Silver Spoon, manga élevé au grain

Le dernier manga d’Hiromu ARAKAWA est dans les bacs depuis mi-mars. Attendu au tournant par ses fans, Silver Spoon aborde un tout autre genre que ses œuvres précédentes.

Critique du premier tome.

 

Silver Spoon

Le sujet de Silver Spoon ne devrait pas être une surprise pour les fans d’Hiromu ARAKAWA. L’auteur de Full Metal Alchemist nous a régulièrement fait part de ses origines rurales en préface de ses volumes et elle adore prendre une vache pour avatar. Cette nouvelle série, dont l’adaptation en anime a déjà été annoncée, fait partie des sorties phare de Kurokawa pour le mois de février.
En effet, fini l’héroïsme, le fantastique, les uchronies steampunk et l’action pure, Silver Spoon nous place dans un cadre réaliste, dans une campagne japonaise actuelle et plausible. Plus précisément, dans un lycée agricole.

On y suit les premiers pas de Yugo Hachiken, jeune lycéen qui présente toutes les caractéristiques d’un antihéros. Pessimiste, flegmatique, bougon, Yugo n’a pas grand chose à voir avec le héros typique d’un shônen. Ca ne l’empêche pas de mobiliser des codes de fictions bien connus : celui du héros plongé en milieu hostile. En effet, Yugo n’a en rien le profil pour intégrer ce type d’établissement. Élève potable mais terriblement désintéressé de tout, on sait qu’il se retrouve ici par pure envie de changer d’air, sans plus de détails. Ce premier tome met l’emphase sur son manque de projets, là où tous les autres élèves semblent déjà avoir un avenir tout tracé.

 

Un genre hybride

Ce premier tome est donc à la fois une exposition de ce tout nouvel univers comme d’une immersion de ce personnage atypique en terre inconnue. L’allégorie de la cuillère d’argent est alors sous entendue : Yugo n’est pas particulièrement issu d’une bonne condition, il ne semble pas exploiter ses capacités à fond, bien qu’il soit le premier de sa classe. Ce qui lui manque, c’est une certaine modestie et un peu de respect envers ses camarades qui, pourtant, le surpassent dans les matières agricoles. Il lui manque la flamme, un véritable intérêt. Silver Spoon pourrait être l’histoire de cette passion naissante.

 

Silver Spoon

Dans les faits, ce premier tome de Silver Spoon s’approche du gag manga mais reste dans un genre hybride. Le quotidien de Yugo est présenté sous toutes ses coutures, le casting qui l’entoure n’est pas encore développé et l’humour du tome réside entre le décalage des espérances de Yugo sur ce nouveau mode de vie et sa confrontation avec la réalité. Silver Spoon alterne allègrement entre la tranche de vie, l’humour fermier (et oui, les œufs sortent du cloaque des poules, donc du « trou de balle », merci de le répéter) et les quelques moments d’émotions véhiculés, davantage exprimés par les animaux que par les humains.

 

Aussi humain qu’organique

Ça ne se voyait pas avec ses séries précédentes : le trait d’Hiromu ARAKAWA est touchant quand il s’agit de dessiner des animaux. On capte là une émotion bien personnelle, et, par la même, cela nous donne envie de ressentir les mêmes choses que les personnages. « Les animaux ont deux options : être utiles ou mourir » : la morale est aussi implacable que pragmatique et nous rappelle que oui, Silver Spoon est à vocation réaliste. Nos souvenirs d’enfance seront très probablement mobilisés avec la suite de l’histoire.
À ce stade, la galerie des personnages ne peut qu’inspirer des réminiscences pour Full Metal Alchemist. Même si notre héros principal est bien moins espiègle et bien plus grand, on retrouve un colosse, un nain, des personnages féminins loin des clichés du genre. Leurs expressions rappellent des bribes de FMA, surtout dans la manière qu’à ARAKAWA pour déformer les visages à des fins humoristiques. La fin du tome suggère un changement de ton radical et les fans d’HINAMIZAWA ne manqueront pas de tiquer sur ce clin d’œil. Ce petit cliffhanger fait aisément comprendre que ce premier tome d’apparence légère va précéder des storylines plus profondes.

 

Silver Spoon

En bref, le premier tome de Silver Spoon est intriguant : sous des apparences légères, on détecte des storylines potentiellement sérieuses, amenées par un trait très personnel. Ce manga, pédagogique, original et plein de bonnes choses invite sans difficultés à attendre et parcourir la suite. Ce n’est pas encore un grand bol d’air mais la matière pour le devenir est là : une fiction peut aussi être prenante avec un postulat réaliste !

Le tome 2 de Silver Spoon sera disponible le 11 avril.

 

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