[Interview] Hikaru Nakamura : Tiens, voilà du Bouddha !

Hikaru NAKAMURA était l’invitée de l’éditeur Kurokawa à l’occasion du Salon du Livre de Paris 2013. Venue présenter son manga phare Les Vacances de Jésus et Bouddha, elle a donné une série de questions/réponses avec le public lors d’une conférence et s’est rendue très disponible pendant les séances de dédicaces. Elle nous a par ailleurs accordé une interview. De quoi faire un tour raisonnablement exhaustif de son travail.

 

Hikaru Nakamura

Journal du Japon : À qui s’adresse Les Vacances de Jésus et Bouddha ?

Hikaru NAKAMURA : Depuis le début de sa publication (en 2007 au Japon), la série est prépubliée dans le magazine Morning Two, édité par la Kodansha. Il est avant tout destiné aux adultes âgés de 30 à 40 ans. Je savais donc dès le départ quelle était le lectorat initial. C’est pour ça que je me suis permise d’insérer des références assez pointues relatives au bouddhisme ou au christianisme. Même, initialement, je ne pensais même pas le publier et simplement écrire et dessiner quelque chose pour moi où je pourrais intégrer mes connaissances dans ces deux religions. Je suis très surprise qu’il plaise à autant de monde ! Je suis par ailleurs ravie de constater que l’humour que j’utilise, que j’estime pourtant très japonais, fonctionne également aussi bien en France, grâce au très bon travail d’adaptation de Kurokawa.

Justement, avez-vous une idée de la réception du manga à l’étranger ?

En Europe, je sais que le manga vient d’être publié en Espagne et en Italie. En ce qui concerne l’Asie, il est édité à Hong-Kong, en Corée du Sud et à Taïwan. Je n’ai pas les chiffres exacts en tête, mais je sais que pour ces deux derniers pays, Les Vacances de Jésus et Bouddha a très bien marché alors même que nous n’avions pas du tout communiqué sur sa sortie. Le bouche-à-oreille a suffi.

Comment vous vient l’idée d’un nouveau chapitre ?

La plupart du temps, je pense aux lecteurs du manga qui le suivent lors de sa prépublication en magazine. Je m’inspire alors de l’actualité du moment : les fleurs au printemps, la neige et Noël en hiver… J’ai des idées très saisonnières finalement.
D’une manière plus générale, j’ai choisi des personnages principaux pauvres parce que, paradoxalement, ils sont plus simples à dessiner et raconter, leurs objectifs sont plus humbles…

© Hikaru Nakamura / Kodansha Ltd.Quelles sont vos méthodes de travail ?

Pour un chapitre de Jésus et Bouddha, je compte environ 10 à 15 jours de travail. Je suis assistée par quatre personnes dans mon atelier. L’inspiration vient d’un peu partout. Quand j’ai commencé à travailler la personnalité de Jésus et de Bouddha, je me suis rendue compte que le caractère un peu geek et enjoué de Jésus me ressemblait alors que Bouddha, plus réservé, correspond d’avantage à l’attitude de Bouddha. Il en va de même pour mon dessin : Jésus ressemble un peu à John Frusciante, le guitariste des Red Hot Chili Peppers ; je me suis servie de Silas (du Da Vinci Code) et de la chanteuse Ringo Shiina pour dessiner respectivement l’archange Uriel et Benzaiten (une divinité bouddhique qui n’est pas encore apparue dans les volumes publiés en France) ; Mme Mastuda, la logeuse des deux héros, est basée sur la propriétaire qui m’hébergeait lorsque je suis arrivée pour la première fois à Tokyo !

Vous semblez tirer votre inspiration d’un peu partout. Vous arrive-t-il de vous servir de bandes dessinées occidentales pour stimuler votre imagination ?

J’ai un véritable intérêt pour la bande dessinée européenne. Ma bibliothèque est remplie d’ouvrage que je consulte essentiellement pour les techniques de dessin utilisées, puisque je ne comprends pas ce qui est écrit. Par exemple, sur le Salon, j’ai acheté tous les volumes publiés de la BD Sambre parce que le dessin m’a tout de suite plu. La BD occidentale va donc surtout me servir de référence dans la posture des personnages et leurs proportions. Je trouve qu’anatomiquement, les dessinateurs occidentaux réalisent des choses proches de la perfection.

Actuellement, vous travaillez parallèlement sur deux séries à succès, Les Vacances de Jésus et Bouddha d’un côté, et Arakawa under the Bridge (inédit en France) de l’autre. Comment faites-vous pour passer d’une série à l’autre ?

Le passage du mode « Arakawa » au mode « Jésus et Bouddha » (et inversement) est assez compliqué. En général, ce que je fais, c’est que je travaille toujours en musique. En fonction de la série sur laquelle je planche, j’aurais des musiques particulières qui m’aideront à mieux me concentrer. Pour Les Vacances de Jésus et Bouddha, par exemple, j’écoute du BUDDHA BRAND (un groupe de J-hip-hop), en particulier leur titre Buddha no Kyûjitsu (Le jour de repos de Bouddha). Pour Arakawa under the Bridge, j’écouterai plutôt du Shea Seger (une artiste folk américaine) ou la bande son de l’anime.

Quel message pouvez-vous adresser à vos lecteurs et lectrices français ?

Je sais qu’en France, la culture chrétienne est bien plus importante que la culture bouddhique. J’ai été agréablement surprise d’apprendre, pendant les dédicaces, que plusieurs lecteurs ont commencé à s’intéresser au bouddhisme après avoir lu le manga. Aussi, ce que je peux vous conseiller pour mieux comprendre certaines blagues, c’est de lire La Vie de Bouddha, d’Osamu Tezuka. Ce manga a eu un impact énorme sur moi et m’a beaucoup inspiré dans l’écriture des Vacances de Jésus et Bouddha.

 

Dédicace de Hikaru Nakamura

Merci à Grégoire Hellot, directeur de collection chez Kurokawa, qui a assuré la traduction de cet entretien et à Charlotte Marquevielle, pour sa mise en place.

Visuels © Hikaru Nakamura / Kodansha Ltd.

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