[Manga] No Guns Life : there’s a new hybrid in town…
Sa particularité ? On lui a implanté un revolver à la place de la tête. Oui oui, un revolver. À la place de la tête.
Son histoire ? Celle d’un homme de l’ombre qui règle les problèmes d’êtres trafiqués comme lui : les Extends.
Votre intérêt de lecteur, dans cette histoire ? En plus de découvrir un manga que beaucoup d’autres vont rater en cette fin d’année bien chargée, vous allez faire connaissance avec un hybride charismatique et anti-héros à souhait, qui vagabonde dans les ruelles sombres d’une ville décadente… Quelque part entre un justicier de Tsukasa HÔJO, une machine très humaine de Masamune SHIROW et un balèze au cœur tendre de Frank MILLER, découvrez dès maintenant Jûzô dans No Guns Life, qui débute ce 21 octobre aux éditions Kana.
I’m a poooor lonesome gunboy… ♫
À l’issue de la Grande Guerre, deux choses ont profondément bouleversé cette ville. La première c’est l’ombre que jette sur le tableau la compagnie Berühren, devenue une gigantesque multinationale grâce aux nombreuses commandes d’armes passées en prévision du conflit. La seconde c’est la présence d’êtres à qui on a implanté la technologie d’extension des mécanismes corporels, nouvellement mise au point par Berühren durant la guerre… C’est à dire les Extends. Ces dernières années, les technologies d’extension ont été admises par la société. Mais chez de nombreux Extends, le corps constitue une arme en lui-même, et les embrouilles entre Extends et Non-Extends se multiplient.
Mon nom est Jûzô Inui. Mon travail consiste à régler les problèmes liés aux Extends dans cette ville. Mes activités vont de la protection d’enfants fugueurs à de la médiation lors de différents mafieux. Et évidemment, parce que j’exerce ce genre de boulot, les conflits avec d’autres Extends sont inévitables…
Mais ce que n’avait pas prévu notre cher Jûzô, c’est qu’un Extend recherché et accusé d’avoir kidnappé un orphelin frapperait à sa porte – ou défoncerait sa fenêtre pour être exact – afin de lui demander de l’aide. Qui est véritablement ce kidnappeur à la diction étrange, et qu’est-ce qui se trame à propos de l’enfant, si précieux, qu’il transporte avec lui ? En acceptant d’aider cet Extend, Jûzo se retrouve aussitôt poursuivi par une bonne-sœur tireur d’élite, puis obligé de négocier avec un représentant douteux de la compagnie Berühren, et enfin pressé par la mafia d’éliminer un autre Extend meurtrier…
Ça ne sent vraiment pas bon pour notre tête de revolver !
« Pour pouvoir effleurer ma détente, il faut mon autorisation… »
Si les œuvres littéraires et cinématographiques récentes foisonnent de héros répandant la justice en joyeuse bande bras-dessus, bras-dessous, No Guns Life et son mangaka Tasuku KARASUMA ressortent des cartons le modèle un peu old school du héros solitaire, qui vit loin des projecteurs et au jour le jour, au sein d’un monde peu reluisant. Jûzô est un over-extend Gun Slave Unit, un homme qui s’est fait implanter des armes à feu un peu partout sur le corps, ainsi qu’un gigantesque revolver à la place de la boite crânienne. Avec sa grande veste, sa démarche de cowboy et sa clope au bec, il s’occupe des problèmes des êtres modifiés et des humains qui sont là aux mauvais endroits et aux mauvais moments. Il faut dire qu’il n’a pas grande chose à faire de sa vie, Jûzô : il n’a aucune mémoire antérieure à sa transformation, dix ans auparavant pendant la Grande Guerre, et il n’a aucune famille.
Alors il s’occupe, résout des problèmes et rend service à la communauté, selon un vieux contrat passé avec les autorités. Cela dit, il accepte les missions un peu comme il l’entend, n’hésitant pas à se coller dans la panade jusqu’au cou plutôt que de contredire ses principes ou de contrarier son instinct. En fait, derrière son apparence monstrueuse et sa panoplie métallique, Jûzô cache une identité plus complexe qu’il n’y parait, qui se cherche encore… Mais avec ce passé qui lui fait défaut et ce corps étrange, comment pourrait-il en être autrement ?
Notre détective privé / garde du corps penchera donc toujours du côté des Extends car il est l’un des rares à les comprendre… surtout quand ils sont manipulés, esseulés, ou rendus fous par leur nouvelle condition. Étant construits comme Jûzô, c’est à dire à des fins militaires, les Extends voient souvent leur vie suivre une spirale de violence et de perte de contrôle. Au fur et à mesure que l’extension et le cerveau auxiliaire amorcent la symbiose avec leur hôte, ce dernier refrène difficilement ses doutes sur sa nouvelle nature. Et derrière les manipulations subies par les Extends lors de leur transformation, avec une multitude de vices cachées, on retrouve toujours le spectre de Berühren, la grande multinationale de l’armement.
Il faut donc quelqu’un pour s’occuper de ces expériences ratées qui tournent mal, et c’est Jûzô qu’on appelle, même s’il ne fait pas dans la dentelle. Lors de ses missions, notre porte-flingue a pour fâcheuse habitude de laisser exploser la colère et la frustration qu’il accumule depuis qu’il est sans but et sans racine. Ne vous avisez pas de le traiter de vulgaire objet, par exemple, ça finirait mal… Son corps semble indestructible et ses points faits d’acier lui permettent, par exemple, d’arrêter un train en pleine course… donc malheur à ceux qui finissent dans sa ligne de mire !
Il a les yeeeux revolveeeer, il a le regard qui tue ♫
Tasaku KARASUMA présente donc un héros solitaire, indestructible et insensible au dehors, mais avec un grand cœur et plein de failles au dedans, dans une ambiance et des décors qui piochent dans des inspirations assez variées, essentiellement comics. La ville est toujours sombre, avec des hauts bâtiments et des ruelles étroites ne laissant jamais passer un rayon de soleil, proposant des devantures d’établissements douteux : il y a des airs des bas quartiers de Gotham ou de la célèbre Sin City dans la cité de No Guns Life, qui est sous la coupe d’une compagnie toute puissante et sans scrupule. Pour autant, il n’y a pas de super héros qui vient combattre le mal pour un idéal de paix, de justice ou tout autre espoir fantasque d’un jour meilleur. Il y a juste des gens qui survivent, au jour le jour, et se contentent de faire de leur mieux. Certains avec le sourire, et même un peu de bonté parfois.
Dans ce monde inéquitable où règne une fatalité typique des univers US, la mangaka fait donc ressortir quelques caractères forts, quelques « grandes gueules », qui en imposent par leur physique et leur design travaillé. Après les influences résolument US des décors, le chara-design opte pour un dosage américano-nippon qui change habilement d’un protagoniste à un autre : les Extends sont assez typés comics, même s’ils évoquent parfois le style hybride de Yusuke KOZAKI (Kyoko Karasuma), tandis que les non-modifiés arborent un design plus proche des mangas, surtout pour la gent féminine.
Pour donner du fond à ses protagonistes, Tasuku KARASUMA leur fait croiser le chemin d’innocents, qui sont l’objet de grandes convoitises. Ce qu’ils décideront de faire de ces colis gênants définira les parts d’ombre et de lumière de chacun, bien plus qu’une apparence souvent trompeuse ou qu’un statut social : la bonne-sœur est en réalité une excitée de la gâchette qui répond au plus offrant, la police censée représenter l’ordre a des airs de mafia tandis que la vraie mafia, elle, protège son quartier et fait preuve d’un certain code d’honneur.
Au milieu de cet univers assez sordide, Jûzô est donc un justicier malgré lui, qui ne se prend pas au sérieux et se garde bien d’attirer l’affection de ses prochains en affichant son cynisme, son rejet des enfants ou son intérêt pour l’argent. Mais la plume qui l’a créé s’amuse souvent avec les fissures dans sa carapace et dévoile ses faiblesses : notre héros sera toujours désarmé par une preuve d’affection – le graphisme retrouvant alors toute la simplicité nippone, à la limite du SD. De nombreux gags reviennent aussi alléger le récit avec beaucoup de dérision et d’auto-dérision sur Jûzô, son allure et sa fameuse tête de revolver : il a une peur panique de l’eau car il est persuadé qu’il en rouillera, tout le monde cherche toujours où sont ses yeux et se plantent en beauté… Et il s’amuse lui aussi de sa condition pour faire quelques traits d’humour : « Vous y allez un peu fort contre un type comme moi, qui n’a même pas d’arme sur lui. »
Son parti pris pour les Extends faibles et opprimés et cet humour par petites touches contrastent donc à merveille avec son apparence, et lui confèrent tout son charisme auprès du lecteur comme de ses concitoyens, qui le respectent et accepteront souvent de lui donner un coup de main. On dit toujours que les armes sont inoffensives et que ce sont les humains qui s’en servent qui représentent le vrai danger… L’allégorie est donc poussée jusqu’au bout puisque c’est une arme personnifiée qui incarne ici le dernier bon samaritain. Un message qui ne manque pas d’humour, encore une fois.
No Guns Life est donc un nouvel hybride, sur le fond comme dans la forme, et vient se ranger à merveille dans la collection Big Kana, aux cotés de l’excellent Levius, pour ne citer que lui. L’aventure de Jûzô reste encore à découvrir dans les pages du magazines Ultra Jump de la Shueisha (Gunnm, Peace Maker, Bioméga) car elle ne compte pour le moment que 3 volumes au Japon, mais voilà un premier tome plutôt alléchant. Cette nouvelle série vient aussi confirmer une tendance aux échanges de plus en plus fréquents entre comics et manga, de Area 51 à Dimension W en passant par Gangsta et d’autres, qui accouchent d’univers métissés et de personnages pointus, taillés d’un bloc dans des références collectives… de quoi nous enchanter encore et encore !
Pour vous faire un avis, voici les premières pages :
2 réponses
[…] des nouveautés fortes. Si certains titres comme Atlantid, A l’Assaut du Roi, Sk8r’s, No guns life ou School Judgment sont sortis assez discrètement, il y a eu des séries qui ont fait beaucoup […]
[…] deux premiers, à se faire une place (même si, encore une fois, on vous les conseille, ici et là). Avec l’arrivée de Fire Force en mai, les éditions Kana jouent donc gros mais, quelque […]