[Dossier J-Music] A la découverte de la trap japonaise !
La trap music, vous devez connaître maintenant. Le style fait fureur auprès des plus jeunes, et si des noms comme PNL, Fetty Wap, Yung Lean ou OG Maco ne vous disent rien, soit vous êtes trop vieux et devriez lâcher ce vinyle de A Moon Shaped Pool (dernier disque de Radiohead) pour voir ce qu’il se passe ailleurs dans le monde, soit vous ne lisez plus Les Inrocks.
Ton petit frère connaît ce morceau par cœur
Cette branche du hip-hop trouve ses racines dans le rap violent du Dirty South américain et explose depuis 2 ou 3 ans. Comme son aîné, la trap aborde des thèmes violents : vie urbaine, pauvreté, crime… C’est sur le plan musical que le genre se distingue : les voix sont plus volontiers vocodées, les caissons de basses tremblent, et de manière générale, les productions tendent de plus en plus vers l’électro minimale, en flirtant parfois avec le dubstep.
Le Japon étant une terre de hip-hop depuis la fin des années 1980, il était normal que tôt ou tard la trap gagne l’archipel. Alors, la trap jap’, ça ressemble à quoi ?
Si c’est ce genre de trap japonais que tu cherchais, désolé de te décevoir
Une influence coréenne
Si certains artistes trap connaissent un succès international (cf les noms mentionnés en introduction), force est de constater que le genre a encore du mal à percer au Japon. De fait, la Corée du Sud voisine est beaucoup plus en avance dans le secteur.
Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce phénomène. Tout d’abord nombreux sont les jeunes Sud-Coréens à faire le voyage entre Séoul et Los Angeles pour passer quelques années chez des parents éloignés, au sein de l’importante communauté coréenne californienne. Là, ils peuvent s’imprégner – entre autres – de cultures urbaines et donc de rap, culture qu’ils ramèneront avec eux lors de leur retour au pays et feront fructifier.
C’est aussi pour cette raison que la K-Pop a rapidement assimilé des éléments rappés ou r’n’bisants dans ses morceaux, là où la J-Pop était l’évolution du Shibuya-kei et du Kayökyoku, beaucoup plus pop. Dans la culture populaire coréenne moderne, les éléments musicaux urbains sont donc parfaitement intégrés, d’où l’émergence d’un courant trap dans la péninsule, avec des artistes déjà renommés comme Dok2, G-Dragon, Okasian, et bien entendu Keith Ape.
« It G Ma » : la crème de la trap extrême-orientale est réunie sur ce morceau
L’émergence de la trap japonaise
Evidemment, ce style a nourri les rappeurs japonais qui, peu à peu, ont constitué une scène trap underground, notamment à Tokyo, à partir de la fin des années 2000. Cependant, pendant longtemps, ces artistes seront restés relativement confidentiels, accessibles uniquement via mixtapes et quelques showcases.
Il faut attendre 2014, avec notamment la sortie de la première mixtape de KOHH, Monochrome, puis la participation de ce dernier au morceau Hiroi Sekai, largement diffusé sur Vice, pour que la trap japonaise commence à intéresser en dehors des frontières de l’archipel. Il a depuis été invité à poser avec quelques grands noms comme Keith Ape (avec lequel il se fait repérer encore plus grâce au morceau It G Ma), J $tash. KOHH, retenez ce nom : c’est le porte-étendard de ce genre musical dans l’archipel, d’une part par sa couverture médiatique, certes, mais surtout par son flow et les productions qui l’accompagnent.
En soit, les raps de J $tash et d’Andy Milonakis ne sont pas terribles.
KOHH relève clairement le niveau (même s’il est mauvais en playback).
Car il faut se rendre à l’évidence : la trap est encore un genre largement confidentiel au Japon. La scène est encore jeune et les autres noms qui se démarquent gravitent tous autour de l’étoile KOHH : Loota, Dutch Montana, Mony Horse, Y’s… Tous sont prometteurs et ne tarderont pas à émerger plus largement mais restent aujourd’hui associés à la star montante.
Un désamour du Japon pour la trap ?
Pourquoi ce désintérêt du Japon pour une branche du hip-hop en train d’exploser partout ailleurs dans le monde ? Comme dit plus haut, l’histoire de la musique populaire japonaise a laissé peu de place au hip-hop en général. Le rap japonais a donc longtemps évolué dans les marges, avec un auditorat bien plus réduit que les productions grand public. Si c’est moins vrai aujourd’hui, le caractère violent de la trap est peut-être encore trop radical pour les oreilles lambda nippones.
A ce sujet, la violence décrite dans la trap américaine, coréenne ou française est loin d’être aussi commune au Japon, du fait d’un taux de criminalité bien moindre et d’un crime organisé faisant bien moins de victimes civiles que dans d’autres pays. Dans ces circonstances, difficile d’avoir une posture revendicative, comme on peut l’attendre des rappeurs trap. C’est aussi une des raisons pour lesquels les premiers groupes de hip-hop populaires au Japon comme Scha Dara Parr ou m-flo étaient plus dans le rap rigolo ou festif à la Beastie Boys que revendicatif.
L’exception qui confirme cette règle est donc KOHH, dont l’histoire personnelle, faite d’abandon familial, d’errance dans la drogue, de morts violentes de proches et autres joyeusetés, apporte ce supplément de colère et de désespoir authentiques qui fait défaut à nombre de rappeurs nippons.
Dirt Boys II, de KOHH feat. Dutch Montana et Loota
Quel avenir pour la trap japonaise ?
Tout n’est cependant pas noir ni fini pour la trap japonaise. D’une part parce que le mouvement est encore jeune et peut se développer. KOHH sait d’où il vient et grâce à qui il en est là. Aussi, en retour d’ascenseur, il n’hésite pas à faire croquer ses copains qui apparaissent régulièrement avec lui, sur scène comme sur ses galettes. Les deux principaux bénéficiaires de ce supplément de visibilité sont Dutch Montana et Loota, amis de longue date.
D’autre part parce que d’anciens briscards du rap japonais poussent cette nouvelle garde et n’a de cesse de la complimenter. Ainsi, Taku Takahashi, membre de m-flo, a clairement identifié KOHH comme étant un des artisans de la renaissance du hip-hop nippon.
La trap japonaise, si elle n’a pas encore la reconnaissance de sa voisine coréenne, ne peut donc qu’évoluer et percer davantage. En outre, et nous finirons là-dessus, quand on voit que le genre est déjà parodié par les comédiennes de Ayaman JAPAN, on peut raisonnablement affirmer que tout n’est pas encore foutu.
Sur Hiroi Sekai j’ai l’impression d’entendre Cuizinier de TTC niveau flow !
Merci ! Intéressant !
Hello Graouu
Paul OZOUF, rédacteur en chef. Merci de nous avoir lu en tout cas et ravi que ça t’ai plu ! 😉
Cuizinier connais pas par contre, tu as un lien vers un clip ou le morceau ?
++
Je pense que la Trap Japonaise est l’avenir du rap.
Déjà le 2ème concert de Kohh à Paris après avoir fait complet à la boule noire, et ce n’est que le début !
Je fais aussi de la Trap Japonaise, allez voir ma chaîne Youtube « YamaMuzik ».
Merci pour cet article
Bonjour Yama,
Paul OZOUF, rédacteur en chef. Merci de nous avoir lu, déjà. Et bientôt une tournée pour KOHH, on essaiera de la soutenir de notre côté ! 🙂
Pour la chaîne You Tube, vous avez un lien svp ?
A bientôt ! 🙂