[Interview Eurockéennes 2015] Seiho : « j’aimerais faire découvrir une autre partie de la culture japonaise »
Suite de notre spéciale Eurockéennes ! Après l’interview des psychédéliques BO NINGEN, nous voici en compagnie de Seiho, DJ et producteur électro japonais originaire d’Osaka. L’occasion de parler de l’état de la scène électro japonaise, très riche mais assez peu médiatisée dans nos contrées, mais également de revenir sur les sources d’inspiration d’un compositeur de musique électro. Une belle rencontre que Journal du Japon avait hâte de partager avec vous.
Seiho, bienvenu en France ! Pourriez-vous vous présenter un peu à nos lecteurs ?
SEIHO : En fait je suis producteur et compositeur. Je fais de la musique électronique, mais je ne suis pas un DJ, je joue mes propres compositions en live.
Comment en êtes-vous venu à la musique électronique ?
Quand j’étais à l’école primaire et au collège, j’adorais le jazz, j’en écoutais beaucoup puis j’ai découvert des artistes comme Rei Harakami ou Aoki Takanaka. Ce sont des artistes électro japonais assez pointus, et c’est comme ça que je suis tombé amoureux de la musique. Comme on m’a acheté du matériel électronique à l’école primaire, j’ai commencé à bidouiller les machines à cet âge là.
Quelles sont vos influences principales ?
Si l’on parle uniquement d’artistes électro en général, il y en a deux américains que j’aime beaucoup : Un producteur, basé à Baltimore qui s’appelle KOLA et un autre venant à L.A. qui s’appelle Matthew David.
On pose souvent cette question aux groupes de pop-rock, mais finalement jamais aux artistes électro, pourtant je pense que tout vient bien de quelque part ! Donc j’ose poser la question : quelles sont vos sources d’inspiration ?
C’est difficile de répondre à cette question… c’est un peu vague, mais pour moi, les artistes pop-rock sont comme des peintres, c’est à dire qu’ils apposent des touches de peinture sur la toile pour définir un idée, un sentiment. La musique électronique que je fais se rapprocherait plus de la sculpture : On choisit d’abord le matériel, puis l’environnement où on l’apposera et enfin la lumière pour que la sculpture soit sous son meilleur jour.
Est-ce que tout est une question d’environnement en fait, c’est ce à quoi vous pensez en premier ?
Non, en réalité c’est plutôt que j’essaie de réaliser ce qu’il y a dans ma tête, et comment je vais le partager avec le public (Rires)
Lorsqu’on écoute votre musique, on ressent une certaine légèreté, un peu un sentiment de rêverie. Est-ce que c’est ce que vous voulez transmettre, et si oui, pourquoi ?
Si je réalisais vraiment ce qu’il y a dans ma tête, non il n’y aurait pas ces sentiments. Mais quand je décide de partager ma musique avec des gens, un public, pour que ça soit plus accessible, j’essaie effectivement d’inclure une certaine légèreté, un côté émotionnel, en tout cas une ouverture.
Du coup, si vous décidiez de composer quelque chose de strictement personnel, pas pour le public, à quoi est-ce que cela ressemblerait ? Quels sentiments prédomineraient ?
Ah c’est difficile à dire… si je composais la musique pour moi-même, ça serait très simpliste en réalité. Si je devais écrire ou peindre, ce serait juste une ligne, parce que je me connais, je sais ce que cela veut dire, je n’ai pas besoin de développer. Du coup quand je dois partager cela avec des gens, je dois avoir une autre approche qui expliquerait, en quelque sorte, ma personnalité.
Comment est né le concept des soirées INNIT ?
C’est né en même temps que mon label en 2010 à l’initiative de Masayuki Kubo, pas la mienne en vérité. Il avait l’impression qu’il n’y avait pas assez de musique électronique à Osaka, donc nous avons monté ce projet de soirée : si tu apportes un CDR avec tes morceaux, tu payeras moins cher ton entrée dans la soirée. On écoute ensuite tes morceaux avec le public, et si ça marche bien, tu viens à la prochaine soirée en tant qu’invité.
Ensuite, pour sortir les meilleurs morceaux de ces soirées, j’ai monté mon label Day Tripper Records, c’est ainsi que l’aventure a commencé.
Justement, si vous avez créé votre propre label pour sortir ces compilations, est-ce parce qu’il n’y avait rien de satisfaisant au Japon qui répondait à vos attentes ?
Tu sais, c’est plutôt le contraire en fait. Aujourd’hui, il y a énormément de labels, notamment via internet, qui ne sortent que des morceaux dématérialisés. C’est très bien, mais j’ai voulu faire l’inverse de ce qu’ils font, c’est-à-dire sortir des CD en physique pour que les gens aillent chez les disquaires ou dans les magasins pour se procurer nos compilations. C’est une approche qui est un peu à contre-courant, mais fonctionner ainsi n’est pas si difficile que ça en indé. Donc c’était ça ma motivation première, et aussi un peu de fétichisme de ma part car j’adore les objets et designer des pochettes de CD, donc c’est moi qui ai designé toutes les pochettes de ces compils, et j’adore les avoir en main.
La scène électro japonaise est très peu présente à l’étranger, mais elle comporte pourtant beaucoup de talents, comment expliquez-vous cela ?
Peut-être parce que le Japon est loin ? (Rires)
(Rires) Puisque nous sommes si loin les uns des autres, qu’est-ce que cela représente pour vous de jouer aujourd’hui dans un festival français ?
Hier, j’ai commencé à collaborer avec un artiste électro français qui s’appelle Canblaster et ça s’est super bien passé. Il y avait également Japan Expo ce weekend. Canblaster était en fait super geek du Japon, et j’étais impressionné par cet enthousiasme des français pour la culture japonaise.
Mais au final, ce qui est représenté là-bas n’est qu’une partie de notre culture, donc j’aimerais faire découvrir une autre partie de la culture japonaise… en fait, pour être tout à fait sincère, aujourd’hui c’est la génération d’internet, donc maintenant ce n’est plus vraiment exotique, les différentes culturelles s’effacent peu à peu et on peut partager les choses plus facilement grâce à ça.
Dernière petite question, pour plonger dans la découverte : avez-vous des artistes électro japonais à nous conseiller ?
Très japonais kabe kabe, sinon je vous conseille de jeter une oreille à Katsu Ami ou ABESU.
Merci beaucoup Seiho !
Le live tout en douceur
Clôturant le Club Loggia des Eurocks en cette chaude journée du samedi 4 juillet, Seiho avait la lourde tâche de succéder à Major Lazer, dont le set endiablé avait bien usé les forces du public. Pourtant, le jeune japonais a su comment attirer les spectateurs vers sa scène : d’un geste assuré, Seiho lancera ses beats, sa musique se déversant doucement mais sûrement par les haut-parleurs géant de la scène. Au fur et à mesure, la foule se laissera conquérir par le flow musical du japonais, plus aérien que son homologue américain, mais tout aussi efficace. Pendant une heure, il donnera tout pour faire découvrir ce dont la scène d’Osaka est capable, et il n’aura pas à rougir de sa performance : même si le style reste moins mainstream, Seiho s’inscrit dans cette mouvance électro house/pop qui plait tant actuellement, et n’aura pas de mal à franchir les frontières de ce Japon si loin, et pourtant si proche.
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Retrouvez également notre album photo du concert.
Remerciements à Seiho pour son temps et sa petite dédicace pendant le set, ainsi qu’à Yoko Yamada et Emeline Michaud.
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