Angoulême 2014 : les challengers nippons sont dans la place…
C’est demain que débute le 41e Festival international de la bande dessinée d’Angoulême jusqu’au 2 février. Comme chaque année, les regards se portent sur les sélections du festival, symboles d’une bande-dessinée franco-belge qui ne cesse de faire des allers-retours entre intérêt et protectionnisme vis à vis des mangas et auteurs nippons, surtout ceux produisant des œuvres tournées vers le grand public.
Pour cette édition 2014, Journal du Japon vous propose d’analyser les titres qui ont les meilleures chances de représenter le Japon lors de la remise des prix, ce dimanche, en clôture du festival.
L’attaque des titans, Cesare, Goggles, Opus et Space Brothers : petit tour d’horizon de ces 5 mangas qui ont de solides arguments pour faire vibrer les jurés !
L’attaque des titans, l’aventure grand public
Comment pourrait-on passer à coté du titre de Hajime Isayama en 2013 ? Avec son adaptation anime qui a passionné les foules durant l’été, ce titre de la collection seinen de Pika Editions est l’un des meilleurs lancements de l’année.
Tout commence il y a 107 ans, quand les titans ont dévoré presque toute l’humanité. Les survivants sont parvenus à leur échapper et ont construit une gigantesque citadelle pour s’y retrancher. Malheureusement, après un siècle d’une paix que l’humanité tenait pour acquise, un titan colossal et doué d’une intelligence inhabituelle arrive aux bords de l’enclos et perce son enceinte, signe d’une nouvelle invasion et d’un nouveau massacre. C’est ainsi que la mère du jeune Eren est dévorée sous ses yeux.
Cinq ans après le massacre, ce dernier cherche la vengeance aux cotés de Mikasa, jeune fille qu’il a autrefois sauvé et qui veille sur lui depuis. Mais le combat contre les titans semble perdu d’avance et personne n’est de taille à luter… Jusqu’au moment où Eren révèle une seconde nature des plus inattendues !
En plus d’une excellente idée de départ, le titre fait preuve d’un univers bien mis en place et savamment développé, avec un véritable talent pour la mise en scène et les rebondissements. Le grand reproche fait à la version papier est un graphisme vieillot mais beaucoup de lecteurs s’y sont accommodés et, on le sait depuis de nombreuses années, un graphisme hors des standards n’est pas pour déplaire aux jurés d’Angoulême, c’est même plutôt le contraire…
Seul point d’interrogation : le coté mainstream du titre ne joue, à priori, pas en sa faveur, même si rien n’est figé si on repense au prix de Kaoru Mori en 2012 pour Bride Stories, succès critique ET public des éditions Ki-oon. L’attaque des titans a donc le mérite de s’être hissé dans la sélection officielle, mais fait quand même office d’outsider.
Cesare, la fresque historique et européenne
Après avoir brillé au Salon du Livre de Paris en 2013 pour son lancement et la venue de ses deux auteurs, Fuyumi Soryo et Motohaki Hara (« interview ici »:http://www.journaldujapon.com/2013/05/et-le-cesare-de-la-meilleure-renaissance-est-attri.html), ce titre est également en lice pour être le seinen de l’année 2013.
A la différence de L’attaque des Titans, Cesare est pleinement tour
Le Pise de l’époque est le centre de machinations politiques et de luttes dans l’ombre pour le pouvoir religieux, entre les familles Medicis, Borgia ou avec l’ordre des Dominicains. Mais c’est aussi, avec la ville de Florence située à proximité, une région fourmillant d’esprits brillants tels que Leonard de Vinci, Machiavel ou encore Christophe Colomb, sur le départ pour sa célèbre expédition pour les Amériques.né vers le grand public, amateur de bandes dessinées en général et de fresque historique en particulier. On y suit la vie de Cesare Borgia, jeune membre de l’illustre famille qui a tenté de régner sur l’Europe de la Renaissance. Tout commence en 1491 dans la petite ville de Pise, en Italie, où on découvre la vie étudiante du jeune Angelo Da Canossa, qui va rapidement se confronter à Cesare Borgia.
Cette époque clé de l’histoire européenne a donc de solides arguments pour séduire plus d’un juré, d’autant que les recherches intensives de Fuyumi Soryo et de son consultant historique Motohaki Hara font de Cesare une œuvre minutieuse et extrêmement riche, sur le fond comme sur la forme. Néanmoins, au chapitre des éventuels bémols : si la Renaissance n’est pas un sujet fréquent au Japon, il a déjà été traité maintes fois sous nos latitudes. Est-ce que cette fresque historique a le petit truc en plus pour se démarquer dans la sélection officielle ? A voir…
Goggles, le Taniguchi-approved
Les éditions Ki-oon savent visiblement bien sélectionner les titres pour séduire le public franco-belge. Dans la collection Latitudes jusqu’ici emmenée par la seule Kaoru Mori, l’éditeur nous propose Goggles, de Tetsuya Toyoda.
Goggles c’est un recueil de 6 récits, fragiles, drôles, émouvants, emplis d’aventures humaines, de rencontres improbables. Les personnages un peu désœuvrés qu’on y croise sont d’autant plus touchants pour nous Européens qu’ils sont mal à l’aise avec les codes de la société japonaise, entre conformisme et apparence. Bloqués dans des vies qu’ils subissent, tournant un peu en rond, ils accueillent avec curiosité et maladresse un grain de sable qui va leur ouvrir une autre voie. L’occasion de prendre une grande respiration et de mettre enfin un peu de bazar dans leur monotonie…
Voici un titre aussi humaniste que cérébral, qui incite à un voyage intérieur comme l’aiment souvent les jurés du FIBD. Goggles est un manga qui donne le sourire, y compris à Jiro Taniguchi – un mangaka très apprécié chez les grands noms de la BD – qui n’a pas tari d’éloges à son sujet : « Goggles est une œuvre proche de la perfection dont la lecture m’a bouleversé ». Enfin, Angoulême a déjà complimenté l’auteur en 2009 pour son œuvre précédente, Undercurrent. Est-ce que ce premier prix sera un frein ou un tremplin pour un second ? Affaire à suivre !
Opus, l’hommage 90’s
Dernier manga en lice dans la sélection officielle, ce titre concourt pour un honneur posthume puisqu’il est signé du génie de l’animation décédé en 2010 Satoshi Kon. Publié en France par l’éditeur indépendant IMHO, ce titre a de quoi séduire les auteurs qui composent le jury puisque Chikara Nagai, son héros, est mangaka de son état. Son œuvre phare, Resonance, est sur le point de s’achever… L’affrontement entre Satoko, une policière capable de lire dans les esprits, Rin, un garçon doté du don de télékinésie et Le Masque, gourou d’une secte qui possède de nombreux pouvoirs psychiques, est sur le point de conclure son manga.
Mais, alors que Chikara est en train de boucler les dernières planches où Rin et Le Masque meurent ensembles, Rin lui-même change de dimension et dérobe le précieux dessin ! Avant de comprendre ce qui se passe, l’auteur est absorbé par l’une de ses pages et se retrouve projeté en plein cœur de son propre manga !
Ce récit loufoque, voguant entre deux mondes parallèles qui interagissent, porte indéniablement la patte du réalisateur de Paprika. Il a de sérieuses chances de se hisser dans le haut du panier car il a déjà reçu le prix de l’ACBD 2013 et qu’il évoque au juré un nippon style des années 90 qui rappelle un autre auteur apprécié à Angoulême, Katsuhiro Otomo (Akira, Mother Sarah), avec qui Kon a travaillé à plusieurs reprises.
Otomo est également à l’honneur cette année car il fait partie du trio de finaliste du Grand Prix du Festival, au coté de Bill Watterson et Allan Moore. Est-ce que Otomo ET Kon peuvent être consacré de concert ? L’idée est belle en tout cas.
Space Brothers, l’intrus ?
Ce second titre de Chûya Koyama sélectionné chez les éditions Pika est lui aussi un outsider, mais plutôt malgré lui : le voici listé dans la section jeunesse. Un choix qui porte – au mieux – à sourire pour un seinen et qui – au pire – pose de sérieuses questions sur le mode de présélection…
Comme nous vous l’avions présenté « dans les colonnes de JDJ »:http://www.journaldujapon.com/2013/11/space-brothers-decollage-dans-3-2-1.html, ce titre évoque le destin de deux frères, Mutta (l’aîné) et Hibito (le cadet), qui se sont promis de devenir astronautes. Seulement, 20 ans plus tard, les choses ne se sont pas exactement passées comme prévues. Hibito touche son rêve du doigt mais Mutta vient de se faire virer de son boulot et il est à des années lumières de son rêve. Si Mutta ne sait plus quel chemin prendre, Hibito ne désespère pas pour autant et va réussir à motiver son frère : Mutta passera le test national afin de devenir astronaute !
Une histoire prenante sur la conquête spatiale portée par un faux looser très attachant, Mutta, dont l’intelligence n’a d’égal que son manque de confiance en soi et les fanfaronnades qui vont avec. L’espace est encore un lointain rêve et c’est pour l’instant la compétition sur Terre pour devenir astronaute qui capte toute l’attention du lecteur.
Space Brothers est un titre encore en devenir après des débuts tout à fait convaincants, mais on se demande vraiment quels arguments pourraient faire de lui le gagnant de la sélection jeunesse d’Angoulême.
Voilà pour ces 5 titres japonais en compétition. Verdict dimanche, que vous pourrez suivre de près sur « nos réseaux sociaux »:https://twitter.com/JournalDuJapon. Vous pouvez retrouver l’intégrale de la sélection du FIBD « ici »:http://www.bdangouleme.com/402,selection-officielle?id_selection=16. En attendant vous pouvez toujours tenter un pronostic !
Enfin, pour en savoir plus sur ces 5 titres, nous vous invitions à découvrir les critiques ou interviews dans nos colonnes et dans celles de notre partenaire Paoru.fr :
« L’attaque des titans : on va tous mouriiiiiir ! « :http://www.paoru.fr/2013/07/26/lattaque-des-titans-on-va-tous-mourrrriiiiir/
« Cesare : genèse d’un Borgia en plein cœur de Pise »:http://www.paoru.fr/2013/03/20/preview-cesare-genese-dun-borgia-en-plein-coeur-de-pise/
« Et le Cesar(e) de la meilleure Renaissance est attribué à… »:http://www.journaldujapon.com/2013/05/et-le-cesare-de-la-meilleure-renaissance-est-attri.html
« Goggles : les 6 voyages de Tetsuya Toyoda… »:http://www.paoru.fr/2013/10/28/goggles-les-6-voyages-tetsuya-toyoda/
« Opus : un mangaka qui parle d’un mangaka qui parle d’un manga où finit un mangaka… »:http://www.paoru.fr/2013/08/12/opus-de-satoshi-kon-un-mangaka-qui-parle-dun-mangaka-qui-parle-dun-manga-ou-finit-un-mangaka/ :
« Space Brothers : décollage dans 3… 2… 1… »:http://www.journaldujapon.com/2013/11/space-brothers-decollage-dans-3-2-1.html :