Masashi Kudo : Le chara design, une affaire de création originale.
Dans le cadre de la 16e édition de Paris Manga, nous avons eu l’occasion de rencontrer Masashi Kudo lors d’une table ronde réunissant plusieurs médias du web. Ce dernier a principalement œuvré sur l’adaptation animée de Bleach. Tantôt animateur, tantôt réalisateur, il en a surtout été le character designer.
Assis sur les quelques chaises que nous avons pu glaner, nous avons découvert un homme affable et attentif, qui n’a pas manqué de remarquer en cours d’interview l’atmosphère bruyante de l’espace presse. Il était en effet quasiment impossible d’entendre ses réponses.
D’animateur à character designer, sous la houlette de monsieur Abe
Masashi Kudo a travaillé pendant huit ans sous la direction de Noriyuki Abe, le réalisateur de Bleach. Pendant ces longues années, il a eu l’occasion de toucher à de nombreux postes, et de participer à toutes les étapes de création de l’adaptation d’une série.
Grâce à cette expérience, il a un regard circonspect sur ses différents rôles et leur impact sur son âme de character designer. « L’influence des différents postes me travaille à l’intérieur, ayant été animateur clef et animateur avant d’avoir été character designer. Il n’y a pas eu d’influence prédominante, chaque poste a eu sa propre contribution dans mon character design. Il s’agit d’un travail sur le visuel en lui-même, très personnel, tandis que l’animation et l’animation clef sont plutôt des travaux de groupe. C’est l’ensemble de toute une équipe qui va bouger, donc il faut penser collectif plutôt qu’individuel. J’ai de l’affection pour chacun des postes que j’ai occupé, mais celui de character designer reste le plus difficile. »
En tant que responsable de la création graphique des personnages d’un projet, ce rôle implique un lien étroit avec l’auteur, surtout lorsqu’il s’agit de l’adaptation d’une série existante. Dans le cas de Bleach, Masashi Kudo a travaillé de concert avec Tite Kubo. « Je lui ai proposé plusieurs dessins et esquisses, qu’il a attentivement vérifié un par un. Il m’a donné beaucoup de conseils très détaillés « il faudrait un peu plus de muscle par ici, adoucir le trait par là ». Il m’est arrivé de passer toute une nuit à discuter avec lui.
J’ai lu les ouvrages qu’il avait publié, m’imprégnant des nouveaux protagonistes au fur et à mesure qu’ils apparaissaient. j’en ai tiré des impressions que j’ai tenté d’exprimer dans les esquisses que j’ai présenté à monsieur Kubo. Ensuite, je les ai retravaillées selon sa volonté. Enfin, j’ai préparé un ensemble de dessins pour les animateurs clefs, qui les ont ensuite retranscrits pour qu’ils puissent être utilisés par les animateurs. C’est toute cette évolution qui va donner lieu à la création du personnage. Il ne prend vie qu’à partir du moment où les animateurs l’animent. »
De la fantasy dans le réel, du réel dans un monde fantastique
La complexité du travail de création dépend avant tout du support, et des inspirations qui en découlent. Pour Maoyū Maō Yūsha, aka MAOYU, Masashi Kudo a dû se confronter à tout un univers. « Bleach se passe dans le Japon contemporain. Pour tout ce qui est mode, des ambiances, on va avoir la possibilité de s’inspirer de notre époque. Soul Society regroupe de nombreux aspects très japonisants, et c’est grâce à ça qu’on va pouvoir avoir un maximum de détails.
Par contre, MAOYU se déroule dans un monde médiéval-fantastique, proche du XIV-XVIe siècle, avec des inspirations différentes pour chaque pays, tous dotés de leurs propres armures, leurs propres styles graphique. C’est là que se situe la grosse différence : MAOYU revient à insérer du réel dans de la Fantasy quand Bleach insère de la Fantasy dans du réel. »
Création ou remodelage ?
Mais dans le cas de l’adaptation d’un manga, le travail d’un character designer n’est-il pas plutôt axé sur le remodelage de modèles pré-existants ? Il explique que « si on prend l’exemple de Bleach, c’est une série dont le manga continue d’avancer pendant la série animée. Si on avait choisi de traiter une période bien précise de l’histoire, nous aurions utilisé les personnages de cette période, et peut être aurions-nous ajouté un ou plusieurs personnages originaux.
Sauf qu’ici, la série animée suit le manga dans son ensemble, qu’elle risque éventuellement de rattraper. On doit donc créer des personnages pour faire patienter le spectateur, par le biais d’épisodes inédits, par exemple. C’est la grosse différence entre traiter une période définie ou une œuvre dans son ensemble : il n’y a pas ou peu de travail de création, mais on ne se limite pas à la galerie de personnages de base. Pour moi, le vrai travail du character designer se trouve dans la création originale. »
Quand on lui demande, pour conclure, de nous faire part de ce qu’il pense de l’animation japonaise actuelle, et de ce qui aurait besoin de changer, il répond avec une pointe d’embarras « qu’il y a de nos jours un nombre impressionnant d’œuvres qui sortent, mais le nombre d’animateurs n’est pas aussi impressionnant. Je pense qu’il faudrait rééquilibrer un peu la balance. »
Remerciements à Masashi Kudo pour sa disponibilité et ses réponses concises et intéressantes. Merci également à Emmanuel Bochew, son interprète et agent et au staff de Paris Manga pour la mise en place de cette interview.
Propos recueillis par Jean-Baptiste Bondis & Aurélie Renault
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