[Interview] À la découverte du ramen d’aujourd’hui avec Ippudo !

C’est ce 11 juin qu’IPPUDO ouvre son second restaurant de ramen dans le premier arrondissement de Paris, dans le célèbre quartier de Châtelet. Pour l’occasion, Journal du Japon est parti à la rencontre de l’un de ses chefs, YAMANE Tomoyuki , président d’IPPUDO Paris qui officie depuis plusieurs mois maintenant du côté de Saint Germain des Prés.

Un entretien aussi intimiste que naturel avec un passionné de la culture culinaire populaire japonaise…

La marque IPPUDO

© Anaïs Dorvault, Journal du Japon

© Anaïs Dorvault, Journal du Japon

Journal du Japon : Bonjour, pouvez-vous nous en dire un peu plus à propos de IPPUDO et de vous-même ?

YAMANE Tomoyuki : Comme vous le savez, IPPUDO a démarré en 1985 avec un premier restaurant à Fukuoka de seulement 10 places. IPPUDO n’est devenu populaire au Japon qu’après 1994, quand nous avons ouvert notre établissement au musée du ramen de Yokohama. Depuis toujours, notre fondateur KAWAHARA-san (KAWAHARA Shigemi, considéré comme le « Ramen King ») a toujours eu cette idée que les ramen pouvaient s’exporter partout dans le monde, et pas qu’au Japon. De 2006 à 2008, IPPUDO a donc réfléchi à son premier restaurant étranger et a choisi New York pour l’implanter en 2008. L’année suivante, IPPUDO a continué son expansion avec une ouverture à Singapour en 2009 et c’est en 2010 que j’ai rejoint la société. À cette époque il n’y avait donc que deux restaurants en dehors du Japon.

Moi, de mon côté, j’ai vécu plus de la moitié de ma vie à l’étranger, et comme ils cherchaient justement quelqu’un pour manager le développement à l’international, ils m’ont choisi. Pour faire simple, aujourd’hui nous avons 58 restaurants hors Japon dans douze pays différents. Ici à Paris, je suis donc à la tête des restaurants français mais aussi de la holding Chikaranomoto qui gère justement toutes ces ouvertures à l’international.

 Qu’est-ce qui fait selon vous la particularité d’IPPUDO ?

Au Japon, à la base, malgré ce que l’on croit, les ramen étaient considérés comme une nourriture passée de mode, pour « les petits vieux ». Avant de lancer son business, KAWAHARA-san travaillait dans un pub avec une clientèle internationale et fréquenté par beaucoup de jeunes très tendances. Il a ainsi remarqué que la plupart n’allait jamais les restaurants de ramen car ils les trouvaient sales, défraîchis et un peu « puants ». Il s’est alors dit que, peut-être, il pouvait lancer un restaurant que les jeunes n’auraient pas honte de fréquenter : un endroit clean, où l’hygiène ne serait pas douteuse, avec une ambiance fun et chaleureuse et de la bonne nourriture.

Shigemi KAWAHARA

Shigemi KAWAHARA

C’est à cette époque  que l’esprit IPPUDO a été conceptualisé. Nous prenons donc grand soin de l’ambiance : aussi bien la décoration, la mise en place que les uniformes des serveurs, que nous tentons de rendre « genki », soit rempli d’énergie positive. Nous formons nos staffs à cet esprit IPPUDO. C’est ce qui a forgé notre réputation puisque d’autres restaurants ont tenté de faire pareil. La particularité d’IPPUDO ne réside donc pas dans une seule chose mais bien dans une combinaison de petits détails qui font que le client se sent bien et a envie de revenir.

Le ramen : le plat du cœur 

Après le concept, les plats : vos recettes sont-elles inspirées d’une région du Japon ou sont-elles créées par et pour IPPUDO ?

Les recettes sont créées par IPPUDO en effet, mais le type de ramen est toujours le tonkotsu, originaire d’Hakata à Fukuoka dans le sud du Japon. Donc le tonkotsu ramen est vraiment notre « plat signature ». On a néanmoins à côté d’autres types de ramen originaires d’autres régions mais je crois que les ramen vont au-delà des démarcations territoriales. Le ramen veggie par exemple est uniquement français et nous avons créé des variantes pour chaque pays où nous nous sommes implantés. Nous pouvons donc dire que les recettes sont régionales, mais elles sont avant tout uniques. 

© Anaïs Dorvault, Journal du Japon

© Anaïs Dorvault, Journal du Japon

IPPUDO, c’est donc la combinaison de plusieurs détails. Pourtant, ils tournent autour d’un seul élément central : le ramen. Qu’est-ce qui fait un bon ramen selon vous ?

Un bon ramen doit être la représentation d’un équilibre harmonieux entre les nouilles, le bouillon (dashi) et les toppings. Comme je le disais, IPPUDO est originaire de la ville de Fukuoka, qui est surtout connue pour son tonkotsu (porc pané). Mais nous avons énormément de recettes différentes dans nos restaurants : un ramen à base de poulet, un autre à base de bœuf ou encore de fruits de mer, un ramen végétarien, etc. Je dirais donc qu’un bon ramen est un ramen qui touche le cœur des gens. Au Japon, les ramen sont considérés comme de la  « soul food » par excellence : de la nourriture de l’esprit. Vous n’avez pas besoin  de beaucoup d’argent pour déguster un bon ramen alors que les processus pour en faire un bon sont longs et demandent beaucoup d’efforts.

Pour cuisiner un bon ramen, il faut donc le préparer avec son âme, mais aussi avec les bons ingrédients. 

Justement, sur quels ingrédients êtes-vous attentifs et vigilants ?

Sur tous nos ingrédients ! Bien sûr, ceux que nous utilisons au Japon sont différents de ceux utilisés en France ou dans les autres pays donc nous passons pas mal de temps à rechercher les bons produits. Même avec les ingrédients parfaits nous devons souvent modifier les recettes et les adapter un peu. C’est valable pour le porc, les os de porc, les légumes, et tous les autres ingrédients que vous dégustez dans nos restaurants.

Puisque ces recettes sont uniques, d’une certaine façon : comment les préparez-vous, comment les pensez-vous et comment établissez-vous une recette ?

Nous faisons attention à plusieurs critères : le plus important est de rester fidèle à la qualité d’IPPUDO. Nous avons une sorte de cahier des charges qui rappelle ce qui représente un ramen à la manière d’IPPUDO, qui a été dicté par le fondateur. Bien sûr, comme nous travaillons tous les jours pour IPPUDO, nous savons ce qui correspond ou pas à l’image du restaurant… contrairement aux clients qui mangent pour la première fois chez nous. Je pense que la plupart des membres de l’équipe pourraient savoir, les yeux bandés, si c’est un ramen IPPUDO qu’ils goûtent. Ici, en France, nous utilisons des ingrédients locaux, évidemment, mais les recettes, les procédés de cuissons et la préparation sont vraiment faits selon les principes de la marque. Ce ne sont pas des ramen français, ce sont bien des ramen IPPUDO. 

Donc nous prenons des produits du coin en effet. Mais des produits qui, pour nous, représentent bien l’âme de la marque. De la qualité mais pas seulement, ça doit nous parler et nous convenir. Pour cela, ça nous arrive de faire des tests avant de terminer l’élaboration de la recette : jusqu’à trouver le bon produit, ce qui ne manque pas ici. Donc on manipule.

Pour le reste, connaissant par cœur le ramen, on prépare notre bouillon comme on en a l’habitude, en faisant attention à la température, à la texture… En ajoutant bien sûr notre touche secrète et le reste suit. Puis c’est servi immédiatement. Donc les étapes de préparation, assez intenses, précises et exigeantes sont suivies d’un service optimal.

Ippudo Tonkotsu

Vous parliez des procédés de préparation : comment s’organise concrètement la préparation des ramen ? Est-ce que tout est préparé au début du service ou est-ce fait à la demande ?

En fait, il y a deux parties. D’abord c’est la préparation et la cuisson du bouillon qui demande douze à quatorze heures : les différents bouillons et les nouilles (faites sur place) sont donc préparés en avance. Environ 80 % des plats sont cuisinés avant que nous ne démarrions le service. Ensuite, le reste est cuisiné devant la clientèle : couper les nouilles, réchauffer le bouillon. C’est d’ailleurs une étape très importante de la préparation car c’est là qu’il prend toute sa saveur. Si vous serviez le bouillon dès sa préparation, l’huile et le liquide se sépareraient alors que le fait de le réchauffer fait que les liquides se mélangent de façon homogène. Et bien sûr, c’est juste après que nous ajoutons les toppings.

© Anaïs Dorvault, Journal du Japon

© Anaïs Dorvault, Journal du Japon

On sait à présent, grâce à divers médias (manga, anime…), que le ramen est très populaire au Japon. À quel plat français peut-il être comparé d’après vous ?

Cela peut paraitre bizarre, mais je dirais que ça se rapproche des crêpes, galettes ou autre panini parce que c’est de la nourriture pratique, facile à manger. Vous pouvez les trouver partout et ce n’est pas très cher. Les gens peuvent donc en manger tous les jours sans en avoir marre. C’est exactement la même chose pour les ramen, au Japon. 

Le ramen en France : nouveau public, nouvelles aventures

Depuis quelques années maintenant, la cuisine japonaise engendre un engouement incroyable ici en France. Particulièrement à Paris, où on trouve aujourd’hui des restaurants japonais à presque tous les coins de rues. Pourtant, IPPUDO se démarque largement de la plupart de ces enseignes, souvent de moindre qualité. Pourquoi avoir choisi Paris et comment vous démarquez-vous de vos « concurrents » ?

Nous sommes présents dans de nombreuses capitales ou métropoles mondiales : Londres, Sydney, Singapour, New York, Hong Kong… Mais nous essayons toujours d’aller là où les clients sont curieux et veulent tester de nouvelles choses : de nouvelles modes gastronomiques, de nouvelles tendances… Et il ne faut pas oublier que Paris est aussi la capitale des gourmets ! C’est d’ailleurs un public avec plus d’exigences, mais cela nous a motivé à relever le défi de plaire aux papilles françaises. On a toujours voulu venir à Paris, ça nous a juste pris un peu plus de temps pour le faire.

Ensuite, on se démarque car nous sommes de vrais Japonais ! Je dirai que 90 % des restaurants japonais à Paris ne peuvent pas en dire autant et je pense aussi que notre réputation et notre longévité parlent pour nous. Nous sommes d’une part Japonais, mais aussi des Japonais qui se développent à l’international. Et je ne crois pas que beaucoup d’enseignes soient sur le même créneau. Pas mal d’autres sociétés ouvrent uniquement un restaurant à Paris, mais nous, ce n’est pas notre objectif. Nous souhaitons en effet ouvrir 3, 4 ou peut-être 5 autres restaurants à Paris. Et ensuite peut-être après s’étendre à Lyon, Marseille et se mêler aux habitudes et au quotidien des Français. Nous ne voulons donc pas ouvrir une seule enseigne pour attirer des clients japonais et s’arrêter là. Nous cherchons à aller plus loin.

Si nous revenons quelques instants sur la carte suite à ces précisions, nous avons vu qu’il y avait quatre bases de ramen. Envisagez-vous de faire évoluer cette carte au fil des saisons ou des demandes des clients ?

Nous avons commencé avec trois ramen à base de porc et une recette vegan. Mais en effet, nous pensons lancer des déclinaisons saisonnières très rapidement, en démarrant par des ramen froids pour l’été par exemple.  Comme je le disais, nous avons des centaines de recettes et nous devons trouver celles qui plairont le mieux au public français en fonction des saisons et des occasions.

© Anaïs Dorvault, Journal du Japon

© Anaïs Dorvault, Journal du Japon

 

La nouvelle adresse des amoureux du ramen

L’ambiance, l’accueil, la carte, le goût, ce sont ces spécificités d’IPPUDO réunies qui offrent donc une bonne formule avec succès.
Quels sont donc les premiers retours que vous avez de vos clients ? Et qu’avez-vous appris de la clientèle française par rapport à la clientèle japonaise ?

Les retours sont très positifs car beaucoup de clients nous connaissaient et avaient hâte que nous ouvrions à Paris. Donc pas mal de personnes étaient contentes de cette ouverture et le restaient même après avoir testé nos ramen. Après je ne fais pas vraiment de différenciation entre les clients français et japonais, mais les premiers clients à venir, même français, ont très bien pu aller dans des restaurants IPPUDO au Japon ou dans les autres pays où nous sommes présents donc ils recherchaient cette qualité propre à IPPUDO, ce qui est un compliment pour nous.

Beaucoup de gens rentrent aussi ici pour manger leur premier ramen et ne connaissent donc pas notre enseigne. Nous faisons alors de notre mieux pour rendre cette expérience positive. Et nous commençons même à avoir des clients réguliers qui viennent une ou deux fois par semaine, ce qui est super ! Cela montre tout l’intérêt des Français pour les ramen et pour notre marque.

© Anaïs Dorvault, Journal du Japon

© Anaïs Dorvault, Journal du Japon

Justement, vous nous indiquez l’ouverture d’autres restaurants IPPUDO à Paris. Quand prévoyez-vous d’ouvrir le second restaurant IPPUDO ?

Ce samedi. Le samedi 11 juin. Ce sera donc IPPUDO Louvre, situé au 74-76 rue Jean-Jacques Rousseau, dans le premier arrondissement.

La carte sera-t-elle différente ?

La carte sera élargie avec un peu plus de choix en termes de ramen mais aussi avec plus d’entrées parce que, d’une part, nous aurons une plus grande capacité d’accueil, mais d’autre part une plus grande cuisine aussi. Nous allons donc être en mesure de servir davantage.

Au niveau des boissons aussi, cela va changer avec un plus grand choix de sake et de bière. Nous ferons apparaître également des desserts qui ne sont pas encore présents sur la carte à IPPUDO Saint-Germain, alors qu’on nous en réclame régulièrement. Venez donc nombreux pour nous découvrir encore d’avantage !

Merci beaucoup à vous de nous avoir donné de votre temps et rendez-vous dans ce second restaurant, donc !

Pour finir, notre équipe ne pouvait pas vous parler de ce restaurant sans vous donner notre propre retour…

 

Bonus – l’avis de Journal du Japon

Rien à redire sur le service et l’accueil : impeccable, rapide, et efficace. On sent totalement le savoir-faire japonaiset côté immersion on s’y retrouve aisément. Pour ceux qui cherchent un petit coin japonais à Paris, traditionnel et sincère, par nostalgie ou pas, c’est bien chez IPPUDO qu’on le retrouve. Une fois passé cet accueil vraiment « comme à la maison », le service se gère parfaitement et on ressent tout de suite ce qui fait un bon restaurant de ramen : on n’attend pas, on déguste vite et bien, en à peine une heure on a terminé. Pour les aficionados des courtes pauses déjeuner, IPPUDO est pour vous !

Au niveau du goût, on voyage littéralement au Pays du Soleil levant. Le bouillon est goûteux, et on a droit à une explosion des saveurs en bouche. La viande fond sur la langue, l’œuf est cuit grâce au bouillon, façon œuf mollet, et les légumes baignent dans le bouillon, chacun s’imprégnant réciproquement de toute leur saveur. Rassurez-vous, pour ceux qui sont végétariens, un ramen spécial leur est réservé. Tout est pensé pour satisfaire le client.

Si vous n’êtes pas encore conquis, le décor achève de vous convaincre. On se retrouve dans un restaurant typique du Japon : une cinquantaine de tables en bois par-ci par-là, chacune alignée de façon efficace mais intime malgré tout, et le décor, agrémenté par des tableaux et des objets japonais, finit de nous immerger dans l’ambiance nippone du restaurant. Le comptoir qui donne sur les cuisiniers en pleine action le confirme par ailleurs.

Le prix quant à lui est plutôt concurrentiel pour un tel produit : service et ramen compris.

Merci au président de Ippudo Paris d’avoir pris de son temps pour nous recevoir.

 

IPPUDO Louvre

5 réponses

  1. 12 juin 2016

    […] soirées foot de certains, Journal du Japon continue de vous parler de cuisine japonaise… Après vous avoir fait bavé sur les ramens des restaurants Ippudo, passons maintenant à la nourriture qui nous ai présenté… dans les mangas […]

  2. 12 juin 2016

    […] soirées foot de certains, Journal du Japon continue de vous parler de cuisine japonaise… Après vous avoir fait bavé sur les ramens des restaurants Ippudo, passons maintenant à la nourriture qui nous est présentée… dans les mangas […]

  3. 12 décembre 2017

    […] Week en 2016, et avait rédigé un article sur l’un des acteurs phares du ramen au Japon : Ippudo, enseigne, par ailleurs, mentionnée […]

  4. 14 août 2018

    […] a ravies dans la découverte de saveurs et de textures différentes de ce qu’on avait déjà testé à Paris. Le bouillon vegan, composé de fait d’un savoureux bouillon de miso, de lait de soja, […]

  5. 25 mars 2020

    […] soirées foot de certains, Journal du Japon continue de vous parler de cuisine japonaise… Après vous avoir fait bavé sur les ramens des restaurants Ippudo, passons maintenant à la nourriture qui nous est présentée… dans les mangas […]

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