« The Virgin Psychics » : La débandade de Sion SONO
Après la découverte de Love & Peace et de Tag lors de L’Étrange Festival, Journal du Japon se penche aujourd’hui sur The Virgin Psychics, quatrième film de Sion SONO à avoir investi les salles obscures japonaises cette année et présenté en France à l’occasion de la 5e édition du Paris International Fantastic Film Festival.
Après nous avoir émerveillé en 2015 avec le très personnel Love & Peace et Tag, film de commande transcendé jusqu’à devenir un chef-d’œuvre, Sion SONO revient en terrain connu en s’attaquant une nouvelle fois à l’adaptation du manga Minna! Esper Dayo! de Kiminori WAKASUGI.
Synopsis : Dans une petite ville de la campagne japonaise, plusieurs habitants se réveillent un beau matin avec d’étranges pouvoirs : télékinésie, téléportation, télépathie… Alors qu’il décide d’utiliser ses pouvoirs pour sauver le monde, le lycéen Yoshiro se heurte à d’autres espers, aux intentions moins charitables.
Proposée pour la première fois en série en 2013, le projet est certes dans un premier temps porté par Sion SONO et restera attaché à son nom. Cependant, cette série est en réalité le produit d’une foule de scénaristes et de producteurs gravitant autour du projet. Au programme : humour en dessous de la ceinture, petites culottes et super-pouvoirs. SONO ne semblant pas trouver son compte dans la série, celle-ci ressemble finalement davantage à un sabordage en bonne et due forme qu’à un travail abouti. Vulgaire, bâclée et particulièrement affligeante, la série ne laissera pas un souvenir impérissable dans la filmographie du réalisateur.
Après un épisode spécial et un film dérivé sorti directement en DVD, les Espers envahissent les écrans larges sous l’égide d’un Sion SONO seul maître à bord. La quasi-totalité du casting initial répond présent, à l’exception remarquée de Kaho, remplacée au pied levé par la mannequin Elaiza IKEDA dans le rôle du personnage clef de Miyuki. Après le fiasco de la série, l’idée d’une adaptation de Minna! Esper Dayo! 100% SONO est alléchante. Et même si l’on sait que le film sera l’archétype même du long-métrage durant lequel on peut tranquillement poser son cerveau sur le siège d’à-côté, il ne fait nul doute que SONO saura y insuffler l’énergie et la poésie qui font la force de son cinéma.
Avec une ouverture jouissive (dans tous les sens du terme) sur fond de Boléro de RAVEL, ce qui nous rappelle forcément la longue introduction des personnages dans le chef-d’œuvre Love Exposure, Sion SONO ouvre les hostilités avec un montage audacieux qui nous replonge très rapidement dans l’histoire et dans l’univers fort en lingerie de Minna! Esper Dayo!. On retrouve donc tout le programme que nous avait laissé la série : jolies pépées, humour en dessous de la ceinture, petites culottes et push-up bras.
La première partie du film est en réalité un résumé expédié des événements de la série, ce qui laisse penser que c’est ailleurs que SONO veut nous emmener, s’éloignant toujours un peu plus de l’idée d’une adaptation fidèle du manga. Une fois le décor posé, c’est effectivement dans une toute nouvelle histoire que Sion SONO nous entraîne. Comme dans la série, le jeune Yoshiro (interprété par Shōta SOMETANI) et sa bande se retrouvent confrontés à d’autres espers mal intentionnés. Ici, une jeune femme à la tenue légère et à la poitrine généreuse décide d’érotiser toute la population afin de lever une armée de femmes à la libido survoltée et régner ainsi sur la ville.
Une fois ce postulat posé, le film déroule son intrigue-prétexte pour envoyer un catalogue de gags et de femmes en petites tenues à la volée. Un coup de vent qui soulève une jupe laissant apparaître les dessous de sa propriétaire, une jeune femme à la poitrine avantageuse dans une situation cocasse… Si cet humour porte effectivement à sourire bêtement au début du long-métrage, il devient à la longue de plus en plus insupportable, jusqu’à en dégoûter le spectateur des attributs de la gente féminine. Cette impression de voir la même blague en boucle pendant deux heures trace clairement la limite entre «film décomplexé» et «foutage de gueule».
Le film assume son côté volontairement décalé avec un montage haché et brut et une utilisation outrancière d’effets vidéos kitschs. Mais contrairement à d’autres films où SONO s’en donne à cœur joie sans se soucier des conventions, à l’instar de Tokyo Tribe ou de Love & Peace, rien n’est justifié dans The Virgin Psychics. L’effet de surprise passé, tout ces effets ne semblent être que de la poudre aux yeux pour cacher la faiblesse évidente du film. On retrouve même incrustés dans le film un certain nombre de spots TV et de publicités auto-référencées. Si le procédé fait rire, il en dit également long sur la qualité scénaristique du long-métrage.
The Virgin Psychics n’est pas dénué de bonnes idées et certaines pourraient marquer si elles n’étaient pas embourbées dans un contexte aussi lourd. De jolis moments nous rappellent que c’est bien Sion SONO qui est à la barre, mais ceux-ci sont tellement peu exploités au milieu du catalogue de gags grand-guignols livrés à la pelle à travers le film que cela ne prend jamais. On sent l’excellence derrière la pitrerie, mais on éprouve surtout un énorme sentiment de gâchis, une désagréable impression de voir un Love Exposure du pauvre tant l’humour et la motivation du héros sont similaires ; mais The Virgin Psychics est à des lieues de réaliser l’exploit d’avoir l’ambition et la poésie du chef-d’œuvre de Sion SONO.
La quasi-totalité du casting initial étant de retour pour le film, c’est avec plaisir que l’on retrouve la famille SONO une fois de plus réunie, du rôle principal au best boy du film : Shōta SOMETANI, Erina MANO, Makita Sports, Motoki FUKAMI, Megumi KAGURAZAKA, muse et épouse du réalisateur, qui pour une fois n’est pas cantonnée à un rôle de paire de seins ambulante, et Ami TOMITE, de retour après son incroyable performance dans Tag… Pour compléter le casting comme il se doit, on retrouve pléthore d’actrices d’Adult Video et d’idols déchues aux qualités de comédiennes proportionnellement inverses à leur tour de poitrine. Effectivement ; sans ça, ce ne serait pas vraiment Minna! Esper Dayo!…
Une véritable déception en ce qu’il y avait beaucoup à attendre de ce film : l’histoire reprise de fond en comble avec Sion SONO pour seul capitaine pour un résultat qui aurait pu être proche du chef-d’œuvre Love Exposure. On se retrouve finalement avec une comédie grasse, bouffonne et au second degré tellement succin que toute cette grivoiserie semble venir du fond du cœur, ce qui en devient presque gênant pour le spectateur.
Après ces multiples essais manqués d’adaptation du manga de Kiminori WAKASUGI, il ne nous reste plus qu’à espérer que ce triste épisode est désormais bel et bien derrière nous. S’il n’avait pas réalisé les sublimes Love & Peace et Tag plus tôt dans l’année ainsi que le très prometteur The Whispering Star, on aurait toutes les raisons du monde de s’inquiéter pour la carrière de Sion SONO.
Merci pour cette critique !
Je n’ai pas encore vu le cru 2015 de Sion Sono, que j’apprécie énormément, mais c’est dommage de finir l’année sur un plantage… Bon, du coup j’attends Tag et Love & Peace avec impatience !
À vrai dire, Sion SONO ne termine pas vraiment l’année sur un plantage puisqu’est sorti dans la foulée le sublime « The Whispering Star », film de science-fiction expérimental très intimiste tourné dans la zone dévastée de Fukushima. Mais il est vrai qu’après les petites merveilles que sont « Love & Peace » et « Tag », le coup est dur…