Scumbag Loser : les joies et les horreurs de la persécution…

Scumbag Loser

On en a tous entendu parler, d’un élève un peu plus reclus que les autres, un peu moins sociable, un peu moins beau même ! Les enfants et les adolescents sont cruels à cette période de leur vie, et l’effet de groupe rend les choses plus terribles encore…
L’individu en question se retrouve seul, isolé et mal aimé, pour le simple fait qu’il est différent de la populace moyenne des prépubères boutonneux qui l’entourent, ou qu’il a un physique peu avantageux qui le classe directement dans la catégorie des gens « à éviter pour ne pas attraper le palu ». Enfermé dans un cercle vicieux où la moquerie n’a pas de fin, il reste dans son coin, et tout doucement, on oublie son existence.
Ici, ça n’a rien à voir.

 

Montre-moi ta culotte, je te dirai qui tu es…

Masahiko est l’humble détenteur de tous les défauts physiques et moraux du monde : en sniffeur de culottes qui se respecte, il est orgueilleux, vulgaire, peureux, et comme si cela ne suffisait pas, il dénigre les gens qui sont pourtant dans le même cas que lui.
Comprenez qu’il est considéré dans son établissement comme un moins que rien, un « gros lard », celui sur qui l’on marche pour se faire respecter. Mais loin de nous l’idée de ressentir de la pitié à son égard, car de son côté Masahiko ne fais pas dans la dentelle ! La compassion et l’empathie ne sont pas des mots qui font partie de son vocabulaire… il est le anti-héros par excellence, celui que l’on n’invitera jamais le dimanche chez mamie pour boire un thé à la camomille.

S’il hait par-dessus tout ce qu’il appelle « la lie de la société » (ces individus qui acceptent le fait d’être traité comme la dernière des moisissures), sa plus grande peur à ce jour est d’en faire partie lui-même ! Il ne veut pas être le pire loser du monde, celui qui lèche les chaussures de ses bourreaux, et qui réfute presque sa condition d’être humain pour ne pas finir avec un œil au beurre noir…
Sa solution pour éviter le destin terrible des persécutés ? S’inventer une petite amie, répondant au doux nom de Haruka, en référence à son amie d’enfance, morte quelques années plus tôt. Mais voilà, un jour, Haruka débarque, pour de vrai, juste devant lui et confirme le fait qu’ils sont un couple devant leurs camarades de classe. Yeah, just like that.

 

Scumbag Loser

Pretty woman, killing on the street…

On se doute qu’Haruka n’est pas nette dans l’histoire, son sourire colgate toutes dents dehors nous le prouve. Avec un drôle de sens de l’amitié, elle fait bien comprendre à Masahiko qu’être sa petite amie est un service qui ne va pas être gratuit, et qu’un prêté pour un rendu, il va devoir donner de sa personne pour conserver sa vie. Car c’est bien de sa vie dont il est question et, en même temps que le lecteur, il va gravir une à une les marches le menant vers l’horreur, dépassant au passage la frontière de la légalité et de la simple persécution entre gamins.

Puis les questions surviennent : Qui est réellement Haruka ? Que veut-elle ? Pourquoi s’embarrasse-t-elle de Masahiko et pourquoi diable souhaite-t-elle qu’il lui amène le pire looser de la terre chaque mercredi ? Si le caractère infect de notre personnage principal ne nous fait pas compatir le moins du monde sur la situation improbable dans laquelle il se retrouve, on se surprend quand même à espérer qu’il s’en tire, si possible en ayant retenu la leçon. On apprendra plus tard qu’avec Scumbag Loser, rien ne sert de s’embarrasser d’optimisme, car la pire des situations est toujours celle qui finit par survenir !

Ce genre de mangas dépeint la société et le genre humain de manière assez noire, avec l’impression que personne ne mérite vraiment notre sympathie, que chacun cache un côté morbide et psychopathe… Mais est-ce vraiment le genre humain ? Finalement notre petite Haruka fait-t-elle vraiment partie de cette communauté ?

Scumbag Loser

  

Un conte urbain moralisateur… En fait, non.

Mikoto Yamaguti, le mangaka à qui l’on doit cette histoire et encore inconnu à ce jour, nous offre en trois tomes l’occasion de suivre Masahiko dans sa quête de la reconnaissance et de la vie sociale qu’il souhaite obtenir… Mais attention, ce n’est pas un agréable voyage aux allures fleuries et qui sent la bougie pomme-cannelle, loin de là. Car tout se passe dans un environnement glauque, crade, avec un poil de perversion et une ambiance malsaine à souhait.
Si l’on croit lors des premières pages que l’on est en présence d’un slice of life un peu plus original et adulte que les autres, on est vite dérouté par le cours que prennent les événements. Bonjour perversité, harcèlement, prise de pouvoir sur autrui, chantage… 

Scumbag Loser

Bref, ce qu’il faut pour recevoir le diplôme de l’étudiant de l’année, mention vicelard. Ce seinen des éditions Ki-oon, paru le 12 septembre 2013, pousse le vice en allant au-delà des limites de la bienséance, et montre au lecteur que oui – zut – notre héros est horrible mais regardez bien, il y a encore pire que lui…

Prépublié au Japon dans le Gangan Joker de chez Square Enix, à l’origine des Higurashi et des Umineko notamment, Scumbag Loser a une réputation qui le précède : si vous voulez une belle histoire, allez voir ailleurs…

Au moins maintenant, on est prévenu !

Ce titre est une agréable surprise, car l’on plonge véritablement dans les tréfonds de l’Homme et de sa relation avec les autres. La réalité est là, tout le monde n’est pas beau, tout le monde n’est pas gentil, c’est plutôt l’inverse. Le dessin est assez fin et travaillé, exagérant à l’extrême les expressions des visages pour nous faire frissonner ou nous mettre aussi à l’aise que pour faire un exposé en public en étant complètement nu et avec une soudaine envie d’aller aux toilettes.
Pour ce qui est de l’édition en elle-même, on a le droit à une couverture de qualité et à deux pages couleurs qui nous mettent tout de suite dans l’ambiance. Si les grands stratèges du marketing souhaitent attiser la curiosité du lecteur en mettant quelques cases du tome 2 à la fin du premier volume, certains lecteurs se sentiront offusqués de se faire spoiler sans avoir rien demandé, d’autres attendront patiemment sa sortie, prévue pour décembre 2013…

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