Yumiko Igarashi à Paris, mais Candy-ra-t-on?
On m’a appris qu’il ne fallait pas demander leur âge aux dames. Mais ce sujet ne semble pas gêner le moins du monde Madame Yumiko Igarashi, qui était ravie de venir fêter en France, en cette fin d’année 2013, ses 45 ans de carrière…
Une carrière toujours aussi active, puisqu’elle était venue présenter sa nouvelle série historique en cours, Joséphine Impératrice, dont le tome 2 est sorti le 30 octobre dernier chez Pika. Sans oublier la première édition française de L’Épée de Paros, chez Isan Manga, et, cerise sur le gâteau, une exposition de dessins originaux à la galerie Aoji à Paris, intitulée très sobrement Yumiko Igarashi, impératrice du shôjo (sic!).
Je n’avais que 8 ans quand j’ai découvert Candy Candy, le premier anime shôjo diffusé à la télé française, en 1978 ! Si on m’avait dit que 35 ans plus tard, j’allais rencontrer sa créatrice pour l’interviewer… Le rendez-vous était fixé dans un salon de thé célèbre pour ses macarons, situé à Paris, rue Bonaparte. Bien vu le clin d’œil à l’impératrice Joséphine ! Quand on lui demande, justement, si ça ne l’ennuie pas qu’on l’interroge encore et toujours sur Candy Candy à chacun de ses passages en France, elle répond dans un sourire : « non, je suis flattée et très contente qu’on continue à m’en parler aujourd’hui, car c’est une œuvre qui occupe une place importante dans mon cœur : je venais de me marier, j’attendais un bébé quand je la dessinais… que de bons souvenirs ! »
« Tous ces rubans, ces dentelles… »
Joséphine Impératrice est une biographie de celle que l’on n’évoque, même en France, qu’à travers son impérial époux, Napoléon Bonaparte. C’est donc une excellente occasion et presque un paradoxe de pouvoir la redécouvrir par le biais d’un manga. Et, de fait, tout le monde depuis les férus d’histoire de France jusqu’aux fans de shôjo aux intrigues romanesques et passionnées, pourra y trouver son compte. Mais comment est né ce projet ? Qu’est-ce qui l’a convaincue d’y participer ? « Très simplement, l’idée m’a été proposée par Akita Shoten (l’éditeur avec qui elle travaille aujourd’hui), et je me suis fait aider par Kaoru Ochiai qui a écrit le scénario. Ce projet me correspond complètement : j’adore dessiner les costumes de l’époque, tous ces rubans, ces dentelles… Je me suis bien sûr documentée sur les aspects historiques, notamment lors de mon précédent séjour à Paris (pour Japan Expo 2011) ». Le 3e volume de Joséphine est attendu chez nous le 19 mars prochain.
Yumiko Igarashi a dessiné d’autres histoires très romanesques, parfois tirées de chefs d’œuvres de la littérature, comme Roméo et Juliette d’après Shakespeare, et Madame Bovary d’après Flaubert, chaque fois avec son style immédiatement reconnaissable. « J’aime les histoires d’amour impossibles. Et si elle se situent en France, c’est encore mieux. Si j’aimerais en faire d’autres ? Mais oui, j’attends vos suggestions ! (Rires) La dame aux Camélias ? Bonne idée, je me verrais bien m’y atteler, je vais y réfléchir ! » (rires)
« Ma prochaine héroïne sera dans le Japon contemporain. »
Plus sérieusement, Yumiko Igarashi nous confirme qu’elle travaille déjà à d’autres projets. Quand je lui demande si on peut espérer, pour changer, la voir travailler à une histoire se situant dans le Japon contemporain, elle sourit : « Mais c’est prévu ! L’année prochaine, je commence une nouvelle série, dont l’héroïne s’appellera Oishi Sensei, ce sera l’histoire d’un professeur femme dans le Japon d’aujourd’hui ! Mais je ne peux pas vous en dire plus… » Encore une héroïne féminine ? « J’aimerais beaucoup dessiner une histoire dont un homme serait le personnage principal… et pourquoi pas un français ? Là aussi j’attends vos suggestions » (Et de partir dans un grand rire…)
Le moment est venu de lui demander comment elle voit sa carrière, rétrospectivement, et l’évolution du shôjo aujourd’hui. « Quand j’ai débuté, je n’étais presque encore qu’une lycéenne, le temps passe si vite… Je me suis mariée jeune, je me suis occupée de mes enfants, aujourd’hui je m’occupe de mes parents qui sont très âgés… Finalement, la période pendant laquelle j’ai pu me consacrer uniquement à mon métier a été courte. Je suis quand même fière d’avoir contribué à la création et au développement du shôjo. »
« Je suis très kawaii ! »
Et d’avoir aussi contribué à créer le style kawaii, toujours à la mode aujourd’hui ?
« Mais oui. D’ailleurs, regardez, je suis très kawaii ! » (Rires)
Yumiko Igarashi trouve que depuis ses propres débuts, le style shôjo n’a cessé de s’améliorer avec d’autres dessinatrices, comme par exemple Taeko Watanabe, auteure de Kaze Hikaru (publiée chez Shogakukan mais non traduite), une série historique autour de l’histoire vraie du Shisen Gumi, à la fin de l’ère Edo.
Il ne me reste plus qu’à remercier Madame Igarashi, non sans une pointe d’émotion, pour nous avoir consacré avec bonne humeur un peu de son temps parisien, pourtant surchargé entre les nombreuses séances de dédicaces, vernissages, sollicitations diverses, sans oublier son passage au festival Japan Touch…
Remerciements, également, à Laure Peduzzi et Kim Bedenne de Pika, pour leur accueil et leur disponibilité.