencontrer Kaoru Mori et Kaori Yuki, invitées exceptionnelles dont vous pourrez lire très prochainement les interviews sur notre site.
Mais nous ne pouvions pas nous contenter de simples interviews pour l’un des événements éditoriaux majeurs en France ! Qu’à cela ne tienne ! Nous avons décidé de reprendre à notre compte un des thèmes du Salon de cette année (Le livre qui a changé ma vie) pour le mettre à notre sauce : quel manga ou livre japonais a changé votre vie ? Qu’est-ce qui vous pousse aujourd’hui à continuer à lire des BDs nippones ou à vous intéresser à la culture japonaise ? Nous avons posé la question aux rédacteurs du JDJ, à quelques éditeurs du secteur manga/japanimation et à une guest spéciale, qui nous ont dévoilé une partie de leur histoire.
Les ouvrages qui ont changé la vie des professionnels du manga
Alexandre, président de Black Box : En quatrième, on m’a offert le premier tome de City Hunter, alors édité chez J’ai Lu. Ce qui est amusant, c’est que jusque-là, la BD en général ne m’avait jamais intéressée. Ce titre fut le déclic. Ensuite j’ai dévoré tout ce qui me tombait sous la main. C’est ce qui m’a poussé, par exemple, à présenter un dossier sur Tezuka, son œuvre et ses influences pour mon Bac de Français, puis à monter mon propre label. J’ai commencé par la vidéo, et le moment venu, après une rencontre de Ken Akamatsu, j’ai foncé pour me lancer dans l’édition papier. Un grand merci à Tsukasa Hôjô.
Yves, directeur éditorial de Taifu Comics : Pour moi, c’est Cobra. Un héros charismatique pour qui tous les moyens sont bons pour arriver à ses fins. Marre des héros trop bons ! Un univers de science-fiction qui m’a attiré. Il avait aussi un peu de Belmondo… ce qui m’a beaucoup plu !
Aude, correctrice/adaptatrice chez Taifu Comics : Il s’agit d’Hana Yori Dango. Une héroïne intéressante qui sortait des clichés de l’époque où les personnages féminins principaux étaient souvent peu développés et se limitaient à « la jeune fille faible qui cherche l’amour à tout prix et qui a besoin d’être protégée ». Beaucoup d’humour avec les 4 héros et la relation qu’ils ont avec Makino !
Guillaume, responsable communication de Taifu Comics : C’est Captain Tsubasa, Génération Club Dorothée oblige… À l’époque, j’aimais beaucoup le foot et les gestes faisaient rêver. Tous les fans ont essayé de les refaire ! La diversité des personnages faisait qu’on pouvait s’en approprier un facilement (Jun Misugi pour moi !)
Marie, attachée de presse chez Ankama : Ma vraie première grande claque fut Akira. J’ai dû voir le film à l’âge de 8 ans en VHS piratée. Je ne comprenais pas tout à cet anime, mais j’adorais. Je pense qu’avant l’histoire, j’ai surtout été attirée par le dessin. Je pense qu’enfant on accroche d’abord visuellement. Et peut-être que le Tokyo post-apo, avec les buildings, m’évoquait ma banlieue. Quelques années plus tard, j’étais en possession de tous les volumes du manga. Depuis, c’est l’unique collection que je ne prête pas, tellement j’y tiens. Le tome 1 faisait même partie de mon corpus pour mon mémoire de Master 1 à la Sorbonne.
Je relis souvent Akira, et le discours sur l’énergie pure, la force absolue, bref l’aspect métaphysique est plus que bien traité. Je pense que c’est ça qui me touche particulièrement maintenant. Les gens pensent souvent que c’est une critique du nucléaire, mais pour moi, on est plus sur une fable métaphysique.
Cette série fait partie des grandes sagas, des histoires au long cours qui recèlent énormément de détails et d’idées. Une œuvre intemporelle et intarissable. J’avoue être un peu inquiète pour le film live…
Les ouvrages qui ont changé la vie des rédacteurs de JDJ
Paul : On devait être en 1990 quand je suis tombé sur la version couleur et papier d’Akira, en petit fascicule. Kaneda et son ami d’enfance Tetsuo se retrouvent affublés de pouvoirs psychiques incroyables qui vont se mêler à leur mal-être d’adolescent pour faire d’eux les icônes torturées de toute une génération. Des pouvoirs qui semblent sans limite, mais avec un prix à payer qui l’est tout autant.
Néanmoins cette explosivité, qui me manquait sans que je le sache en BD franco-belge, a été une révélation pour moi : Ca, j’aime ! ça, c’est moi ! Ca, j’en veux encore ! 24 ans plus tard, ma quête continue toujours, donc merci à Katsuhiro Otomo de m’avoir refilé cette maladie incurable !
Tanja : Avant de connaître Une Vie Nouvelle (Hiatari Ryōkō!) de Mitsuru Adachi, je n’avais pas conscience que ces ouvrages étaient japonais, qu’ils se déroulaient dans le cadre d’une autre culture si différente de la nôtre. Mais grâce aux histoires de Kasumi et Yūsaku, mélangeant sport et amourettes sur fond de quotidien au lycée, l’auteur m’a fait découvrir la vie quotidienne des adolescents japonais. Et par ce biais toute la culture japonaise.
J’ai été fascinée par le dynamisme de la mise en page, par les dessins et les sujets abordés. C’était très exotique pour une jeune collégienne de 12 ans. Depuis, j’ai réalisé mon rêve et j’ai visité le Japon de nombreuses fois.
Laure : J’aurais pu vous parler de Nana, ce shôjo auquel toutes les ados s’identifiaient (moi incluse). J’aurais pu vous parler de Honey & Clover, et vous dire à quel point la vie de Takemoto résonnait en moi. J’aurais pu aussi vous parler de mon tout premier manga acheté, un Sailor Moon, je m’en souviens encore. Mais le manga qui a tout changé, qui a marqué un tournant dans ma vie, c’est Kenshin le Vagabond de Nobuhiro Watsuki.
Que dire de cet anti-héros torturé dont la vie reflète autant la bonté que la cruauté humaine ? C’était ma première idole, ce rouquin badass qui laissait entendre que le destin n’est pas tout tracé. Et au-delà des valeurs humaines, j’ai découvert un pays, ses traditions et son histoire, même sombre. Le Japon ne m’a dès lors jamais quitté : 12 ans après, je me retrouve à écrire ces lignes ici, pour vous, et planifie (déjà) mon second voyage au Pays du Soleil Levant. Qui aurait cru qu’un vagabond aurait autant d’influence sur moi ?
Julien B. : Difficile de situer précisément l’origine de ma passion pour le Japon et sa culture. Je suis pour ainsi dire « tombé dans la marmite de la japanime quand j’étais petit ». Impossible pourtant d’oublier le titre qui m’a fait basculer de l’état de bambin simple téléspectateur à celui de consommateur conscient avide de nouvelles découvertes. Dragon Ball, c’était LE phénomène incontournable des années 90, qui m’a permis de franchir le pas en achetant mon premier volume papier. J’étais même ensuite allé jusqu’à me procurer un des derniers tomes japonais.
Aujourd’hui encore, il reste un classique indémodable qui n’a quasiment pas pris une ride, et tient aisément la comparaison avec les plus populaires des blockbusters shônens actuels. Et même si j’ai depuis exploré bien d’autres horizons, Dragon Ball garde une place particulière dans mon cœur.
Mackie : Le livre qui a changé ma vie est presque toujours le dernier que j’ai lu. Puisqu’il faut en citer un qui a été décisif dans ma passion pour le Japon, je serais tenté de citer le manga Neon Genesis Evangelion, sans lequel je ne me serais pas mis à bloguer, pour témoigner de mon enthousiasme de newbie…
Mais le livre qui m’a vraiment fait découvrir le Japon, sa littérature et son histoire, c’est Le Sabre des Takeda, de Yasushi Inoue. Cette chronique épique de l’ère Sengoku est l’équivalent littéraire des grands films d’Akira Kurosawa (Ran, Kagemusha), pleine de bruit et de fureur, idéale pour une première approche. Depuis, je n’ai cessé de lire des romans japonais.
Avant que l’intrigue ne se focalise sur les jeux de cartes, je lisais les chapitres pour savoir dans quel jeu foldingue les personnages allaient se trouver. L’arc Battle City est un sacré souvenir d’enjeux surréalistes et de tension. Les jeux de carte, c’est du sérieux, surtout s’ils ont cette fâcheuse tendance à vouloir tuer ton adversaire !
Olivier : Le manga qui a changé ma vision de la vie c’est bien Berserk. C’est celui qui m’a mis sur la voie du manga, déjà par ses graphismes à couper le souffle mais surtout par le parcours d’un homme hors norme, qui fascine autant qu’il émeut.
C’est aussi des leçons de vie et une ardeur qui me booste dans les moments durs.
A l’image de la marque du sacrifié, j’ai Berserk dans la peau. Et quand on me demande ce que signifie cette marque pour moi, je réponds que c’est un subtil mélange entre « ce qui ne me tue pas me rend plus fort » et « c’est dans l’adversité que l’on s’élève ».
J’ai voulu savoir si cet auteur était un cas isolé, et si sa vision était proche de la réalité. Dans cette optique, cela m’a donné envie d’en savoir plus sur le Japon au sens large, ce pays qui ne se résume pas à son sens de la politesse mais cache, comme tout autre pays, une part sombre.
Fabien : En 2008, cela faisait déjà quelques mois que je lisais des mangas, mais il ne s’agissait alors que de simples shônen populaires, que je lisais sans réelle passion. À l’époque, j’étais plutôt fan de jeux vidéo. C’est dans ce contexte que j’ai découvert Tokyo Toybox. Ma curiosité s’est alors éveillée puisque ce manga avait pour thème les jeux vidéo. Tokyo Toybox est l’œuvre qui m’a poussée vers la découverte de titres moins populaires et différents des gros succès commerciaux de l’époque. Aujourd’hui, même si je suis moins passionné par les jeux vidéo, je remercie le hasard d’avoir mis Tokyo Toybox sur mon chemin. Même cinq ans plus tard, ce manga reste toujours aussi bon à mes yeux !
Thomas : Contrairement à pas mal de gens de ma génération, je ne suis pas un kid Dorothée. J’ai peu vibré devant Dragon Ball ou Olive et Tom pour la bonne raison que mes parents m’interdisaient de regarder ces potentielles bêtises. C’est donc ado que j’ai découvert la culture japonaise, grâce à Canal et son excellente programmation anime à la fin des 90’s/début 2000’s. De fil en aiguille, j’ai farfouillé, dénichant mollement quelques volumes édités par Glénat, Tonkam et consort dans ma librairie locale. C’est comme ça que je suis tombé sur GTO de Tôru Fujisawa.
Ça a été le déclic. La liberté de ton, le trait dynamique et l’humour franchement débile, mêlés à un message vaguement rebelle et anticonformiste pour un Japon manifestement très normé socialement m’ont fait vibré. C’est à cette époque que j’ai envisagé une carrière de prof. Je m’imaginais redresseur de torts, héros d’adolescents en pleine crise et à la recherche d’eux-mêmes. Les études et l’intérêt pour plein d’autres trucs ont fait que je ne suis pas devenu prof. Cependant, mon envie d’en savoir toujours plus sur la culture liée au manga et, par extension, au Japon, ne s’est toujours pas éteinte. Ce dont je me félicite.
Marion : Chobits des CLAMP fut une révélation pour la petite fille de 12 ans que j’étais. Le coup de poing dans les côtes qui vous fait ouvrir les yeux sur ce qui se passe à l’extérieur de votre petit monde habituel. Le premier manga que j’ai tenu entre mes mains. Cette histoire, grâce à des personnages attachants et une romance menée sur le thème de la relation entre l’homme et la machine, le tout soutenu par un dessin détaillé et fin, ne pouvait que m’émerveiller. Cela m’a marqué au fer rouge puisque des années plus tard, Chobits est encore là, sur les étagères de ma bibliothèque, aux côtés de toutes ces autres histoires qui ont été publiées depuis.
Pourtant, avec toute l’objectivité dont je peux faire preuve aujourd’hui, on peut trouver que le scénario manque un peu de profondeur, mais qu’importe. Cela reste un coup de cœur de l’époque que je n’ai jamais vraiment oublié, et que je relis avec plaisir.
Guest surprise : Kaoru Mori !
Invitée par Ki-oon, l’auteure de Bride Stories, très grande lectrice de manga (cf. Le meilleur du Manga 2013, édité par Kaze), a accepté de se prêter au jeu. Interprétariat assuré par Odilon Grevet :
C’est une question difficile ! j’ai lu tellement de mangas bouleversants… Mais si je devais en choisir un, ça serait Le Journal de mon Père, de Jirô Taniguchi. Savoir qu’il est également connu en France me réjouit.