Littérature : sélection JDJ du premier trimestre
Après une présentation de la nouvelle collection l’Asie immédiate chez Philippe Picquier, Journal du Japon continue de vous faire découvrir de nouvelles lectures avec l’actualité littéraire du premier trimestre !
Double actualité pour Haruki Murakami
L’écrivain à succès, numéro 1 des auteurs japonais chez le public français (et numéro 1 tout court chez lui, au Japon) est toujours aussi présent dans l’actualité. Tout d’abord, rappelons que le tome 3 de 1Q84 vient de sortir en poche chez 10/18, ce qui met à un prix abordable l’imposante trilogie best-seller.
Mais surtout, en février, est sorti chez Belfond Underground son dernier livre, qui n’est cette fois pas un roman, mais un livre d’entretiens sur l’attentat au gaz sarin dans le métro de Tokyo en 1995. Haruki Murakami est allé à la rencontre des victimes, mais aussi des anciens membres de la secte Aum qui ont participé à l’attentat. Rappelons que cette attaque, qui tua 12 personnes et en blessa plus de 5 000, fut un important traumatisme dans l’opinion japonaise. Cet événement fut d’ailleurs pour l’écrivain une des inspirations de 1Q84. En s’effaçant derrière les personnes qu’il interroge, Haruki Murakami cherche modestement, mais obstinément, à expliquer les raisons du fanatisme, et à comprendre les doutes et les douleurs de ceux qu’il a frappés.
Deux ans après le 11 mars 2011
S’il y a un auteur que l’on peut comparer à Haruki Murakami, au moins par l’inspiration, sinon par l’envergure, c’est bien **Hideo Furukawa**. Ce n’est pourtant que l’année dernière que les lecteurs français ont pu le découvrir, avec _**Alors Belka, tu n’aboies plus ?**_ (éditions Philippe Picquier), son étonnante fresque historique d’un 20ème siècle raconté par… des chiens. Au Japon, ses livres ont remporté plusieurs prix littéraires importants, et en quelque sorte, il est devenu chez les écrivains le porte-voix de la contestation antinucléaire, à travers la réflexion qu’il mène sur les conséquences du tsunami du 11 mars 2011.
Deux ans après la tragédie, Philippe Picquier publie un 2ème livre de Hideo Furukawa : **Ô chevaux**, la lumière est pourtant innocente, bouleversant témoignage à chaud de cet écrivain né à Koriyama (préfecture de Fukushima), mais loin de chez lui le 1er jour du drame. Journal en miettes, essai à la 1ère personne, Ô chevaux interroge sans complaisance le rôle de l’écrivain face au désastre, et en pèlerinage sur les lieux-mêmes de l’irradiation, l’écrivain cherche où se trouve la lumière qui pourra l’apaiser.
Un pavé dans la mare
Décidément, l’actualité de ce premier trimestre 2013 apporte du lourd avec l’imposant pavé de 800 pages de Kazushige Abe, Sin Semillas (éditions Philippe Picquier). On avait pu découvrir cet écrivain très influencé par le cinéma (il a été assistant metteur en scène) en 2000 avec Projection privée (Actes Sud, puis 10/18), à l’époque où la critique en faisait le chef de file de la J-Bungaku, ou « J-littérature », ce qui revenait à le classer comme auteur de livres faciles pour jeunes lecteurs urbains.
Il nous revient sous un tout autre jour, puisqu’avec Sin Semillas il est désormais comparé à Borges, Garcia Marquez ou Faulkner, rien de moins. Et c’est vrai que ce livre impressionne par son ambition : brosser le portrait d’une ville entière, Jinmachi, « Ville des dieux », nœud des rapports obscurs entre yakuzas, flics, élus corrompus et jeunesse égarée, dans une ambiance qui flirte avec le paranormal. Ce roman kaléidoscopique, ardu mais passionnant, installe définitivement Kazushige Abe parmi les écrivains japonais actuels les plus importants.
En bref
– Les éditions Philippe Picquier encore à l’honneur : le prix Zoom Japon 2013 catégorie roman a été attribué à Pickpocket, le nouveau roman de Nakamura Fuminori, portrait d’un gentleman voleur pris au piège d’une relation trouble avec un yakuza. Rappelons que le mensuel gratuit de l’actualité japonaise en français a décerné son prix manga 2013 aux Enfants de la mer, de Daisuke Higarashi (Sarbacane). Une cérémonie de remise des prix a eu lieu sur la grande scène du Salon du livre de Paris.
– Actes Sud a publié le 13 mars le dernier roman de Yokô Ogawa, Le petit joueur d’échecs, conte initiatique sur l’amitié entre un enfant de sept ans et un homme obèse vivant dans un bus, partageant tous deux la même passion pour le jeu d’échecs. Du même auteur, et chez le même éditeur, sort en poche Cristallisation secrète, roman fantastique et poétique où une étrange dictature impose l’oubli comme mode de contrôle de la pensée. Bien entendu, cette fable reflète notre civilisation moderne qui noie les choses essentielles sous une avalanche de futilités, sans autre valeur que marchande.
Un peu de poésie pour finir
Fondée en 2005 par Isabel Asunsolo, la maison d’édition de L’Iroli continue de promouvoir inlassablement chez nous le haïku, ce poème né au Japon, où tout doit être dit en seulement trois vers. Au Salon du livre de Paris, L’Iroli a présenté ainsi Les Herbes m’appellent, recueil de haïkus de Ryu Yotsuya et Niji Fuyuno (décédée en 2002), en français, en romanji et en calligraphie japonaise. Le recueil est préfacé par le poète français Thierry Cazals, qui évoque l’évolution du haïku depuis ses origines jusqu’à aujourd’hui, en France et au Japon.
Et pour conclure, ces vers de Niji Fuyuno, donnant le titre du recueil :
Fête de printemps –
Du fond de l’eau
Les herbes m’appellent