Shinrei-Spot : testez votre courage avec les lieux hantés du Japon !
Les spectres nippons font parti intégrante de la culture japonaise. Depuis les temps les plus anciens, tout événement faste au Japon est la cause des esprits et autres créatures étranges. En passant par la littérature, le cinéma, le manga et les jeux vidéo, les spectres sont partout… Les Japonais croient dur comme fer au surnaturel, et il n’est pas étonnant de voir que les 4e étages et appartements portant le chiffre 4 – chiffre représentant la Mort en Asie – soient condamnés ou moins cher au Japon…
Néanmoins, si vous êtes suffisamment courageux, vous pourrez procéder à ce que les Japonais appellent le Kimodameshi : le test de courage dans des lieux réputés hantés, où seuls les plus téméraires pourront s’en sortir indemnes ! Il existe une myriade de ces endroits au Japon, dont certains sont en accès touristique, et d’autres sont condamnés.
L’été, saison des kimodameshi, se rapprochant à grands pas, Journal du Japon vous propose une sélection touristiques des spots les plus effrayants du Japon afin de pouvoir organiser vos prochaines vacances autour d’un thème rafraîchissant !
Prouver son courage au Japon
Dans l’archipel, on appelle les lieux hantés Shinrei-Spot ou Yûrei-Spot. C’est ici que s’effectueront les kimodameshi. On s’aventurera donc seul sur un terrain hanté comme des cimetières, des maisons (ou Obake Yashiki), des sombres forêts, des autels shintoïste, ou encore des bâtiments désaffectés connus pour leurs activités surnaturelles. Ce sont des endroits réputés dans le folklore et dans les légendes urbaines, où des esprits sont censés apparaître. Dans ces lieux sont arrivés des événements tragiques qui ont ainsi fait leur réputation. On peut les retrouver listés sur internet, selon différents niveaux pour évaluer leur caractère plus ou moins… effrayant !
Les origines de ce test semblent se perdre dans le passé, mais on peut remonter jusqu’à un conte du XIe siècle où 3 frères se défient d’entrer dans la demeure d’un démon, ou Oni. C’est ce conte qui semble servir de base pour ce test de courage, et qui était aussi un moyen pour les samouraïs de préparer leurs enfants à la peur. Le jeu du Hyaku Monogatari – où l’on se raconte des histoires de fantômes – découle de ses tests, semblant lui-même être un kimodameshi.
À notre époque, il n’y a pas vraiment de règles particulières… la seule sera de pouvoir prouver que êtes allé jusqu’au bout du test, en déposant un marqueur à la fin du chemin, par exemple. On l’effectue seul ou en groupe, avec des amis, après avoir sélectionné un lieu bien effrayant. La période propice est l’été – pour le Obon, la fête où les Japonais honorent l’esprit des ancêtres – mais on pourra faire un kimodameshi à n’importe quel moment de l’année. Cela dit, durant l’été, vous aurez peut-être la chance de croiser des célébrités, qui s’adonne à ce rituel dans des lieux connus…
Parmi ces lieux on retrouve donc la Obake yashiki, la célèbre maison hantée ! En partant d’un lieu réputé hanté, on aménage ensuite la structure dans un but touristique, à l’image de nos trains fantômes dans les parcs d’attractions. Au Japon, lors de kermesse dans les écoles, les élèves organisant les activités prévoient une Obake yashiki dans lesquelles ils interpréteront les spectres, en mettant tout en scène. Leurs camarades les plus courageux devront parcourir la structure du début jusqu’à la fin, afin de prouver leur courage ! Les écoles japonaises organisent aussi des kimodameshi lors de voyages scolaires, qui se déroulent en été. Période propice aux esprits, les professeurs prévoient ces activités à l’avance en choisissant avec soin les shinrei-spots, tout en plaçant des objets effrayants dans les lieux, et se déguisent en spectres. On retrouve d’ailleurs de nombreux mangas où les héros effectuent un kimodameshi, comme par exemple dans GTO, Card Captor Sakura ou encore Love Hina.
On retrouvera le terme de haikyo pour désigner les lieux abandonnés, en ruines. Signifiant littéralement « ruines », visiter les haikyo est un hobby contemporain que l’on connait sous le nom d’exploration urbaine. Les passionnés de haikyo, visitent des villages abandonnés, des maisons, des hôpitaux, des écoles, des sites industriels, des parcs à thèmes, tous les lieux abandonnés et oubliés. Les haikyo concerne aussi les ruines de lieux hantés et attirent non-seulement les amateurs de kimodameshi, mais aussi les explorateurs passionnés de ruines !
Cependant, comme il existe de nombreux de ces lieux au Japon, certains sont délabrés et tous ne peuvent être encadrés. Ils peuvent être dangereux pour le public non-averti et sont donc interdits d’accès.
Maintenant que nous vous avons expliqué le contexte, passons sans attendre aux lieux les plus célèbres… De quoi vous faire déjà frémir !
La malédictions des mineurs…
C’est au nord de Tôkyô, que se situe notre première destination : le village abandonné de Shiraiwa. Il est connu pour avoir inspiré l’histoire du jeu vidéo Forbidden Siren et de son village maudit Hanuda, que nous avions évoqué dans notre papier consacré au survival horror. Shiraiwa était un village prospère dans les années 70, qui vivait de l’exploitation du charbon, le combustible le plus utilisé à l’époque. Personne ne sait vraiment ce qu’il s’est passé dans ce village, mais un jour sa population disparu, le laissant à l’abandon… comme si le temps s’était arrêté. La légende urbaine locale raconte que dans les temps anciens, le village fut maudit par un démon Oni. C’est aux alentours des années 70 que celui-ci englouti la population dans un tremblement de terre. Mais aucun corps ne fut retrouvé… Complètement délabré, ce village est dangereux d’accès et donc interdit et fermé au public. Nous pouvons quand même visiter les lieux virtuellement grâce à You Tube.
Le second opus de Forbidden Siren s’inspire lui aussi d’un célèbre lieu fantôme. Hashima, ou encore Gunkanjima, possède bien d’autres surnoms : « l’île en forme de navire de guerre » ou « l’île de l’enfer« , par exemple. Elle est connue pour avoir été un lieu de vie particulier pour les mineurs de charbon entre les années 30 et les années 70…
Les familles des mineurs japonais sur place pensaient vivre dans un petit paradis, mais les mineurs coréens et chinois, forcés de travailler sur Hashima, vivaient eux en enfer. Ils travaillaient dans d’horribles conditions dont les Japonais ne souffraient pas et étaient traités comme des prisonniers… ce qu’ils étaient car nous étions alors en temps de guerre. De nombreuses personnes périrent dans ces mines, qui allaient à des kilomètres de profondeurs sous la mer.
Si, en 1959, on enregistra sur cette île une densité de population record, la découverte du pétrole au début des années 70 fit perdre au charbon sa notoriété, et l’exploitation d’Hashima perdit de sa valeur. L’île fut donc complètement évacuée en quelques années seulement et, en 1974, elle devint une île fantôme peuplée de souvenirs, s’érodant avec le temps et les embruns. L’île en ruine et les bâtiments s’effritant sous la brise marine, font de ce lieu un endroit très dangereux. Les années passant elle menaçait de disparaître complètement en emportant ses mémoires avec elle, et c’est pour la protéger qu’elle fut inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO l’été dernier dans une liste de sites de la révolution industrielle Meiji au Japon.
Si la journée cette île nous offre des paysages magnifiques, la nuit elle prend une atmosphère lourde et glauque… Les légendes urbaines racontent que les murmures des mineurs morts s’échappent des profondeurs de l’île, et que l’on peut entendre leurs plaintes et leurs pleurs… Avant sa protection à l’UNESCO, Hashima ne possédait aucun moyen de protection contre l’extérieur. Elle fut donc sujette non seulement aux dégâts naturels, mais aussi à la dégradation humaine. Cependant les bâtiments de l’île sont dans un tel état de délabrement qu’il faudrait reconstruire entièrement l’île, mais elle perdrait de son histoire et de son cachet. Afin qu’Hashima garde son authenticité, elle reste ainsi à son état naturel, n’est que partiellement ouverte au public, et uniquement en journée. Seul le minuscule port de l’île est abordable et l’on doit réserver à l’avance des visites guidées en groupe. De nombreuses agences de voyages proposent des tours vers l’île, comme le Gunkanjima Cruise qui propose des tarifs à 2,600 yens par personne (soit environ 20€).
Histoires effrayantes du Japon ancien…
C’est dans la préfecture de Hyôgo qu’on trouve la ville de Himeji, où le conte d’Okiku est célèbre. Dans cet ancien conte, une servante casse de la porcelaine précieuse et se fait punir par son maître en se retrouvant pendue à un arbre. Nous l’avons déjà observé auparavant, mais dans sa version la plus connue, son maître la pousse dans le puits du château où elle périt. Ce récit se déroule donc au château Himeji, construit aux environ du XVIIe siècle, qui est l’un des plus beaux châteaux du Japon. Il est aussi connu pour avoir été la demeure du daimyo Hideyoshi TOYOTOMI pendant la période Sengoku et il est inscrit en 1993 au patrimoine mondial de l’UNESCO. C’est en tout cas là-bas que se trouve le puits où Okiku serait morte et des légendes racontent qu’à la nuit tombée des pleurs s’en élèvent… Un autel en son honneur fut construit autour, et c’est depuis ce jour que ce puit est peuplé de papillons machaon, rappelant qu’Okiku est aussi vénérée comme une déesse des insectes. S’il s’agit de l’histoire la plus célèbre d’Okiku, pour chaque région du Japon où se trouve un château et un puits, il y a presque systématiquement une légende pour Okiku. Elle ne s’appelle pas toujours Okiku – et ne casse pas à chaque fois des assiettes – mais les mêmes détails les rapprochent…
En tout cas, vous pouvez toujours visiter le château Himeji pour 1000 yens par personne (soit environ 8€) et vous pouvez accéder au site internet vous indiquant les horaires d’ouvertures en journée.
Autre lieu, tout aussi chargé d’histoire : dans le détroit de Shimonoseki (préfecture de Yamaguchi), s’est déroulée la fameuse bataille légendaire de Dan no Ura opposant les clans des Taïra et des Minamoto, que nous évoquions précédemment. Une bataille très importante dans l’histoire du Japon car elle clôt la guerre de Genpei au XIIe siècle qui opposa les clans suscités pendant 5 ans. Cette épopée fut dépeinte maintes et maintes fois dans la culture japonaise à travers notamment un film du cinéma classique japonais – Kwaidan – et surtout dans un conte très connu : L’histoire d’Hôichi le sans oreilles, retranscrit par Lafcadio Hearn. Dans cette histoire, Hôichi – moine aveugle et conteur – est accueilli dans un temple dédié au dieu bouddhiste Amida.
Aujourd’hui le temple où Hôichi s’est reposé et le cimetière dans lequel il assura son spectacle devant les spectres correspond au sanctuaire Akama – à Shimonoseki. C’est à l’intérieur du bâtiment – dans le hall de Hôichi – que se trouve la statue du jeune moine aveugle (voir photo ci-contre). Cet édifice est ouvert à tout moment et l’entrée est gratuite, et vous pourrez vous y rendre à cette adresse, si vous n’avez pas peur de croiser le spectre du samouraï ayant hanté Hôichi ! Et pour plus d’informations visitez ce site internet.
Le Japon est donc un pays qui croit aux revenants et, malgré sa modernité, continue d’effectuer des rites d’apaisement en l’honneur des ancêtres. On peut trouver de nombreux lieux abandonnés et touristiques réputés hantés, où les Japonais prouve leur courage, pour sauvegarder leur honneur. Dès leur plus jeune âge, les enfants japonais sont initiés à cela, un peu comme un test de préparation à l’âge adulte.
Le Pays du Soleil levant est donc un pays où le nombre de lieux hantés est incalculable. On en retrouve aux quatre coins de l’archipel, et à chaque fois qu’une tragédie se produit, l’endroit se transforme en shinrei-spot… Après vous avoir présenté cette tradition et les lieux les plus connus à travers le Japon, c’est à Tôkyô, où l’on retrouve les plus célèbres légendes de créatures et spectres nippons, que Journal du Japon vous propose de vous balader dans le second épisode de notre dossier… Rendez-vous la semaine prochaine donc, si vous l’osez !!!
Retrouvez tous nos articles sur le Japon hanté :
Kaidan : Les mystérieux contes de fantômes japonais
Kaidan-Eiga : L’arrivée des spectres nippon sur grand écran !
Les spectres du J-Horror : L’émergence des légendes urbaines dans le cinéma japonais
Survival-Horror : Quand la peur s’incruste dans le jeu vidéo !
Shinrei-Spot, épisode 2 : le retour des spectres dans les lieux hantés de Tôkyô
9 réponses
[…] avons vu précédemment que les Japonais aiment se défier et prouver leur courage en effectuant des kimodameshi dans des […]
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