A Silent Voice, une mélodie douce-amère
L’internet est en pleine liesse populaire. Les otakus français défilent dans la rue et manifestent leur contentement. La vie est belle. Tout va bien. Koe No Katachi est édité en France, il prend le doux nom d’A Silent Voice, et c’est potentiellement l’un des plus beaux mangas de l’année.
C’est un sacré cadeau doublé d’un choix éditorial malin de la part de Ki-oon. Sans ironie aucune, Koe No Katachi était l’une des œuvres à la réception les plus laudatives rencontrées par les internautes de ces dernières années. Et nous savons à quel point l’Internet peut être exigeant… mais se montrer sensible de temps en temps. Attendre une éventuelle publication française, c’était fermer les yeux sur les réactions provoquées par les nouveaux chapitres traduits, ne pas regarder ces fameuses pages, des cases souvent partagées et, même prises hors-contexte, dégageant une grande puissance. C’est fait, les sept tomes devraient sortir chez nous le temps d’une grosse année.
Le premier tome est dans les bacs, le second arrive d’ici une gros mois. Un départ qui pose des bases intéressantes mais qui, malgré tout, peut se suffire à lui-même. Ce n’est pas étonnant : Koe No Katachi est adapté d’un one-shot de la même mangaka. Yoshitoki Ooima est un jeune talent : elle s’apprête à fêter ses 26 ans. Le manga a ensuite été sérialisé pour le Weekly Shonen Magazine, une publication rapide qui s’est clôturée fin 2014. Le succès d’estime est grand et s’exporte à vitesse flash. Il faut dire que cette histoire de manque pas d’aspérités.
Vous l’aurez deviné : A Silent Voice est l’histoire de deux adolescents, plus spécifiquement l’histoire de leur relation, dans un collège puis à la sortie du lycée. Un paradigme qui peut faire peur tant il est omniprésent, mais attendez ! Le « couple » du manga, Shouya et Shouko, sort des sentiers battus. Shouya, d’abord. Il n’est pas malin, c’est là son principal défaut. Passant une partie de son temps libre au dessus du salon de coiffure de sa mère, il vit de petits défis idiots avec ses copains, et se fiche éperdument de son avenir. Tout va bien dans le meilleur des mondes insouciants quand débarque une étudiante transférée, (l’incroyable lieu commun des débuts de mangas et animes) Shoko, sourde. Évidemment, elle fait du mieux possible pour s’intégrer dans une classe valide, mais Shouya, désireux d’attirer son attention, commence à lui faire des petites « blagues » gênantes.
Des brimades de gosses qui tournent rapidement à un harcèlement constant – ce que les anglophones appellent bullying est un phénomène très connu au japon, l’ijime. Shouko va le subir au quotidien, sous l’approbation générale – même le prof. principal de la classe semble fermer les yeux. Les choses finissent par se retourner contre Shouya, qui subit, à son tour, l’exclusion de ses pairs ; et les deux se retrouvent bien après cette année de malaise. L’histoire commence enfin, encore inconnue en édition française. La structure de ce départ est un petit régal qui interroge sur la suite : tranche de vie ? Ping-pong temporel et narratif ? Tout est possible, ce premier tome n’hésitant pas à narrer les pires moments comme des petites scènes touchantes, sans tomber dans le cliché.
Les pieds dans le plat
Il serait malvenu de dire que la thématique du handicap fait d’A Silent Voice un manga plus intéressant, mais il est traité de manière crédible. Une oeuvre à relier au visual novel Katawa Shoujo où a Blind Spot, de Guillaume Lebigot, qui ont pour objectif d’aborder un traitement similaire : aucune condescendance, du réalisme proche du factuel, en l’occurrence des gosses cruels entre eux. C’est une rare peinture de l’ijime, fléau du système scolaire japonais. Littéralement « intimidation », il force au quotidien des jeunes à s’éloigner du système scolaire et provoque décrochages et, dans les pires des cas, des suicides. Des dizaines de milliers de cas sont recensés chaque année au Japon. Un phénomène proverbial qui souligne cette volonté, toute culturelle, de rentrer dans le moule. Le manga met les pieds dans le plat et ose aborder les racines possibles du mal : des jeunes un peu bêtes, du suivisme, une autorité pas toujours regardante et un manque de communication. Ici, la fiction s’inspire d’une réalité alarmante, mais aussi touchante pour les lecteurs ayant subi ou provoqué ce genre de situations.
Et c’est ce qui touche dans A Silent Voice : le mélange des genres. Le réaliste, le bizarre, une vraie palette d’émotions qui laisse la place au négatif dans ce premier tome. Il raconte une histoire cruelle, qui commence mal, qui ne finit pas très bien, douloureuse à regarder. C’est pourquoi on regarde la suite, plein d’espoir, que les personnages progressent et recommencent de zéro. On ne doute pas trop de la suite du récit : le « duo » se rencontre à nouveau, expérimente une nouvelle relation pleine d’embûches, et enfin, puisse progresser et finir de grandir.
En bref, A Silent Voice est un shônen étonnamment mature qui aborde des sujets sensibles avec finesse. Une vraie revanche pour Yoshitoki Ooima : son one-shot primé mais jugé trop sensible est devenu un vrai manga adoubé par la critique. Ce premier tome, une petite bulle à part, promet plein de choses et donne envie de se précipiter lire la suite. On vous le conseille tout particulièrement et on lui souhaite un succès adéquat.
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