Manga : c’est la guerre des chroniques !
Oyez Oyez braves lecteurs, l’instant est grave : il est temps d’enfiler votre armure, d’aiguiser votre sabre, de préparer votre cheval ou votre navire de guerre ! Toute l’équipe de Journal du Japon est en tout cas prête à en découdre : chacun de nos rédacteurs a affûté ses arguments pour répondre à cette épineuse question : quel est le meilleur manga de guerre paru à ce jour sur le sol français ?
Qu’il soit inspiré de faits historiques, qu’il y soit fidèle ou non, ou bien qu’il tienne plus de la légende épique, six rédacteurs ont décidé de défendre son récit avec toute sa verve. Ils trépignent de se jeter dans la mêlée… Pour un papier non exhaustif, évidemment, mais plein de passion !
Les colonnes du site ne pourront plus les retenir bien longtemps, il est temps, désormais : les voici qui pénètrent dans l’arène !!!
Hoshin : la victoire des cerveaux !
Olivier : Parce que la guéguerre ce n’est pas que des colosses bodybuildés qui crient HAOU HAOU en slip, mais également une affaire de cervelle et de relations : voici Hoshin de Ryu FUJISAKI publié de 1996 à 2001, qui compte 23 tomes tous parus en France chez Glénat.
L’investiture des dieux (Fengshen-yanyi en chinois), de son nom complet, compte parmi les grands récits de la littérature chinoise avec Le rêve dans le pavillon rouge, Le voyage en occident, Les 3 royaumes et Au bord de l’eau (Suikoden).
L’histoire prend place sous la dynastie Yin, dont l’actuel empereur a succombé au charme de la démone Daji. Mais les immortels de Kunlun, exaspérés par cette situation, décident d’en finir une bonne fois pour toutes et chargent Taigong-Wang, le plus jeune d’entre eux, d’une mission : emprisonner 365 démons pour mettre fin au chaos sur Terre. Notre héros, sous ses aspects de farceur et tire-au-flanc, cache un tacticien hors pair, tiraillé par des questions morales. Car son principal défaut est sa relative jeunesse (du haut de ses 70 ans) qui le force à vouloir sauver tout le monde et ce n’est qu’après bien des épreuves qu’il se rendra à l’évidence : il n’y a pas de victoire sans sacrifice…
Il ne sera cependant pas seul à porter ce fardeau, puisque ce n’est pas moins d’une cinquantaine de protagonistes qui viendront joncher ses aventures, où les ennemis d’aujourd’hui peuvent devenir les alliés de demain. Hoshin est avant tout un grand classique chinois, et comme souvent dans ces récits, une question de guerre. Mais attention ! Pas la guerre façon cinéma américain, centrée sur quelques individus au front. Les arts militaires en littérature chinoise prennent une vue d’ensemble, narrant des batailles aux tactiques avant-gardistes où les vrais héros sont les stratèges !
Vinland Saga : la guerre, cette histoire de destin !
Paul : Si j’entend bien qu’une guerre peut se mener à plusieurs, c’est avant tout le destin de ceux qui la traverse qui nous captive et nous emporte, plus que la simple partie d’échec qui se déroule le temps de quelques sanglantes journées. Ces destinées tragiques mais ô combien passionnantes, l’Histoire nous en a livré de nombreuses mais c’est sûrement celle de Thorfinn qui remporte la palme dans Vinland Saga, de Makoto Yukimura.
Ce viking de l’an 1 000, fils d’un guerrier redoutable qui avait déposé les armes, va découvrir la guerre sous tous ses aspects et à travers toute sa vie : après une jeunesse tranquille dans les pays nordiques, le jeune homme assiste impuissant au destin de son père qui va le rattraper de manière implacable, puis va rentrer dans une spirale infernale de la vengeance… Quoi de mieux pour expliquer ce qu’est au final une guerre si ce n’est un cycle éternel de mort et revanche.
Avec quatorze tomes actuellement publiés en France, le récit a continué de s’étoffer et le parcours de Thorfinn, un moment perdu et sans but, continue, charriant avec lui de nombreuses questions humanistes totalement passionnantes et qui poussent à la réflexion, comme l’esclavage et la vie des vaincus, les sacrifices de petites populations pour le bien du plus grand nombre, le plaisir du guerrier assoiffé sur les champs de bataille, qui jonche son parcours de cadavres… Le destin du héros s’accompagne de celui de grands hommes, véritables figures historiques, qui le façonnent et font de lui une figure héroïque d’une grande noblesse, symbole utopique mais plein d’espoir du peuple viking, alors au sommet de sa gloire, lors de sa conquête de l’Angleterre, au 11e siècle.
C’est donc le destin de ce guerrier face à l’Histoire, aux erreurs ou à la folie des hommes, qui nous conquiert totalement et qui fait de Vinland Saga l’un des meilleurs mangas sur la guerre actuellement publié en France, aux éditions Kurokawa.
Wolfsmund : sombres chroniques de guerre
Loÿs : Vinland Saga parle beaucoup de pacifisme, mais histoire et espoir ne riment que sur le papier : la vraie guerre, elle, ne laisse place qu’à la cruauté et au désespoir !
Petit premier du mangaka Mitsuhisa KUJI, Wolfsmund est un peu le Game of Throne de la fantaisie Médiéval.
Intolérable de cruauté, Wolfsmund représente pour moi le « meilleur » manga de guerre pour moult raisons. L’une des premières : le mangaka n’a rien laissé au hasard quant à son travail de recherche sur le contexte historique. On voit l’énorme réflexion pour choisir une période et un lieu lourd d’histoire pour y placer son manga.
Mais son scénario est également très bien ficelé, l’intrigue nous tient toujours en haleine et tout au long de chaque tome l’on se demande toujours : qui va tomber, qui sera le prochain à mourir d’une manière aussi horrible qu’inattendue ?
L’auteur nous présente tour à tour des personnages importants, mais impuissants face à l’effrayante tyrannie de l’abominable Wolfram… Des personnages se battant pour leur liberté et une juste cause, des personnages droits. Mais tous tués, un à un. Chaque fois que l’on s’attache à un personnage, que l’on croit en sa victoire et celle de ses compagnons, il se fait éliminer avec un machiavélisme et une cruauté terrible, ceux de l’infâme Wolfram. Ici aussi, autre pari réussi pour l’auteur : on ne se rappelle pas avoir autant détesté un personnage fictif (bon, à part Joffrey de GOT justement, lui tout le monde le déteste vraiment.) Outre la sauvagerie et la violence pure dont fait preuve Wolfram, c’est surtout la cruauté, la fourberie et les calculs abject dont il est capable qui fait de Wolfsmund un manga à part.
Mais ce qui fait surtout le succès de Wolfsmund, ce qui nous prend aussi bien aux tripes qu’au kokoro ce sont les nombreux rebondissements. Même le terrible Wolfram a des failles, et passé le 3e tome on se prend à espérer : la tension n’en est alors que plus palpable à la fin de chaque tome et l’auteur ne cesse de nous surprendre, encore et encore !
Fate/Zero : stratégie et magie
Charlène : Si je cerne bien Wolfram qui est un être fourbe et maître en manipulation, alors dans Fate/Zero c’est chaque personnage l’un après l’autre qui nous offre un tour à la fois cruel, et parfois en retenue du destin qui se joue sous nos yeux ! Une série guerrière n’est-elle pas : des combats épiques, un objectif précis, des jeux de pouvoir, des personnages badass et/ou charismatiques aux valeurs morales plus ou moins saines ? Eh bien Fate/Zero, c’est un condensé de tout ça réuni ! Dessiné par Shinjiro (Taboo Tatoo) et scénarisé par TYPE MOON, le célèbre studio de jeux vidéo, on se retrouve face à une série épique, à l’origine même de l’intrigue de Fate Stay Night !
Des esprits héroïques classes à souhait avec des servants chevaleresques (Saber, Lancer), pervers et sadique (Caster), fou (Berserker), à la force herculéenne (Rider), fourbes et condescendants (Archer et Assassin) qui s’entre-tuent dans une guerre ancestrale traversant les époques afin d’obtenir le calice suprême offrant le souhait divin ! Une guerre à la fois historique et moderne alliant des combats physiques, armés et magiques.
Fate/Zero c’est à la fois le combat des paroles et des actes : ceux des Mages contre ceux des servants. Pas une seconde de temps mort, pas un souffle anodin, on parcourt l’Histoire avec ces servants et on assiste à des duels saisissants. Un coup de crayon soigné achève de produire une série hors norme qui tient en haleine ! Chacun met sa pierre à l’édifice, et personne n’est à l’abri : la Mort rode et on en redemande. Les jeux de pouvoirs réalisés entre Maître sont saisissants, et les confrontations morales des différents Esprits sont particulièrement palpitantes quand on sait que chacun joue un jeu fatal dans lequel ils risquent tout, même leur propre vie. Fate/Zero c’est la quête du Graal à son paroxysme avec sa violence, sa haine et ses espoirs perdus.
Et quand on sait que la prochaine fournée de la prochaine guerre du Graal (Rin, la fille de l’un des Maîtres actuels, l’apparition prochaine de Emiya…) est déjà présente dans Fate/Zero, on se rend compte à quel point cette série est tordue à souhait et fantastique à bien des niveaux. Une quête complètement ensorcelante !
The Heroic Legend of Arslân : « Ainsi le jeune garçon devint roi. »
Marion : Là où Fate/Zero nous propose des combats en 1 contre 1 dans l’ombre des rues, Arslân, lui, déploie son intrigue à l’échelle des grands champs de bataille, avec des combats grandeur nature où le peuple prend son destin en main, galvanisé par de vrais héros !
The Heroic Legend of Arslân a fait beaucoup parler de lui cette année, notamment grâce à la version animée diffusée en simulcast sur Wakanim qui s’est terminée la saison dernière, mais aussi via le manga dont le premier tome est sorti en mai 2015. Mais Arslân, c’est d’abord et avant tout un light novel écrit par Yoshiki TANAKA. L’auteur débute cette histoire en 1986, elle est d’ailleurs toujours en cours et cumule aujourd’hui 14 tomes au Japon. Le récit a déjà fait l’objet d’une adaptation en manga en 1991 dessinée par Chisato NAKAMURA, et 6 OAV ont été diffusées la même année. Nous sommes au temps des remakes, donc.
Le Royaume de Parse a subit une méchante défaite contre son ennemi de toujours, l’Armée de Lusitanie. Parse a du mal à se remettre de ce bon coup de pied aux fesses, d’autant plus que son souverain Andragoras reste introuvable. Arslân, l’héritier du royaume qui a miraculeusement échappé aux troupes lusitaniennes, doit à présent reconquérir son trône.
Dans une ambiance entre Moyen-Âge et pays arabes, la troupe qui se forme autour du jeune prince réunit de fins stratèges qui sauront faire face aux différents pièges orchestrés par le camp adverse. Si on parle bien de guerre au sens propre ici, on n’oublie pas non plus le combat qui fait rage à l’intérieur du cerveau d’Arslân : être aussi impitoyable que son père l’était, ou être fidèle à ses convictions ? Entre alliances, trahisons, tactiques et stratégies, batailles endiablées et conquêtes de territoires, le chemin à parcourir est encore long.
Ça castagne de tous les côtés et ça tombe comme en 40 : si ce n’est pas de la guerre je veux bien manger ma hallebarde ! De plus cette nouvelle version en manga éditée chez Kurokawa est dessinée par Hiromu ARAKAWA (Fullmetal Alchemist, Silver Spoon) et ça, ça devrait clouer le bec à tout le monde !
Altaïr : Sauver son pays quel qu’en soit le prix
Audrey : Certes, Arslân s’en sort plutôt bien pour son jeune âge, surtout grâce à ses compagnons aussi aguerris qu’expérimentés, mais c’est là que je dégaine le héros de Altaïr, qui, seul contre tous, est capable de renverser les situations politiques les plus catastrophiques !
Dans le grand pays de la Türkiye, Mahmud est un jeune pacha, l’équivalent d’un général des armées. Alors que les tensions avec l’empire voisin du Baltrhain sont vives, un dignitaire est assassiné…
Entre diplomatie, coups d’état, alliances et trahisons, l’intrigue de Altaïr devient de plus en plus ambitieuse en développant au fur et à mesure des tomes une incroyable fresque géopolitique !
OVNI publié chez Glénat, Altaïr séduit immédiatement par ses dessins pleins de charme et d’originalité : Kotono KATO a vraiment un coup de crayon particulier et reconnaissable entre mille, surtout dans le chara-design de ses personnages ! L’ambiance orientalisée de la série, qui nous propulse dans un monde imaginaire mais réaliste, sert de cadre pour une guerre violente mais avant tout politique, qui va s’étendre sur plusieurs pays. Avec clarté et pédagogie, et à grands renforts de cartes et d’explications détaillées, la mangaka ne nous perd jamais dans la complexité des enjeux du scénario, qui s’avère de plus en plus captivant.
Entre les rebondissements cruels et sanglants et le suspense qui rythment le récit, on apprend aussi à apprécier le caractère très déterminé du héros, chef militaire sans pareil qui excelle dans le maniement des armes, et surtout très fin stratège, malgré son manque d’expérience. Les scènes de combat où Mahmud est secondé par son fidèle faucon sont d’ailleurs vraiment spectaculaires et classes, tout comme les mouvements militaires des différentes batailles (sur terre comme sur l’eau, à cheval ou sur les navires de guerre, il y en a pour tous les goûts !).
Fascinant et intrigant, ce titre est donc l’un des plus prenants et prometteurs parmi tous les mangas de guerre actuellement en cours en France !
Face à tant de passion, nul doute que l’issue de la bataille entre nos chroniqueurs reste pleine de suspense ! Lequel vous a le plus convaincu ? Êtes-vous plus enthousiasmé par la tactique militaire de Hoshin, l’humanité et l’espoir porté par Vinland, la cruauté historique de Wolfsmund, le fantastique épique de Fate, le combat des peuples d’Arslân, ou encore les luttes de pouvoir politiques de Altaïr… A moins que vous n’ayez un autre manga favori sur le sujet ? Nous attendons tes arguments, jeune guerrier !!!
Visuel Une : © Makoto Yukimura / Kodansha Co. Ltd.
Salut,
Pour moi, le meilleur manga de guerre reste Kingdom, même s’il ne rentre pas dans votre catégorie vu qu’il n’est pas édité en France…
Sinon, Vinland Saga pour ma part !