Chroniques hentai : des œuvres culturelles pas comme les autres (contenu adulte)
Aujourd’hui, Journal du Japon ouvre une nouvelle rubrique et s’intéresse au marché très peu représenté des mangas hentai. Chacun de ces articles sera l’occasion de développer un sujet ayant attrait à la sexualité nippone, ainsi que quelques chroniques d’œuvres hentai publiées en France. Pour ce premier numéro nous commençons, logiquement, par l’émergence des mangas pornographiques et de leur origines.
Attention cependant, ce sujet sera abordé comme un autre, avec sérieux et sans pudeur. Aussi, les couvertures des mangas chroniqués et visuels sont majoritairement non-censurés, et peuvent ne pas convenir à un public mineur.
Shunga d’hier, hentai d’aujourd’hui
Le marché du manga a la particularité de connaitre plusieurs univers touchant une multitude de public. Parmi tous ces genres, il en existe un que beaucoup connaissent simplement de nom : le Hentai.
S’ils sont quasiment absents chez nous en terme de publicité ou de chroniques de part leur contenu, des mangas pornographiques ont toujours été proposés en France par quelques éditeurs, tandis que le marché japonais est incommensurablement plus fourni dans ce rayon.
Les mœurs n’étant pas les mêmes entre le pays du vin et celui du saké, le secteur japonais du sexe a pu facilement s’étendre sur tout type de média. Les mangas et animes bien évidement, mais également les Visual Novel avec les fameux Eroge (erotic game), et les jeux vidéo avec les nombreuses possibilités qu’offrent les technologies récentes.
Si ce phénomène peut sembler contemporain, il faut néanmoins, au même titre que le manga, regarder plusieurs centaines d’années en arrière pour en voir l’origine.
Tout commence avec l’ukiyo-e, un mouvement artistique japonais apparu durant l’ère Edo (1603-1868) incluant des peintures ainsi que des estampes. Parmi les thèmes développés dans l’ukiyo-e apparaissent rapidement des œuvres orientées sur l’érotisme et l’acte sexuel à proprement parler : les shunga. Coït apparent, sexes hypertrophiés et poils pubiens sont illustrés par une majorité d’artistes de l’époque, parmi les plus réputés d’entre eux, comme Hokusai.
La grande diversité de shunga a permis de donner accès à cette forme d’art au commun des mortels : au-delà des estampes élaborées, réservées à l’aristocratie, le simple citadin pouvait s’offrir sa petite illustration coquine sous forme de feuillet ou de livre à l’impression rudimentaire.
L’époque moderne n’a donc pas tant changé ce pan de la culture. Société de consommation oblige, des fétichismes sont apparus, développant l’éventail des possibilités, et la surproduction a conduit des auteurs à se démarquer en proposant des œuvres toujours plus extrêmes et underground. Mais pour la grande majorité des productions, ces représentations graphiques existaient depuis l’ère Edo et ne sont donc qu’une simple continuité de ce mouvement, remise au goût du jour, comme le montre le visuel comparatif ci-dessus.
Chroniques sous X
Il serait donc dommage de bouder tout un pan de l’industrie du manga par pudeur ou en raison de préjugés. Nous vous proposons donc une sélection de mangas hentai se démarquant du lot parmi les publications françaises. Comme les goûts en matière de sexualité sont très hétéroclites et que certaines pratiques peuvent paraître dérangeantes pour certains et banales pour d’autres, les critiques que nous vous présenterons ne jugeront pas les « pratiques » et « fétichisme », et seront simplement classées selon un barème allant de « soft » à « hardcore », vous permettant de jauger la teneur de l’œuvre et si elle correspond à votre sensibilité.
Double Tentation de Seishin IZAYOI (dessin) et Masato YAMAZAKI (scénario)
Taifu comics – collection Hentai Sans Interdit
Contenu : Middle
Attention, il y a du lourd ! Que ce soit pour les poitrines surdimensionnées ou le format du livre (18.5 x 25.5cm pour 800g), voici un ouvrage de compétition au format artbook.
L’ensemble du livre de cette superbe édition est en papier glacé et quelques 50 pages couleurs parsèmeront votre lecture. Pourquoi donc proposer une telle qualité d’impression ? Tout simplement pour rendre honneur au trait de l’auteur. Car si les dessins sont déjà superbes sur les parties en noir et blanc, c’est lors des illustrations couleurs que Seishin IZAYOI montre tout son génie : la gestion de la lumière, les visages et les expressions y sont magnifiés.
Ce tome est un recueil d’histoires, au nombre de quatre et de longueurs inégales. La première (clairement la meilleure) occupe la moitié du livre en s’étalant sur neuf chapitres, et narre les liaisons d’un jeune universitaire avec ses nouvelles belle-mère et belle-sœur. Les situations n’étant que prétexte pour les ébats, l’auteur opte pour une forme d’anonymat du héros afin de permettre de rentrer dans le personnage. Cela se traduit donc par une sorte de flou constant, son visage est rarement dessiné de manière réaliste, sa frange vient souvent masquer ses yeux, et ses émotions sont plus souvent traduites de manière simpliste, façon émoticône. Ce procédé, souvent utilisé dans le hentai, permet l’identification du lecteur par un faciès interchangeable, plutôt que par la description d’un univers proche du réel.
La seconde plus longue histoire, Le sacrifice d’une mère, propose une ambiance un peu moins légère. Ici le personnage masculin a un caractère bien défini, celui d’un manipulateur, et tourmente une mère de famille réservée jusque dans des soirées orgiaques. Ces trois chapitres jouent donc plutôt sur la gène de la femme et le côté « pureté froissée » qui en découle.
Love Gome de Pon TAKAHANADA
Soleil manga – collection Eros
Contenu : Soft
Ce one shot propose une histoire complète où nous ferons la connaissance de Kosuke et Aika et de leur histoire d’amour naissante. Aika se révèle très attachante, et si elle peut paraître peu farouche durant les premières pages, c’est un personnage bien plus travaillé qu’il n’y parait que nous découvrons. Même si Kosuke est un peu plus lambda, n’avoir qu’un seul protagoniste masculin a le mérite de mieux le développer, et évite de tomber dans les écueils des personnages secondaires à l’emporte-pièce.
TAKAHANADA nous livre un couple avec un passif et dont l’histoire provoque l’implication du lecteur. Nous sommes sur une œuvre de type Vanilla, c’est-à-dire qu’il n’y aura pas de pratiques extrêmes et que les situations resteront dans des normes réalistes.
Concernant la censure, elle se fait sous forme de gommage des sexes. Cela a le mérite de rester discret, contrairement aux grosses bandes noires d’usage au Japon. Si Love Gome est agréable à suivre, il pèche cependant par un dessin parfois maladroit et des ébats simplement survolés par moment. Des pointes d’humour bienvenues viennent toutefois compléter un tableau plutôt positif.
Voici donc une petite histoire d’amour sympathique, à conseiller pour une première lecture hentai !
Power Play de YAMATOGAWA
Taifu comics – collection Hentai Sans Interdit
Contenu : Advenced + tentacle
Nous vous avions déjà présenté YAMATOGAWA dans une interview réalisée à Japan Touch en 2014. Ce mangaka fût le fer de lance de Taifu lors du démarrage de leur collection Hentai Sans Interdit et tous ses ouvrages ont été publiés en l’espace d’un an. Chronologiquement, Power Play est la publication la plus récente de YAMATOGAWA et certainement sa plus maitrisée, mais ses premières œuvres n’ont pas à rougir du comparatif, et nous aurons l’occasion de revenir dessus pour de prochaines chroniques.
Power Play est un one shot jouant avec les clichés des jeux vidéo. Si les connaisseurs en matière de RPG relèveront de multiples clins d’œil, le novice n’en sera pas desservi pour autant et profitera du graphisme très agréable du mangaka. Ce dernier s’emploie à donner des angles dynamiques à ses scènes érotiques, faisant preuve d’une véritable recherche technique pour placer la « caméra » autour des personnages.
Sadaharu, le héros proposé dans ce one shot, reprend l’archétype du garçon maladroit, impopulaire et puceau popularisé en France par Keitaro Urashima (Love Hina). Ce héros looser est une volonté de l’auteur qu’il explique ainsi : « parfois on a envie d’être quelqu’un d’autre, d’être fantastique, mais je ne veux pas que mon lecteur soit amené à se dire : « ce héros, ce n’est pas moi, je ne me reconnais pas dedans ».»
Voilà pour ce premier billet sur les mangas hentai qui aura pour vocation de revenir périodiquement. En attendant, suivez les actualités des deux principaux éditeurs en la matière, à savoir Taifu Comics et Soleil manga sur leur site respectif.
À noter que la collection 100% Hentai Sans Interdit des éditions Taifu reviendra sur le devant de la scène au printemps 2016 !
Je valide la qualité de Double Tentation. L’histoire est sympa et les dessins sont vraiment agréable.
Concernant les oeuvres de Gunma KISARAGI évoqué en début d’article, je vous recommence notamment Giri Sisters et Mai’s Favorite. Je trouve les trais de cette auteur très épuré et de fait vraiment agréable à l’oeil.
Si vous êtes adepte de pratique type « soumission », « relation maître-esclave » je vous recommande Hoshi no Goshujin-sama de Tsukino Jyogi où les scènes et le « plaisir » est très bien retranscris, on s’y croirait.
Gunma KISARAGI est un très très bon auteur de hentai, il est dommage de ne pas le voir publié en France, pour l’instant en tous cas.
Je vois qu’il est connu par nombre d’entre vous alors que je ne l’ai pas mis en avant dans cet article. Qui sait, peut être que cette notoriété tapera dans l’œil d’un éditeur 🙂
Hoshi no Goshujin-sama est pas mal du tout, l’humour permet de parler facilement de ce type de relation.
le problème de KISARAGI est que la plupart de ses oeuvres sont publiés par Wani, qui est un éditeur totalement absent de France à part pour quelques vieux titres (Urotsukidoji). Et quelques titres non-hentai (Danzaisha, ROBOT). à ce jour l’éditeur refuse la license de livres de son catalogue en France (lu dans un message de taifu sur « taifu et vous »). Seul le très jeune éditeur américain FAKKU a réussi à obtenir des licenses de Wani avec qui ils sont en partenariat.
Il y a un livre de Gunma dont la licence peut être obtenue par Taifu: Love Selection, qui lui est sortit chez Megastore Comics (qui a eu une publication américaine, mais trop limitée, comme Portrait de Femme Soumises de Seishin Izayoi en France.)
Pour les travaux récents de Gunma, il nous faudra donc voir du coté des ex-pirates de FAKKU (qui font quand même pas de la merde et fournissent des livres identiques à leur version japonaise*, ce qui est impressionnant quand l’on compare avec leurs concurrents, qui, eux, ont dû commencer à changer leurs politiques et leur qualité de produit).
(*): exception de la première version de Renai Sample (par Homonculus), leur premier livre, qui a été publié dans un état un peu prototype.
Je vais sur un site qui sort régulièrement les séries soit en Anglais soit en français (mais ses dernières bien plus rares)! C’est comme ça que j’ai découvert ses auteurs, et aujourd’hui je peux dire que j’ai un gros disque dur consacré à ses oeuvres!! Quand elles arrivent en France j’essaie d’en acheter, mais je dois avouer que la traduction française n’est pas toujours impeccable, même si les éditeurs font des efforts sur la présentation! Je les lis beaucoup en Anglais, car ils sont assez fidèles aux traductions Nippones! Après ce n’est que mon avis, mais je vous encourage à aller voir sur internet!
Très bonne idée d’ouvrir une série d’article sur le « hentaï » !
C’est un sujet sur lequel il est très difficile de trouver de l’information à cause des barrières habituelles (le Japon c’est loin et le japonais se lit mal pour nous autres occidentaux ) et des « barrières pornographiques » (on en parle pas aussi librement que le reste, et sur le net, on est inondé de contenus qui bruitent la cherche d’info).
Présenter la publication française et l’histoire lointaine du manga pornographique est un début. J’espère un jour vous lire sur des articles portant sur les contenus non publiés en France (en gros 99% de la production ; dont l’excellent KISARAGI cité par Lukasas que je plussoie totalement) et sur le marché japonais ; sur une histoire plus spécifique du « hentai » (évolution de la censure par ex.) ; et surtout, sur des articles d’analyses (disons-le, c’est ce dont le publique occidental a le plus besoin ! ).
Donc merci ! et bonne continuation 😉
Bonjour Kattochan,
Paul OZOUF, rédacteur en chef. Tout d’abord un grand merci pour ce commentaire, parce que c’est vrai que nous nous sommes pas mal demandés si nous n’allions pas nous retrouver étiquetés avec des préjugés du style « media qui parle de cul avec des articles faciles et racoleurs », et c’est aussi pour ça que notre rédacteur a choisi de creuser davantage la thématique, pour y apporter de la valeur ajoutée. Tout cela à travers un article par trimestre, et peut-être un ou deux articles en plus vraiment dédié à la sexualité au Japon mais de manière sociologique / sociétal. Il y a un fossé tellement immense sur ce sujet entre nos deux cultures qu’il y a plein de choses à expliquer et à contextualiser, donc avoir un peu de soutien et beaucoup de retours positifs sur ce premier papier fait bien plaisir, notre démarche semble comprise !
Merci et à bientôt pour un prochain numéro 😉
Un article ma foi fort sympa.
Je ne peut que confirmer les recommandations pour Double Tentation et Power Play, qui figurent parmi mes livres préférés de la collection de Taifu.
Je pense que pour les recommandations, les titres tels que Velvet Kiss et Love on the Job seront un passage obligé, ils sont particulièrement bon.
Tiens, quand à l’extrait de Kisaragi Gunma, il faut savoir que le livre dont l’extrait est issu, « Welcome to Tokoharu Appartment » a eu une sortie anglaise de très bonne qualité en début 2015.
Ravi que l’article vous plaise 🙂
Décidément vous êtes nombreux à avoir reconnu KISARAGI, j’aurai certainement l’occasion de parler un peu de lui dans un prochain numéro.
En effet les américains sont pour l’instant mieux fournis que nous en terme de hentai.
Moi aussi je trouve que le studio Gumma Kisaragi est un des maitre dans le domaine! Mais il ne faut pas oublié qu’il fait surtout des histoires, et peu de parodies! Hors, quand on regarde ce genre , il y en a beaucoup qui font justes des fanzines ou des parodies de séries célèbres! Il se peut même que ses derniers popularisent des héroïnes ou des séries que le public ne connait que très peu! C’est souvent le cas par exemple pour les jeux de rôles ou de cartes! le meilleur exemple est Kentai collection, qui est à la base un jeu de cartes si je dis pas bêtises et qui s’est vu « parodier »en doujinshis, et vu le succès en série d’animation ensuite! Mais ne citer que Kisaragi est un peu réducteur, quand on s’intéresse un peu au marché, on se rend compte que de nombreux auteurs ont un style vraiment superbe! je pense à Napata, Distance, Nanae Mizuho qui sont aussi de vrais artistes! Mais si je devais en citer (et j’en ai encore au moins une quinzaine de connus), ce commentaire deviendrait un pavé! En tout cas, j’encourage les amateurs de manga à s’intéresser non pas juste pour le côté sexe de ce genre, mais pour découvrir de vrais artistes avec un style propre mais très agréable pour les yeux! Il est d’ailleurs très courant que de nombreux artistes de hantaï ont été ensuite des créateurs de séries de talents!