Shortcoms : c’est pas la taille qui compte
La saison anime de l’hiver 2013 a été symptomatique d’une tendance qui s’intensifie dans le milieu de la japanimation : celle des séries au format court (entre 2 et 10 minutes). Ainsi, entre janvier et mars 2013, on en comptait une bonne demi-douzaine : Puchim@s, Sen’yû, Ishida to Asakura, Ai Mai Mii, Mangirl ! et Yama no Susume.
Nous nous sommes penchés sur ce phénomène.
Court = moins cher
Plusieurs raisons expliquent cet avènement du format très court qui, de fait, existe depuis le début des années 1990. Qui ne se souvient pas d’Ebichu ? , à commencer par le faible coût de production. A l’instar de l’animation pour enfants qui, en Europe, est largement passée de l’animation traditionnelle à la 3D cheap pour d’évidentes raisons de coûts (entre payer 20 graphistes 3D plutôt qu’une armée de petites mains, le calcul des producteurs est vite fait), l’animation japonaise doit aussi faire face à la crise. Quand bien même ce sont des anonymes nord-coréens qui sont chargés de donner vie aux story-boards envoyés depuis l’archipel. Ici encore, le calcul est simple : réaliser 5 minutes d’animation coûtera cinq fois moins cher qu’un épisode de 25 minutes classique. A fortiori quand la qualité visuelle n’est pas ce qui prime.
Car les shortcoms ont également un défaut à leur qualité : comme ça coûte moins cher, la qualité en pâtit. Dessin moyen voire médiocre, animation peu fluide (souvent traitée en flash), décors minimalistes… L’argent non dépensé n’est pas investi dans la production. Alors pourquoi regarder ces programmes low cost ?
Bac à sable
L’intérêt principal de la shortcom, c’est qu’elle implique un investissement moindre (temporel comme pécuniaire). Aussi, les créatifs peuvent s’en donner à cœur joie et se permettre pas mal de petits délires scénaristiques et formels fourtraques bien sympathiques. Le fait qu’en plus la plupart des adaptations soient tirées de yonkoma (les mangas comiques en quatre cases) renforce ce sentiment.
Donc, certes, c’est parfois moche, mais c’est souvent drôle, inventif et/ou frais. Le format court est parfaitement adapté à cet humour bouffon, à la croisée du manzai (une forme de comédie traditionnelle japonaise se pratiquant en duo) et de l’absurde, tout simplement. Par ailleurs, les enjeux étant relativement faibles, le fait qu’un épisode ne dure que 5 minutes facilite la mise en place de cliffhanger. Le spectateur, s’il n’est pas tenu en haleine, a tout de même droit à sa dose de suspense dans ces intriguettes.
Un format en adéquation avec son temps
Autre raison pouvant expliquer ce boom du shortcom : le développement massif de la vidéo mobile. Grâce au développement de réseaux sans fil de plus en plus performants (la 4G est commercialisée au grand public depuis 2010 au Japon) et d’outils portables aux résolutions vidéo plus que satisfaisantes (smartphones et tablettes en tête), la vidéo en ligne franchit un palier supplémentaire en devenant mobile. nico nico douga, célèbre plateforme de partage vidéo nippone, a compris ce principe, et propose depuis 3 ans le streaming d’un certain nombre de séries animées. Dans le catalogue de la plateforme, au milieu de titres importants comme Nichijô ou Mirai Nikki, on trouve (entre autres) des Wooser no Sono Higurashi et des Ai Mai Mii.
Car la consommation de ces séries courtes se prête parfaitement à la vidéo mobile : le temps d’un trajet en train ou métro, on peut enchaîner sans problème quelques épisodes mal dessinés de 3 minutes entre la lecture de deux pages d’actualité, là où le visionnage d’un Fate/Zero sera contraint par la durée, le confort du voyage et la taille de l’écran.
Doit-on s’attendre à une déferlante à venir de shortcoms dans l’animation japonaise ? Difficile à dire. Il est évident que les futurs développements de la vidéo en ligne (commercialisation, formats, création…) vont d’une façon ou d’une autre avoir un impact sur la production animée japonaise. Les shortcoms en sont peut-être un premier exemple. De là à dire que le modèle va se généraliser, il y a un pas que l’auteur du présent article ne se risquera certainement pas à franchir, la production canonique de japanimation (des saisons de 13 à 26 épisodes de 25 minutes) étant encore très ancrée dans les pratiques.
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