I am a Hero : Le héros malheureux d’un conte morbide
Dans la sélection officielle des albums présentés au Festival International de la BD d’Angoulême, figure le premier tome du seinen dérangeant I am a Hero. Présentation de ce volume à suspens centré sur le personnage principal.
Vous n’aurez jamais suivi l’histoire d’un personnage aussi minable que Hideo Suzuki avec autant d’attention. Dans le premier tome du récit de Kengo HANAZAWA : I am a Hero, tout est fait pour que le protagoniste suscite votre pitié. Décrit comme un perdant, l’auteur nous dresse un tableau bien peu réjouissant de cet homme de 35 ans, assistant mangaka en mal de reconnaissance.
Entre la petite amie frustrée qui regrette son ex, son éditeur qui rejette en bloc toutes ses idées et son incurable paranoïa (il parle avec un être imaginaire et se bat à l’arme à feu contre ses hallucinations), Hideo ne fait vraiment pas envie. Même s’il semble surmonter ses crises d’angoisses de manière éphémère en se répétant sans arrêt « I am a hero » (je suis un héros), on voit bien que le pauvre subit sa vie plus qu’il ne la prend en main.
Ça ne donne pas envie certes mais ce personnage, malsain à souhait, est plutôt convaincant. Parce qu’il est bien écrit. En plus, le dessin – cru, morbide et réaliste – accentue notre sentiment de malaise. Le premier tome sert en fait d’introduction à l’intrigue générale. L’action étant amenée très progressivement mais explicitement alors qu’on découvre le héros.
L’action en question c’est ce moment – que le lecteur voit venir donc – où on bascule dans l’horreur. Un mal mystérieux qui transforme certaines personnes en espèce de zombies (particulièrement moches) se propage. On sent que la réalité va vite prendre des allures de cauchemar, soit la plus grande peur de Hideo. Et pourtant, il est tellement obsédé par ses drames personnels, enfermé dans sa routine et contrôlé par ses délires qu’il passe – au début – complètement à côté. La question c’est évidemment de savoir si notre héros est vraiment un héros. S’il va devenir le « personnage principal de sa propre vie » (expression qui revient dans l’ouvrage).
Le procédé narratif utilisé par l’auteur dans ce tome est très habile et marque le suspens. Hideo voit des monstres partout dans son imagination, mais quand ils apparaissent vraiment, il ne les voit pas. Seul le lecteur peut apprécier l’ironie de la situation. D’autre part les signes qui annoncent qu’on va basculer dans l’horreur sont très bien distillés, toujours en faisant un parallèle avec la vie du héros. Ils se fondent dans le décor tout en restant visible. Cerise sur le gâteau : la mise en scène de certains passages. Le mangaka prend le temps de s’étaler sur plusieurs tableaux, ça ne ralentit pas l’action pour autant.
On se demande un peu ce qui a pu passer par la tête de l’auteur pour créer un tel personnage et le placer dans un tel contexte. Peut-être aurons-nous la réponse lors de sa venue au festival Made in Asia qui se déroulera à Bruxelles du 8 au 10 mars.
En tout cas la série a fait son chemin jusqu’à Angoulême puisque le premier volume de la série (qui en compte actuellement 10 au Japon) fait partie de la sélection officielle face au tome 4 de Thermae Romae et au tome 11 de SOIL (pour les mangas).
Visuels © 2009 Kengo Hanazawa / SHOGAKUKAN