J-Horror Theatre Series : quand tous les thèmes de l’horreur nippone se rassemblent !
Depuis la sortie de Ring en 1998 de Hideo NAKATA, le monde tremble devant les spectres nippons… C’est avec son succès colossal, ainsi que celui de The Grudge de Takashi SHIMIZU quelques années plus tard, que six réalisateurs japonais ont créé chacun un film pour le compte du célèbre producteur Takashige ICHISE, sous la bannière du cinéma d’horreur japonais contemporain. Une série appelée J-Horror Theatre Series.
Journal du Japon vous propose ici de passer en revue ces six films, proposant chacun plusieurs thèmes différents du cinéma d’horreur japonais…
La naissance de la série
Takashige ICHISE – souvent connu sous le pseudonyme de Taka ICHISE – est un producteur de cinéma japonais célèbre pour ses productions de kaidan-eiga telles que Ring et Ju-on par exemple, ainsi que du remake japonais du film américain Ghost en 2010.
La J-Horror Theatre Series commence comme un projet très ambitieux. ICHISE engagea les 6 réalisateur suivants : Hideo NAKATA, Kiyoshi KUROSAWA, Takashi SHIMIZU, Norio TSURUTA, Masayuki OCHIAI, et le scénariste de Ring Hiroshi TAKAHASHI. Si seulement 3 des 6 films sont sortis sous la bannière du J-Horror Theatre Series les 3 autres, sortis séparément, n’y sont pas pour autant étranger. Observons-les de plus près… et retrouvez également tous les trailers des films en fin d’article ou en cliquant sur les titres en lien !
Le début d’une étrange épidémie…
Infection (Kansen) est le premier film de cette série. Sorti en 2004, ce film est réalisé par le célèbre Masayuki OCHIAI en charge des 2 derniers films Ju-On. Infection est l’adaptation de l’un de ses anciens scénarios de issu du film Tales of the Unusual (2000). L’histoire se déroule dans un hôpital insalubre, où un homme est abandonné par une ambulance aux portes des urgences. Cet homme semble atteint d’un terrible virus, que le personnel impuissant de l’hôpital commence petit à petit à contracter… Les contaminés sécrètent une mystérieuse substance verdâtre, et ont un étrange comportement. Le héros, le docteur Akiba, accuse un de ses collègues d’avoir répandu ce virus. Mais celui-ci lui répond que c’est un virus diffusé mentalement qui contamine le subconscient des victimes…
Le mystère de ce film émerge petit à petit, et nous dévoile un univers inconscient dérangé et fait d’un humour assez noir. Il est dépourvu de spectres et de revenants, même si le thème du tatari – malédiction des kamis que nous avons déjà évoqué – lancé par ce qui ressemblerait à un onryô (esprit vengeur) semble être en toile de fond.
Le réalisateur nous plonge dans une ambiance glauque avec des effets spéciaux plutôt gores tout en traitant des fautes professionnelles – graves et habituellement passées sous silence – des médecins. Infection nous montre cette absence de culpabilité, lorsqu’au début du film l’homme blessé arrive en ambulance, et qu’il est laissé à l’abandon devant les urgences, personne ne venant le chercher… De cet abandon en résulte la décomposition de l’homme dans une substance verdâtre qui s’infiltre dans la ventilation de l’hôpital et finit par contaminer de nombreuses personnes. Une sorte de malédiction lancée par l’homme abandonné et trahi par le corps médical, qui désire donc se venger…
Dans les croyances japonaises, il existe une peur viscérale des maladies qui contaminent le corps humain. Dans le bouddhisme japonais, le terme de kegare nous explique que tout contact avec tout ce qui est proche de la mort nous pollue. Pour ne plus être souillé, il faut effectuer un rituel bouddhiste spécial (vu auparavant), afin que notre esprit puisse reposer en paix à notre mort, et éviter la métamorphose en yûrei, ces revenants vengeurs. Dans Infection, il s’agit surtout de la peur du corps humain en putréfaction – ce que le réalisateur illustre à merveille – et qui indique implicitement le courage dont un médecin japonais devrait faire preuve. Néanmoins, si les médecins et infirmières japonais ne sont pas poursuivis en justice pour erreur médicale, ils sont censés être persécutés par les esprits de ceux qui sont morts sous leur garde ou par les âmes des fœtus à l’avortement auquel ils ont contribué. Les chercheurs peuvent même être victimes de l’âme vengeresse des singes décédés lors d’expériences. Infection nous montre une équipe de médecins et d’infirmières qui n’ont vraiment peu d’égard pour la vie humaine… mais peut-être parce qu’ils se savent déjà condamnés?
Visions dangereuses du futur…
Le second, Prémonition (Yôgen) est sorti dans les salles nippones en même temps que Infection en 2004. Il est réalisé cette fois par Norio TSURUTA, maître des séries Hontô ni atta kowai hanashi et réalisateur du film Ring 0: Birthday en 2000. Prémonition est une adaptation du manga de 1973 Newspaper of Terror de l’auteur Jiro TSUNODA.
Lorsqu’il s’arrête à une cabine téléphonique sur le bord de la route avec sa femme et sa fille, le professeur Hideki SATOMI trouve un morceau de journal. La section mortuaire lui dévoile la photo de sa fille de 5 ans, Nana, annoncée comme morte dans un accident de voiture… le jour même, quelques minutes dans le futur. A cet instant il aperçoit sa femme Ayaka venant vers lui, tandis qu’un camion fonce droit dans la voiture où la petite fille restée à l’intérieur meurt sur le coup. La page de journal qui annonçait l’événement est introuvable…
Trois ans plus tard, Hideki et Ayaka sont divorcés. Essayant toujours de croire l’histoire folle de Hideki, celle-ci recherche des personnes aux pouvoirs paranormaux qui racontent avoir vu, eux-aussi, ce journal. Elle découvre ainsi que certaines personnes ont le pouvoir de voir le futur mais ne peuvent sauver les personnes en danger. Hideki commence à avoir des prémonitions sur la mort de certaines personnes dans son entourage. Mais lorsque Hideki sauve Ayaka, il n’imagine pas que son corps souffrira d’un étrange mal…
Inspiré des films américains Dead Zone (1987) de David Cronenberg et de L’Effet Papillon (2004) de Eric Bress et J. Mackye Gruber, Prémonition possède une simplicité dans son ambiance, tout en conservant une atmosphère lente et terrifiante, que l’on retrouve dans les films d’horreur japonais de la décennie précédente. Plus sombre que Infection, TSURUTA met ici les sursauts de peur de côté afin de privilégier les chocs émotionnels chez le spectateur.
Ce film nous montre un couple essayant de survivre à la mort de leur enfant. Évoqué précédemment, c’est la photographie psychique qui est le thème abordé ici, un pouvoir qui permettrait à un médium de projeter des images mentales sur une pellicule photographique. Mis à part le deuil de leur fille que les parents ont du mal à gérer, Prémonition nous montre le dilemme d’une personne ayant le pouvoir de sauver des personnes de leur mort : leur dire pour tenter de les sauver mais se voir, alors, contaminé par une étrange malédiction qui consume le corps… ou bien cacher la vérité mais être rongé par la culpabilité jusqu’à en devenir fou.
Connaître l’avenir et la mort d’une personne : don ou malédiction ?
Une horreur sans fin…
Réincarnation (Rinne) est sorti un an plus tard en 2005, et est réalisé par le grand maître de la série des The Grudge (Ju-On) Takashi SHIMIZU. Ce film oppose les concepts de la réincarnation et de la possession…
L’histoire nous raconte la vie de Ikuo MATSUMURA, l’un des réalisateurs de cinéma d’horreur les plus connus au Japon. Pour son tout nouveau projet, il a écrit un scénario basé sur une histoire vraie d’un horrible carnage survenu 35 ans plus tôt dans un hôtel touristique. Le meurtrier était un professeur d’université qui voulait comprendre la réincarnation. Ces recherches le poussèrent à la folie. En vacances dans un hôtel avec sa femme et sa fille, il se filme en train de massacrer le personnel de l’hôtel, les clients, sa femme, sa fille, puis lui-même… La jeune actrice Nagisa SUGIURA est choisie pour le rôle de la fille du meurtrier. Petit à petit elle va commencer à expérimenter d’étranges visions semblant venir de son personnage, hantée par les victimes du carnage. Elle va en venir à se demander si elle n’est pas la réincarnation de la petite fille en question…
Le principal intérêt du film est la mise en abîme du film dans un film. On remarque aussi la présence de la parapsychologie, chez le professeur assassin passionné par les phénomènes paranormaux – et particulièrement la réincarnation – qui exécute son plan macabre afin de prouver son expérience… Cependant le véritable but de Takashi SHIMIZU en réalisant Réincarnation, est de montrer que toutes les œuvres du cinéma d’horreur japonais, participent à sacraliser les croyances communes de leur peuple, se moquant par-là des Américains qui ne cessent de reprendre des films, dénaturant les chefs-d’œuvre nippons. Plutôt considéré comme un échec à sa sortie, Réincarnation est plutôt maigre comparé à ce que SHIMIZU voulait qu’il soit, alors qu’il est censé être le porte-parole du cinéma d’horreur japonais aux USA. Un objectif raté, malgré un bon film.
RETRIBUTION
Rétribution (Sakebi) est sorti en 2007 et a été réalisé par Kiyoshi KUROSAWA. Au départ ce film n’est pas sorti sous la bannière de la série de J-Horror Theatre Series, mais il y fut inclus par la suite.
Dans ce film le détective Yoshioka enquête sur plusieurs meurtres semblant liés les uns aux autres. Chaque victime semble noyée, le corps rempli d’eau salée. Perturbé par le stress qu’il endure dans sa vie de couple, il découvrira des objets familiers sur les scènes de crimes qui lui feront douter de sa propre culpabilité. Lorsqu’il se décide à aller consulter un psychiatre, Yoshioka commence à être hanté par l’étrange spectre d’une femme habillée de rouge prétendant le connaître…
KUROSAWA prend ici le temps de poser l’ambiance générale de son film. Démarrant comme un thriller, l’histoire bascule rapidement dans le surnaturel. Il compose son ambiance autour d’une atmosphère inquiétante et terrifiante. Maître dans l’art de l’horreur, KUROSAWA sait jouer avec la peur du spectateur, tout en jouant de poésie dans de magnifiques cadres… Comme à son habitude, le réalisateur sait donner un côté humain à ses spectres, et imprègne celui-ci de tous les thèmes composant le revenant japonais dans le cinéma nippon, démarrant avec Sadako de Ring en 1998. Le morbide est aussi une des spécialités du réalisateur, et il n’hésite pas à mettre mal à l’aise le spectateur dans des scènes macabres, ou en l’effrayant par la suggestion. Le fantôme du film cherche ici vengeance pour ce qu’il lui est arrivé dans le passé… et dont certains personnages seront responsables.
Rétribution est d’une subtilité particulière, car ici l’horreur est une expression du malaise social et de la culpabilité collective de la société contemporaine. Le bourreau autant que les témoins seront pris en chasse par le spectre, car ces derniers sont aussi coupables que le meurtrier. Coupables de n’avoir rien fait, rien dit… Ainsi les thèmes principaux dans ce film seront la solitude, la culpabilité, et une vision d’un monde tourmenté par ces deux sentiments.
Conte effrayant d’un ancien temps…
En 2007 Hideo NAKATA réalisa le 5e film de la série : Kaidan. Lui aussi n’était pas inscrit sous le titre du J-Horror Theatre Series, mais y fut inclus plus tard. Comme observé auparavant, vu qu’il porte le titre de kaidan, il pourrait s’agir de n’importe quel conte de fantôme. Cependant il a été adapté du conte du XVIIIe siècle de Enchô SANYUTEI : Kaidan: Shinkei kasane ga fuchi.
Le film raconte en quelque sorte la suite du conte : Oshiga et Osono sont les filles d’un homme assassiné quelques années auparavant par le samouraï Shinzaemon. Le spectre de leur père lança une malédiction sur son assaillant qui en résultat sa mort. Des années plus tard Oshiga et Shinkichi – le fils de Shinzaemon – tombent amoureux et décident de se marier. Cependant Shinkinchi n’était pas très passionné par leur relation et ne pouvait s’empêcher de flirter avec des jeunes filles – en particulier Oisa – ce qui n’était pas du goût d’Oshiga. Lorsque celui-ci demande à ce qu’ils se séparent, une violente dispute éclate entre les 2 et Oshiga est blessée au front. De cette blessure en résulte une maladie grave, et Shinkichi promet à son amante Oisa de s’enfuir avec elle une fois sa femme morte. Il reste cependant au chevet d’Oshiga jusqu’à sa mort, mais celle-ci lui fait la promesse de hanter toutes les femmes avec qui il se remarierait…
Ce film est bel hommage aux classiques de kaidan-eiga du cinéma japonais des années 60 à 70. Ce retour en arrière des anciens contes de fantômes et l’archétype du spectre féminin japonais, qui fit le succès du genre, nous replonge dans une époque révolue. Cependant, dans Kaidan, NAKATA a voulu trop en faire en jouant sur tous les thèmes du cinéma classique de spectre japonais, en surchargeant le film d’éléments perturbateurs. On retrouvera même la présence d’un yûrei masculin du conte d’origine dans la figure du père des 2 jeunes femmes, en plus du spectre féminin… même si NAKATA nous offre ici une adaptation spectaculaire d’un conte classique, il manque donc, malheureusement le ton et de l’ambiance propre au cinéma à qui il rend hommage.
D’épouvantables expériences…
Portant le titre japonais de Kyôfu, The Sylvian Experiments est sorti en 2010 et a été réalisé par Hiroshi TAKAHASHI, le scénariste du Ring de Hideo NAKATA. Ce film est le dernier segment de J-Horror Theatre Series, et fut officiellement sorti sous la bannière de cette série, contrairement à ses 2 prédécesseurs. La bande-annonce de Kyôfu corrige d’ailleurs cela, en indiquant que Rétribution et Kaidan font aussi parti de la famille des J-Horror Theatre Series.
Kyôfu est un étrange conte mêlant les éléments traditionnels de l’horreur japonais à la parapsychologie, aux problèmes familiaux et sociaux comme celui du suicide des jeunes et des sites internet les y encourageant. Etsuko est une scientifique obsédée par la vie après la mort. Avec son équipe, elle enlève des personnes à l’aide d’un site internet réunissant des adolescents désirant mourir, puis effectue d’étranges expériences avec leur cerveau dans un hôpital abandonné. Ils essayent de stimuler une partie du cerveau dans le but d’apporter des visions à la personne et pouvoir ainsi explorer la vie après la mort.
Le hasard fait que Miyuki, une des 2 filles de Etsuko, soit l’une des victimes. Cela ne change rien pour sa mère qui continuera d’effectuera ses expériences avec passion. En titillant le cerveau de sa fille, Miyuki commencera à expérimenter des visions, au même moment que sa sœur Kaori, qui partage déjà un lien télépathique avec elle. Kaori remontera la piste de sa sœur vers l’hôpital abandonné où elle sera confrontée à sa mère qui lui expliquera ses expériences…
Voilà un film très compliqué, où le fil est difficile à suivre tant il y a d’informations à assimiler. Kyôfu est plutôt sombre et obscur dans ses explications, et le réalisateur occulte tout ça délibérément, ne voulant pas trop dévoiler le mystère. La combinaison entre science et surnaturel est habile, et même si parfois on a l’impression que le film part dans tous les sens, il nous offre ici quelque chose de différent que les spectres vengeurs aux longs cheveux noirs en bataille dont on a d’habitude : les projections astrales. Au Japon, les âmes peuvent être départagés entre deux types : les shiryô et les ikiryô. Les premiers sont les âmes des personnes décédées, celles qui, selon leur mort, deviendront ou non des yûrei. Les ikiryô en revanche désignent les âmes des personnes vivantes, c’est à dire des personnes capables de projeter leur âme et de la diriger où bon leur semble. En Occident, on appelle cela une projection astrale. C’est ce dont il est question dans ce film. Kyôfu nous embarque donc dans une ambiance malsaine et effroyable de ces expériences sur le cerveau humain, nous rappelant parfois la dérangeante série de films Guinea Pig.
À leur sortie, ces 6 films n’eurent pas vraiment le succès escompté par le producteur Takashige ICHISE. N’ayant pourtant aucun lien entre eux, ces films se raccrochent par leurs inspirations et hommages aux célèbres films du cinéma d’horreur japonais. Ils abordent certains thèmes qui sont nouveaux pour le cinéma mais classique dans la parapsychologie nippone, telle que la projection astrale. Avec cette série, les Japonais veulent montrer aux occidentaux, encore une fois, leur étrange culture du surnaturel, tout en surfant sur la vague du succès du J-Horror dans le monde… A découvrir chez HK Vidéo !
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2 réponses
[…] They’re certainly remakes of J-Horror works. “There have been ghost motion pictures in Japan because of the 1920s, after the Kabuki and No theater variations. After some time, the phenomenon dried up because it didn’t meet the identical success through the years. It was actually with Ring that the revival occurred within the 1990s. The People noticed an outlet and commenced to make remakes of it, which in flip inspired Japanese cinema “, highlights Noémie Marin, passionate concerning the style and writer of a series of articles on the subject. […]
[…] refaire l’article de la J-Horror que nous mettons à part du tokusatsu, car les codes et les intentions sont différents pour des […]