Black Myth: Wukong – sur les traces de Son Gokû

Après des années d’attente, Black Myth: Wukong fait enfin son apparition sur PC et PS5. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le jeu vidéo du studio chinois Game Science, l’une des premières productions AAA de l’empire du milieu, ne déçoit pas. Inspiré du célèbre roman chinois La Pérégrination vers l’Ouest, ce jeu d’action-RPG propose ainsi une aventure spectaculaire au cœur de la mythologie chinoise, mais aussi des combats titanesques où le joueur a un large éventuel de choix et personnalisations pour adapter son Roi-Singe aux multiples cailloux sur son chemin. Voici notre test du jeu qui a tout pour devenir le GOTY de 2024 !

Un voyage épique dans la mythologie chinoise

La légende de Sun Wukong revisitée

Game Science puise dans le classique chinois La Pérégrination vers l’Ouest que les Occidentaux connaissent en partie… grâce à Akira Toriyama qui a repris de nombreux éléments pour créer Dragon Ball. Et visiblement, le studio chinois compte bien rappeler au monde entier que le roman attribué à Wu Cheng’en n’est pas né au Japon mais bien en Chine à la fin du 16e siècle. Plus connu à l’étranger sous son nom japonais Son Goku, le Roi-Singe s’appelle en fait Sun Wukong et le jeu revisite habilement sa légende pour proposer aux joueurs du monde entier un voyage épique dans la philosophie (confucianisme, taoïsme et bouddhisme) et la mythologie chinoises.

Sun Wukong et Son Goku dessinés par Akira Toriyama (Dragon Ball)

D’ailleurs, en France, il a fallu attendre la publication dans la bibliothèque de La Pléiade des éditions Gallimard en 1991 pour découvrir la première traduction complète à partir du chinois, réalisée par le sinologue André Lévy. Au Japon, dès la période Edo (1603-1868), Le Voyage en Occident ou Saiyûki fait partie de la littérature chinoise de divertissement très populaire aux côtés des 3 autres classiques des 16e et 17e siècles : Au bord de l’eau, Le Roman des Trois Royaumes et Fleur en fiole d’or.

Les éditions 2024 ont d’ailleurs regroupé et traduit en octobre 2023 les 40 volumes publiés entre 1806 et 1837 dans un beau livre de 850 pages (regroupant les 100 chapitres de l’œuvre originale) et richement illustré avec plus de 250 estampes ukiyo-e de 3 artistes qui se sont succédé : Tôya Ôhara ; Toyohiro Utagawa, le maître de Hiroshige ; et Taito Katsushika, le meilleur disciple de Hokusai. On vous en parlait dernièrement avec Christophe Marquet, directeur de l’édition dans cet entretien que vous recommande de (re)lire :

S’il n’est pas obligatoire d’avoir lu ce classique faisant partie des quatre livres extraordinaires de la littérature chinoise pour apprécier le jeu, le joueur peut ne pas tout comprendre à l’histoire qui s’ouvre avec les premiers chapitres des aventures de Sun Wukong qui se révolte contre l’armée céleste de l’Empereur de Jade. Y jouer pourra vraisemblablement donner envie d’en savoir plus sur l’œuvre originale. Les différentes situations et références à La Pérégrination vers l’Ouest pourront malheureusement rendre difficile la compréhension de plusieurs passages qui prennent des raccourcis dans la narration sans tout expliquer.

En effet, Game Science compte avant tout sur les connaissances des joueurs : Le Voyage en Occident est une histoire bien connue de tous les enfants en Chine. Les fans de la culture japonaise seront sans doute moins perdus que d’autres en maîtrisant mieux les concepts du bouddhisme comme la transmigration des âmes, le panthéon des divinités dont la déesse de la miséricorde Guanyin connue au Japon sous le nom de Kannon.

Sun Wukong face à l’armée céleste de l’Empereur de Jade ©GAME SCIENCE INTERACTIVE TECHNOLOGY CO.,LTD

Les créateurs du jeu en mettent plein les yeux en commençant directement avec un affrontement titanesque qui fait virevolter la caméra dans tous les sens avec notre héros simiesque sur son nuage muni de son bâton magique. Le singe immortel autoproclamé l’égal des dieux paie son arrogance et sa rébellion contre la Cour céleste au prix fort. Défait, celui dont le nom signifie « Conscient de la vacuité » (Wukong) est puni par Bouddha et est enfermé dans une prison de pierre pour l’éternité. Aux quatre coins du monde sont dispersées ses reliques magiques. Et quelques siècles plus tard, le joueur incarne un autre singe, le Prédestiné en quête de ces artefacts pour restaurer le pouvoir de Sun Wukong.

Un monde et une bonde-son envoûtants

Le studio Game Science a vu les choses en grand pour sa première production AAA en proposant de nombreux biomes, différents pour chacun des 6 chapitres. La première partie peut être terminée en ligne droite entre 20 à 30 heures de jeu. Pour terminer à 100% chaque chapitre, il faut compter une bonne cinquantaine d’heures en tout. Cela commence avec des forêts qui ne sont pas trop étendues et assez linéaires. Après le premier chapitre qui sert d’introduction aux différentes mécaniques du jeu, on explore des zones beaucoup plus grandes dès le deuxième chapitre pour notre plus grand plaisir.

Ainsi, le jeu regorge d’endroits cachés à découvrir qui permettent de renforcer le Roi Singe pour aborder des boss plus sereinement. C’est pourquoi on vous conseille de regarder les solutions disponibles en ligne pour éviter de passer à côté de nombreux ennemis et endroits particulièrement bien dissimulés, il faut l’avouer. En effet, l’exploration est récompensée et il serait bête de louper du contenu intéressant. Et cela met aussi en avant l’un des pires défauts de Black Myth Wukong : les concepteurs des niveaux ont vraiment mal géré les limites des zones. Le joueur se retrouve donc assez souvent face à des murs invisibles. En plus d’être agaçant à la longue, cela casse hélas l’immersion et la recherche de raccourcis ou de trésors cachés.

A la chasse aux trésors ©GAME SCIENCE INTERACTIVE TECHNOLOGY CO.,LTD

Après avoir parlé de la direction artistique plutôt réussie, le dépaysement se prolonge grâce à une belle bande-son aussi (disponible en prenant l’édition deluxe numérique). La musique traditionnelle chinoise compte beaucoup dans l’immersion du jeu et son univers fantastique. Que cela soit les moments calmes propices à la contemplation et à la méditation ou les combats épiques, l’ambiance sonore est de belle facture avec une mention spéciale pour la prestation de luth chinois de Xiong Zhuying qui incarne le moine sans tête rencontré dans le chapitre 2 qui s’avère être le bodhisattva Lingji. Des joueurs pourront reprocher l’absence de voix françaises (uniquement les sous-titres). Par contre, il y a le choix de la langue (originale ou anglais). Les deux versions sont convaincantes. Même si cela n’a pas d’impact sur l’histoire et sa compréhension, il est dommage de constater qu’une partie des textes des portraits n’a pas encore été traduite !

Rencontre musicale avec le moine sans tête dans le chapitre 2 ©GAME SCIENCE INTERACTIVE TECHNOLOGY CO.,LTD

Sur sa longue route, notre héros simiesque rencontre des amis mais surtout de puissants ennemis, des yaoguaïs c’est-à-dire des créatures maléfiques à la recherche de l’immortalité, que les Japonais appellent yôkais ou mononoke. A chaque nouvelle rencontre, notre journal de portraits (sorte de Pokédex) se met à jour et on se rend mieux compte de la diversité et du nombre de monstres du jeu. Si le menu fretin ne présente pas de grandes difficultés pour le bâton magique du Prédestiné, affronter les chefs voire les rois yaoguaïs est une autre paire de manches. Et le jeu est particulièrement généreux avec une centaine de boss !

©GAME SCIENCE INTERACTIVE TECHNOLOGY CO.,LTD

Un RPG d’action et un gameplay bien pensé et efficace

En dehors du combat au bâton, le Prédestiné a plus d’un tour dans son sac. Pour adapter sa stratégie à son style de jeu mais aussi celui de l’adversaire, notre singe dispose de tout un arsenal de sorts, de transformations, de compétences, d’armes et de pièces d’équipement que l’on peut choisir d’équiper et améliorer.‎ Le premier sort appris permet de paralyser pendant quelques secondes l’adversaire et est vraiment très pratique tout au long du périple. Sans faire tout l’inventaire des sorts, il est même possible d’invoquer quelques clones pour nous aider dans les combats. Cette technique digne du Multi Clonage (Kage Bunshin no Jutsu) dans Naruto est l’un des pouvoirs du vrai Sun Wukong dont s’est inspiré Masashi Kishimoto pour son manga.

Sans la possibilité de bloquer les attaques, notre singe n’en reste pas moins agile et est le roi de l’esquive et des roulades. Il convient d’éviter les coups pour ensuite, dès qu’il y a une ouverture, frapper l’ennemi. Les combats avec les boss permettent vraiment de tester la réactivité des joueurs qui doivent mémoriser les patterns d’attaques ennemies et avoir le bon timing pour éviter des combos surpuissants. De nombreux effets (trop parfois) pour rendre les combats les plus spectaculaires peuvent rendre illisibles la situation à certains endroits où dans le doute, on spam d’esquives pour éviter les attaques.

En combat, le Prédestiné est vif et rapide mais on pourra reprocher un manque d’agilité lors des phases d’exploration avec seulement la possibilité d’un simple saut. Comment se fait-il que le Roi Singe ne sache pas escalader ou réaliser des pirouettes acrobatiques pour accéder à des endroits difficiles d’accès normalement pour des humains ?

Les autels sur le chemin permettent de refaire le plein de santé et de mana entre autres ©GAME SCIENCE INTERACTIVE TECHNOLOGY CO.,LTD

En tuant les adversaires, on gagne de l’expérience et à chaque passage de niveau, le joueur peut dépenser une étincelle dans les différents arbres de compétences et de sorts. Au début, on est assez faible et clairement, on peut être perdu et se demander où mettre ses points très peu nombreux – on conseille de renforcer en priorité les statistiques de survie comme la santé du Prédestiné. A mesure que l’on débloque de nouveaux sorts, on se rend compte du nombre élevé de possibilités et il devient de plus en plus difficile de savoir où investir les points. Le fait de pouvoir réinitialiser les étincelles permet ainsi de tester différents builds selon ses préférences de jeu et les boss rencontrés.

Du côté de l’équipement, les créateurs ont voulu simplifier au maximum les choses. Il y a donc quatre emplacements pour l’armure (tête, torse, bras et jambes) auxquels s’ajoute celui de l’arme, notre fidèle ami le bâton qui peut prendre la forme de lance aussi. En battant les ennemis, on ne drop pas d’armes toutes faites. Il faut récolter des ressources rares permettant ensuite, à un autel, de forger les armes et armures. La plupart du temps, il s’agit de set et en mettant le plus d’objets de la panoplie, on débloque des bonus. Le système d’amélioration des équipements est à notre avis inutile lors de la première partie car en général, il suffit d’attendre de battre un boss un peu plus loin pour avoir de meilleurs éléments à équiper.

Sorti le 20 août, Black Myth Wukong est le jeu AAA généreux que l’on attendait pas forcément venir de Chine. Avec une petite équipe, Game Science réinterprète avec une certaine agilité le classique littéraire La Pérégrination vers l’Ouest. Malgré la difficulté mal calibrée de certains passages, vaincre les boss de fin de chapitre récompense les joueurs avec de belles cinématiques à chaque fois (en animation traditionnelle de toute beauté mais aussi en stop motion pour le chapitre 2).

Si en Occident, on est loin de connaître en détail le périple original du Roi Singe, le succès du RPG d’action devrait aiguiser la curiosité des joueurs pour découvrir le roman vieux de 5 siècles. On vous recommande de lire La Pérégrination vers l’Ouest des éditions 2024 regroupant le résumé des 100 chapitres avec plus de 250 estampes ukiyo-e et des textes explicatifs très intéressants. Du côté des bandes dessinées, il ne faut pas passer à côté de l’adaptation de Tsai CHAIKO, Le Roi Singe aux éditions Paquet.

©Éditions Paquet / Tsai Chaiko

David Maingot

Responsable Culture à JDJ et passionné de la culture et de l'histoire du Japon, je rédige des articles en lien avec ces thèmes principalement.

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