La première découverte du Japon par les Européens, 1543-1551
Non, le Japon n’a pas attendu 1853 et l’arrivée des « bateaux noirs » du Commodore Perry en baie de Tokyo, pour découvrir et être découvert par les Occidentaux. Trois siècles auparavant, marchands portugais et missionnaires jésuites débarquaient au sud de l’archipel, inaugurant une ère d’échanges commerciaux et culturels intenses, que l’on appela ensuite « le siècle des chrétiens ».
Ce fait méconnu est relaté dans le passionnant livre La découverte du Japon par les Européens (1543-1551), paru en mai dernier aux éditions Chandeigne.
Ce très riche recueil de 400 pages, abondamment illustré, rassemble les tous premiers témoignages d’Européens, mais aussi de Japonais, sur ces premières rencontres qui changèrent le destin du Japon. Une longue préface de 45 pages, ainsi qu’un recueil de cartes géographiques, permet de les mettre en perspective, et d’en saisir la chronologie et les enjeux.
Cipango, le royaume mythique
Cipango : c’est sous ce nom que l’Europe entendit pour la première fois parler du Japon. On le doit à Marco Polo, qui lors de son long périple en Chine ensuivant la route de la soie, eut vent d’un pays insulaire à l’est de la Chine, que le grand empereur mongol Kubilay Khan chercha en vain à conquérir. Dans son récit de voyage, Le Livre des Merveilles, il écrivit en 1298 une phrase qui allait attiser les convoitises : « Ils ont de l’or en grandissime abondance, parce que l’or se trouve ici outre mesure. »
Un tel récit ne pouvait qu’attiser les convoitises, mais la route de la soie était bien trop périlleuse. Il fallut attendre l’essor de l’exploration maritime, à la suite de Vasco de Gama, pour que les Portugais parviennent en l’extrême-orient. Pour l’anecdote, c’est en quête des richesses mythiques de Cipango qu’un certain… Christophe Colomb découvrit accidentellement le continent américain…
L’arrivée des Portugais
Au début du 16e siècle, les Portugais ont établi de nombreux comptoirs commerciaux de Goa à Malacca, et commencent à remonter vers la Chine. C’est en 1543 que par hasard, poussés par un typhon, des aventuriers portugais débarquent les premiers à Tanegashima, île indépendante au sud de Kyushu. Le contact est excellent, et les échanges fructueux : il y a peu d’or à « Cipango », mais de l’argent en abondance, que les portugais échangent notamment contre des arquebuses.
Ceci aura un impact considérable sur le cours des événements au Japon, déchiré par les guerres de l’ère Sengoku : c’est notamment grâce aux arquebuses que Nobunaga Oda, Hideyoshi puis Tokagawa s’imposeront et unifieront le Japon.
François Xavier, le premier missionnaire
Mais une autre histoire commence : celle du christianisme au Japon. Car dès 1549, François Xavier, un des fondateurs (avec Ignace de Loyola) de la Compagnie de Jésus, décide d’en faire une terre de mission, et s’installe à Kagoshima. Il fera le voyage jusqu’à Kyoto, et enthousiaste, écrira dans une des lettres reproduites dans le livre : « à en juger par ceux avec qui nous avons traité, les Japonais sont le meilleur d’entre les peuples découverts jusqu’à présent. »
A noter que François Xavier fait une apparition courte mais marquante dans le dernier manga de Naoki URASAWA, Billy Bat, en compagnie de son fidèle traducteur Yajiro, ancien pirate et un des premiers Japonais convertis au christianisme.
Luis Frois, le premier historien
La découverte du Japon par les Européens rassemble bien d’autres textes, de personnalités moins connues que Marco Polo ou François Xavier, qu’il serait trop long de résumer ici ; mais il faut citer le passionnant témoignage du jésuite Luis Frois, arrivé au Japon en 1563, et qui y restera jusqu’à sa mort, en 1597. Infatigable missionnaire, il participe à la conversion de milliers de Japonais – avant la répression des chrétiens par Tokugawa, on comptera jusqu’à 700,000 convertis, ce qui est considérable – mais surtout, on lui doit les premières études que l’ont peut qualifier de scientifiques sur l’histoire, la civilisation et la société japonaises de l’époque.
Pour ceux qui souhaiteraient s’instruire en s’amusant, il faut absolument recommander la lecture, toujours aux éditions Chandeigne, de « Européens et Japonais, Traité sur les Contradictions et Différences de Mœurs, au format poche (paru en 2012). Unique en son genre, il liste sous forme d’aphorismes les différences que le père jésuite a remarquées, dont voici un court florilège :
« Nous entrons chaussés dans les maisons ; au Japon, il est discourtois de ne pas laisser ses souliers à la porte. »
« Chez nous, les visites se font, la plupart du temps, sans obligation d’apporter quoi que ce soit ; au Japon, celui qui rend visite doit toujours apporter quelque chose. »
« Les femmes en Europe ne quittent pas la maison sans la licence de leur mari ; les Japonaises ont la liberté d’aller où bon leur semble, sans que le mari n’en sache rien. »
« Chez nous, c’est s’avilir et se discréditer que de s’enivrer ; les Japonais s’en réjouissent, et si on leur demande, que fait le seigneur ? Ils répondent : il est saoul ! »
Il est amusant de noter que la plupart de ces observations sont encore valables de nos jours…
Si la période qui a suivi ces premiers contacts semblait montrer un Japon très réceptif aux nouveautés européennes, y compris la religion, cela n’allait malheureusement pas durer. Grâce, on l’a dit, aux arquebuses amenées par les Européens, les guerres intestines entre seigneurs allaient s’achever, et si Nobunaga Oda se montrait assez favorable à la nouvelle religion, ses successeurs allaient montrer un tout autre visage vis-à-vis des chrétiens…
Jugeant que le catholicisme pouvait représenter une menace à leur entreprise d’unification, Hideyoshi commença par expulser les missionnaires, puis Tokugawa décida, sans état d’âme, de massacrer les catholiques, avant de fermer le pays aux étrangers. Il ne resta plus un seul Portugais au Japon… Seuls furent tolérés quelques Hollandais, sur un îlot au large de Nagasaki – à la différence des jésuites, les Hollandais, protestants, ne faisaient pas de prosélytisme religieux, eux…
Ainsi s’acheva ce qu’on appelle parfois « le siècle des chrétiens », ou bien l’époque du commerce Nanban (Nanban = barbares du sud), preuve s’il en est que malgré des hauts et des bas, dus au contexte politique, les Japonais sont, depuis longtemps, un peuple ouvert à l’Occident, n’en déplaise aux idées reçues…
Merci pour cet article sur le Japon.
tres bon site j’adore!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! :p
Le livre est bien, mais…
Rui Loureiro n’est l’auteur que de la preface, l’anthologie et les notices sont traduites du travail de Xavier de Castro, ce qui n’apparait guere sur l’edition du livre que je possede.
Ensuite, il y a une contradiction interne entre la preface qui adhere a la legende d’un Colomb ayant decouvert l’Amerique parce qu’il cherchait le Japon et des documents et des notices qui la recusent : Colomb ne cherchait pas le Japon et ne s’interessait pas a Marco Polo, mais des gens l’accompagnant connaissait le texte de Marco Polo et fantasmait dessus.
La fenetre est trop etroite pour les documents sur la decouverte du Japon. Il faut d’un cote distinguer les premiers ecrits connus sur le Japon et les recits sur la decouverte du Japon. Le texte de Galvao de 62, bien qu’en langue portugaise, est a peine cite en une demi page sans presque de commentaires dans une notice sur un autre texte. Il manque aussi un proces-verbal de 1562 impliquant Mendes Pinto aux cotes de Maffei et Joao Rebelo, alors qu’on a une bonne selection de chapitres du roman La Peregrination. Les sources japonaises ne sont ni citees, ni referencees, a l’exception de la chronique de l’arquebuse.
Enfin, les documents sont mal analyses. La chronique de l’arquebuse est un document de propagande autour d’une famille de seigneurs ecrite sur le tard avec des anomalies internes ; un bateau en 43 avec des europeens parlant des langues differentes et non le seul portugais, une passation orale pere-fils qui n’a pas sa place dans le recit de premiers jours de portugais dans un port, un delire d’historiens a dire que ‘muramurashaka’ est une deformation d’oreille japonaise pour Francisco. Surtout, Galvao s’est trompe, il a parle d’une decouverte du Japon au lieu de decouverte des Lequios, mais Garcia Escalante de Alvarado separe bien la decouverte des Lequios par trois portugais venus du Siam et evoquee par Diogo de Freitas d’une info d’un autre espagnol Pero Diez parlant de portugais se rendant au Japon des 1544 soit par les Lequios, soit au depart de Patani ile de Borneo. Mendes Pinto suit assez fidelement Garcia en imaginant une fuite des cotes du Vietnam actuel avec une decouverte des Lequios. Seul Mendes Pinto parle d’une decouverte des deux archipels par les trois memes portugais. Ni Galvao, ni Garcia n’ont dit cela, or le romancier ment, il n’a janais ete au Japon avant 1549-1550, il a tout pique a d’autres comme les notes de Castro le revelent bien. Du coup, personne ne peut dire sir les trois noms avances par Galvao : Zeimoto, da Mota et Peixoto ont decouvert le Japon ou plutot les Lequios. Mendes Pinto a recupere le nom de Zeimoto et la chronique japonaise celui de da Mota, mais Mendes Pinto et le bonze ont eu connaissance de manuscrits et r2cits oraux confus tout comme Galvao sans parler des manuscrits perdus. Il est inad;issible de dire que Zeimoto ou da Mota ont decouvert le Japon, inad;issible d’affirmer comme fiable la date du 23 septembre 1543 comme decouverte du Japon, alors que selon Garcia ecrit plus ancien moins susceptible de deformations dit qu’en 44 les portugqis allaient au Japon par deux voies Patani ou Lequios, ce qui fait un conflit de date serree avec le Teppoki, vu que les portugais ne sont repartis qu’apres un sejour prolonge selon le discours tenu.
Enfin, on a toujours cet amalgame tendancieux de l’influence chretienne de Francoix Xavier, alors que le christianisme s’est repandu au Japon grace aux commercants portugais et grace a l’engouement de seigneurs japonais. On a des lettres de Francois Xavier qui le disent en toutes lettres, il n’est pas encore au Japon qu’un seigneur veut faire qu’un pretre ou eveque vienne de Goa, Anjiro veut se convertir a cause des marchands comme Alvares sans avoir jamais vu Francois Xavier. Les jesuites ne furent que la seconde phase de l’engouement pour le christianisme, pas tout a fait la premiere.