Rikuzentakata : un livre photographique, un financement participatif
Les éditions Light Motiv publient de superbes livres de photographies. Elles avaient proposé aux lecteurs en 2013 Kesengawa, un ouvrage très émouvant du photographe Naoya Hatakeyama qui, juste après le tsunami, partait à moto à la recherche de ses proches vivant dans la région dévastée (Journal du Japon avait d’ailleurs mis en avant cet ouvrage dans un article sur Fukushima sous la plume des écrivains).
En 2016, c’est un nouvel ouvrage, Rikuzentakata (du nom d’une des villes dévastées par le tsunami actuellement en reconstruction et photographiée par Naoya) qui doit paraître dans une version bilingue français-anglais. Les éditions Light Motiv ont lancé une campagne de financement participatif pour mener à bien ce projet. Cet ouvrage sera une adaptation du livre du même titre paru au Japon en 2015. C’est donc une forme de re-création qui est proposée pour les lecteurs francophones et anglophones.
A l’occasion de cet appel à participation, Journal du Japon a interviewé Eric Le Brun, l’éditeur.
Journal du Japon : Vous avez déjà publié plusieurs livres de Naoya Hatakeyama, comment est née votre relation, comment a-t-elle évolué (en particulier suite au tsunami) ?
Eric Le Brun : Naoya et moi nous sommes rencontrés à l’occasion de l’exposition « Les voici, colosses » organisée au Centre Historique Minier de Lewarde, à l’issue de sa résidence artistique dans le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais (cette résidence avait été organisée par l’association Les Lieux).
Durant ce vernissage en Février 2010, j’ai été vivement impressionné par la qualité des photographies présentées, et surtout par l’ouverture qu’elles offraient. Voir autrement le bassin minier, mettre les terrils si souvent déniés dans le paysage nordiste, au centre des photographies. Ce jour-là, parmi les visiteurs, l’émotion était palpable. Je sentais qu’il se passait quelque chose, ces photographies accordaient tous les publics, subjugués par une forme de regard magistral.
J’ai rencontré Naoya ce jour-là, demandé s’il avait l’intention d’en faire un livre. Et nous avons commencé à mettre au point le premier livre ensemble TERRILS, qui est sorti en Octobre 2011.
Pendant la conception de cet ouvrage a eu lieu le tsunami le 11 Mars 2011, qui a bouleversé la vie de Naoya. Il s’est retrouvé dans un autre monde, marqué à jamais par la catastrophe. Nous avons néanmoins continué la réalisation du livre TERRILS en communiquant par Skype entre le Japon et la France.
Dans le même temps, Naoya a inséré dans sa grande exposition NATURAL STORIES, présentée au Musée de la photographie de Tokyo puis au San Francisco MOMA en 2012, des images de sa ville natale détruite par le raz-de-marée. Cela lui est apparu nécessaire puisque sa conception même de la photographie était aussi affectée.
RIKUZENTAKATA, le livre qui va paraître en Octobre 2016 est la suite de KESENGAWA. Depuis le 11 Mars 2011, Naoya est retourné chaque mois observer la métamorphose de son « pays natal ». Devenu progressivement un champ de construction titanesque.
Quel regard porte le photographe sur la catastrophe nucléaire ?
Par rapport à Fukushima, et au risque latent d’une radioactivité invisible, Naoya s’exprime peu sur ce sujet, et l’associe toujours au tsunami, en suggérant de mettre en place un débat « sans précédent » face à des évènements « sans précédents » qui dépassent l’imaginable.