Le renard : des contes aux mangas, ce transformiste rusé et solitaire rôde…
Le renard est un animal rusé, intelligent et très opportuniste. Ses sens sont très développés et il fait preuve d’une capacité d’adaptation incomparable, à l’homme, à la ville. Au Japon, il est connu dans la culture populaire pour ses pouvoirs de transformation : en objet, en humain, ses capacités sont impressionnantes ! Mais le renard revêt également de nombreuses personnalités, de la simple facétieuse à la plus guerrière, avec un rapport aux autres qui s’avère souvent très compliqué.
À travers la littérature, le manga ou le jeu vidéo, Journal du Japon vous en dit plus sur les mille et une facettes de cet intriguant animal !
Dans les contes, le renard se transforme par esprit de compétition ou pour remercier des humains qui l’ont sauvé.
Les éditions Hesse ont regroupé dans un même livre des contes et légendes du renard du monde entier, sous la plume de Michel Bournaud, professeur de biologie animale et d’écologie passionné de contes. Le Japon est présent avec trois grands classiques.
Le renard et le blaireau met en scène Densabouro, blaireau savant et puissant magicien révéré dans tout le Japon, qui quitte son île de Sado pour voyager et tenter de trouver quelqu’un à son niveau. Le renard Hensabouro, de la province d’Eha, fait de même. Lorsqu’ils se rencontrent, ils se lancent dans un concours de transformation : le renard prend la forme d’une statuette en bois mais se fait prendre en mangeant les boulettes de riz servant d’offrande. Il se transforme ensuite en cortège de mariage, mais il se fait encore prendre par le blaireau qui a vu un bout de queue dépasser (le blaireau s’était transformé en moine puis en boulette de riz pour mieux l’observer). Le lendemain, c’est au blaireau de se transformer en cortège princier avec de nombreux samouraïs. Lorsque, le jour suivant, le renard veut à son tour se transformer en cortège princier, il ruse en utilisant un vrai cortège ! Le blaireau est alors blessé par un vrai samouraï lorsqu’il affirme avoir vu une queue de renard. Choqué par cette traîtrise, le blaireau rentre dans son île et en chasse tous les renards.
Dans Le renard reconnaissant, un vieux couple vit très pauvrement du bois que ramasse et vend le vieil homme. Lorsqu’il arrive enfin à mettre quelques pièces dans sa poche, il doit les donner à un groupe d’enfants pour qu’ils cessent de martyriser un pauvre renard. Le renard guéri vient remercier le vieil homme et propose de se transformer en bouilloire ancienne que le vieillard va vendre à un moine collectionneur. Mais quand le feu lèche la bouilloire, le renard s’enfuit et il faut rendre l’argent. Le renard se transforme alors en cheval, mais une fois acheté par un marchand, il se retrouve bien incapable de porter une lourde charge, nouvel échec. Le renard a alors l’idée de se transformer en belle jeune fille, qui chante et danse pour les passants et rapporte enfin une belle somme d’argents au vieux couple. Celui-ci coule alors des jours heureux, et le renard se retire dans son terrier, tout en rendant régulièrement des visites à ses amis.
Dans L’ingratitude, Morosouké, jeune homme sans famille et sans argent, qui vient de finir ses études de médecine, se retrouve dérivant sur une épaisse porte en bois dans une rivière en crue. Il sauve un tonnelier de la noyade, puis un renard et un serpent. Il devient quelques mois plus tard un médecin compétent, et sa fortune augmente grâce à son excellent travail. Le tonnelier le jalouse et l’accuse de sorcellerie auprès du gouverneur. Celui-ci le fait donc mettre en prison. Le renard et le serpent ont vent de sa mésaventure et décident d’aller l’aider. Le serpent mord le gouverneur, et le renard transformé en prédicateur explique au gouverneur que seul le médecin qu’il a emprisonné peut le sauver. Le gouverneur libère alors le médecin, et le tonnelier se retrouve en prison.
Grâce à ce recueil, vous pourrez également découvrir des contes de Sibérie, de Chine, de France ou d’Amérique.
Plus d’informations sur le site de l’éditeur.
Un renard chapardeur et une petite fille renarde pour les enfants !
Jiroro est un adorable renardeau à salopette rouge, mais il a un très vilain défaut : dès que quelque chose lui plaît, il le chaparde. Objets, nourriture, rien ne lui échappe, sauf la lune (il a bien essayé de la prendre, mais il s’est juste cassé la queue ! ). Un jour, il prend les bottes magiques d’un crapaud, et le voilà en train de cavaler plus vite que le vent. Il en profite pour ramasser tous les objets qui l’intéressent, jusqu’à ce qu’il tombe nez à nez avec un énorme dragon qui a une rage de dent … devinez la suite !
Rien Ono raconte avec humour et tendresse cette histoire qui va à cent à l’heure et Mako Taruishi dessine un renardeau attachant et facétieux dans lequel les enfants se reconnaîtront.
Plus d’informations sur le site de l’éditeur.
Dans le merveilleux recueil Le pays de la nuit et autres instants magiques, la petite Sachiko (cinq ans) est une renarde pour le spectacle de l’école. Elle marche à quatre pattes dans la rue et comprend les animaux qui parlent. Après un passage dans un tunnel d’arbres à la poursuite de bébés tanuki (qui rappellera à beaucoup la petite Mei dans Mon voisin Totoro), Sachiko tombe sur la famille tanuki. Ils sont impressionnés par la sagesse de cette doyenne renarde (en effet, elle leur dit qu’elle a cinq ans, et elle sait quand ils pourront manger car elle sait que le jour de ramassage des ordures vient de changer). Elle les invite alors à participer au spectacle de son école, car il y aura beaucoup de gâteaux … C’est une des histoires de ce riche recueil où les enfants sont au cœur d’aventures merveilleuses découlant simplement de petits moments du quotidien magnifiés par leur imagination débordante. De forêts magiques en animaux qui parlent, la magie et la poésie sont partout, jusque dans les dessins des yeux d’enfants, qui brillent autant que les étoiles du ciel.
Plus d’informations sur le site de l’éditeur.
Dans les mangas, le renard prend diverses formes selon sa place dans le folklore : serviable, joueur… ou carrément démoniaque.
Certains renards sont plus célèbres que d’autres, même au sein de l’univers des mangas, et ô combien vaste soit-il ! Mais certains marquent un peu plus les esprits. Voici une liste non exhaustive, mais non moins intrigante et surprenante.
Des renards protecteurs, maladroits et en apprentissage !
Si vous suivez le célèbre studio des CLAMP (voir notre article : CLAMP : des mondes à découvrir et des vœux à exaucer) vous devez vous rappeler d’un personnage, précisément – mais si voyons ! – un petit renard attendrissant, adorable, mignon mais aussi très possessif.
Il s’agit bien sûr de Mugetsu, le fameux renard en tube présent dans xxxHOLIC. Ce dernier est offert en guise de compensation d’un vœu par la petite fée des pluies Ame-Warashi. Il se retrouvera très vite à suivre partout le héros, Watanuki, devenant très envahissant, tout en le protégeant, car sous ses dehors de démon-renard inoffensif se cache en réalité un redoutable guerrier prêt à tout pour protéger la personne qu’il chérit. Autant dire que le renard apparaît ici comme un allié des plus précieux qu’il ne vaut mieux pas mettre en colère, se transformant ainsi en un renard aux queues diverses et à la puissance colossale.
Plus d’informations sur la série sur le site de Pika Edition.
Autre manga des plus connus à proposer sa propre version du renard, plutôt proche de la religion et donc d’un aspect spirituel : dans Blue Exorcist où évoluent les fameux renards de Izumo Kamiki. Cette jeune exorciste, qui souhaite devenir un dompteur d’exception, fait montre d’une véritable arrogance en faisant appel à ses deux Byakko (esprit renard) : Uke et Mike, associés à la déesse Inari, car l’animal est d’ailleurs le symbole de son culte. Ces derniers, non sans montrer un mauvais caractère et une mauvaise foi à toute épreuve, sont forcés de l’aider dans son apprentissage et de la protéger, également, car ils ont besoin d’elle. La relation n’est plus cette fois d’égal à égal, mais celle de plusieurs esprits qui s’entrechoquent.
Uke et Mike refusent par exemple, de manière versatile, de ne pas l’aider lorsqu’elle fait appel à eux. Mais les liens se tissent et, bien malgré eux, ils se surprennent petit à petit à s’attacher et à prendre soin d’elle, au fur et à mesure que la jeune fille, elle-même, s’ouvre aux autres.
Toutes les infos sur Blue Exorcist sur le site de Kazé Manga.
Pour finir ce tour d’horizon des renards plus protecteurs que malicieux, citons Shippo tiré directement d’Inu Yasha : voilà un jeune yokai des plus maladroits, qui possède un bon fond et une gentillesse à toute épreuve ! Il est le premier à rejoindre la fine équipe que forment Kagome et Inu Yasha dans leur périple. Orphelin, il les suit dans leurs aventures en n’hésitant pas à faire appel à ses pouvoirs d’illusion et de transformation… du moins, quand cela fonctionne, car de maladresse il est rempli ! Mais avec son caractère franc, enfantin, et attendrissant, Shippo est un allié précieux pour nos deux héros. Il n’hésite d’ailleurs pas à entrer dans la bataille, même s’il est encore en plein apprentissage de ses propres capacités et de leur maîtrise…
Un petit yokai à suivre avec assiduité qui fait montre d’un vrai courage !
Pour en savoir plus sur Inu Yasha, direction le site des éditions Kana.
Le cas de kyubi, entre colère, solitude et soumission…
Dans toute culture il y en aura toujours pour voir comme une menace les farceurs et les impétueux, les libres et ceux qui n’en font qu’à leur tête. Il n’est donc pas étonnant de voir parfois le renard comme un être beaucoup plus maléfique que ses congénères. Ce renard se démarque des autres par un attribut facilement identifiable : ses neufs queues. Le plus amusant est de voir d’ailleurs qu’il n’est pas né au Japon mais nous vient d’Inde au départ. À une époque reculé il a alors traversé le Tibet et atteint la Chine, pour prendre l’apparence de femmes pernicieuses qui ont entraîné la chute des derniers empereurs de la dynastie Qin. Puis, au VIIIe siècle, un lettré japonais du nom de Kibi Daijin, de retour d’une mission culturelle sur le continent, ramène à son insu une de ces sorcières au Japon. En l’an 758, celui qu’on appelle kyūbi no kitsune ou plus couramment Kyubi arrive donc au Japon, entraînant ensuite une période de troubles politiques.
Depuis, Kyubi fait donc partie intégrante de la culture japonaise, et représente en quelque sorte le coté obscur du renard. Rien d’étonnant, donc, à ce qu’il finisse sous scellé. Mais, une fois enfermé, il évolue de différentes façons. Tout le monde a forcément en tête le célèbre Kyubi de Naruto, aux éditions Kana, qui a tué les parents du héros et qu’on a du sceller dans son corps. Il est d’abord une sorte de colère à l’état pur, une furie même, qu’il convient de ne surtout pas relâcher sous peine de fin du monde. Très habilement Masashi KISHIMOTO dresse un parallèle entre l’incapacité du héros adolescent à canaliser sa fougue, Kyubi faisant en quelque sorte office de rébellion adolescente face à un monde qui le voit comme quelqu’un de différent, de dangereux.
En grandissant et en évoluant, les sceaux sauteront, crevant un abcès ravageur, mais la colère fera place à la domination de soi, puis au dialogue intérieur entre le héros et le renard. Il est dit dans une célèbre aventure cinématographique qu’on ne revient pas du côté obscur mais, comme d’habitude dans la culture japonaise, la vision du mal n’est pas si manichéenne et même un démon légendaire comme Kyubi a une âme qui peut être écoutée pour le bien de tous.
Dans le manga Secret Service, aux éditions Kurokawa, le cas de Kyubi est pris de manière très différente mais tout aussi intéressante. Kyubi est soumis et il aime ça, c’est même l’un des ressorts comiques les plus utilisés dans ce shôjo fantastique de la regrettée Cocoa FUJIWARA. La réincarnation de notre renard est ici un agent du nom de Sôshi, chargé de la protection de l’héroïne, une jeune fille mi-humaine mi-démon du nom de Ririchiyo… Et il prend son rôle on ne peut plus au sérieux : plus que sa sécurité il recherche son bonheur à chaque instant de la journée, quitte à ramper par terre et souffrir mille morts pour qu’elle passe une journée agréable.
La mangaka joue, avec ce personnage et d’autres, sur le registre du sado-masochisme en le mettant au service de la comédie mais, évidemment, il y a bien plus qui se cache derrière la servilité de Sôshi. Notre agent a toujours vécu coupé du monde, vu comme un être maudit une fois de plus, et c’est une fois de plus son extrême solitude qui est mise en avant. Là où bien et mal ont longtemps co-existé dans Naruto, avec la question de la frontière entre les deux, Kyubi est ici une victime mal-traitée par son entourage, devant porter le fardeau de sa propre légende. FUJIWARA ne lui épargnera rien tout au long de son œuvre, surtout dans sa relation amoureuse des plus complexes avec Ririchiyo, démontrant qu’une malédiction peut prendre de nombreux aspects. Une quête du droit au bonheur pour cet être historiquement décrié qui s’avère des plus poignantes.
Dans la mythologie du renard, Kyubi tient donc une place vraiment à part, de part la question de sa soumission aussi bien que part la solitude qu’on lui a imposé à travers les siècles. Une solitude mais une recherche du contact avec les humains à l’image du renard classique, qui remplace colère et violence par farce et malice… Ce n’est donc pas pour rien que ce duo attachant, drôle et complexe reste une source d’inspiration inépuisable pour les auteurs de romans comme de mangas !
1 réponse
[…] Après le renard, Journal du Japon vous invite à découvrir un autre animal phare du Japon : la salamandre. Grande de quelques centimètres, elle grouille partout dans les forêts humides d’Okinawa, grande de plus d’un mètre, elle est le spécimen le plus grand de cette espèce dans les rivières montagneuses (des environs de Kyoto, où vous pourrez plus facilement l’observer à l’aquarium de la ville). Elle fait l’objet de nombreux récits dans la littérature mais aussi dans les mangas. […]