10 Count : au cœur de la mysophobie
Guettée par les fans de boy’s love, la dernière œuvre de Rihito Takarai, 10 Count, était attendue au tournant. Connue notamment pour ses titres yaoï Seule la Fleur Sait, Seven Days, mais aussi shôjo avec Welcome to Hotel William Childbird, la mangaka n’a plus à prouver son talent. Avec un graphisme toujours aussi somptueux et un thème pour le moins original, nous plongeons cette fois au cœur de la mysophobie…
Un thème peu commun
10 Count est un manga prépublié au Japon dans le Dear + de l’éditeur Shinshokan. Le troisième volume est sur le point de voir le jour sur le sol nippon et en France l’œuvre est éditée chez Taifu. Le deuxième tome est d’ailleurs disponible depuis le 22 janvier.
Shirotani est le secrétaire du président d’une grande entreprise, et est un homme des plus compétents dans son travail, malgré son problème… En effet il cache une particularité pour la moins surprenante : il est mysophobe. La mysophobie est une peur étrange : celle des microbes, de la saleté, et de la contamination par les bactéries. Chaque chose, chaque objet, chaque individu devient alors une source d’infection potentielle entraînant une peur irrationnelle et un dégoût profond. Le moindre contact direct devient alors impossible.
Manquant de peu une collision avec une voiture, le patron de Shirotani est sauvé de justesse par Kurose, qui passait par là. Un seul regard, et le jeune homme comprend le mal qui ronge le secrétaire. Il se trouve qu’il est psychiatre et qu’il a peut être une solution de guérison pour notre mysophobe : la désensibilisation systématique. Shirotani doit établir la liste des dix choses qu’il n’envisage même pas de réaliser tant le dégout lui est insupportable : ouvrir une poignée de porte à main nue, laisser une personne toucher ses affaires personnelles ou encore prendre le métro. S’il arrive à réaliser toutes ces actions, il pourra se considérer guéri.
S’il semble au début y aller à reculons, le véritable désir de Kurose de le soigner l’emporte, et Shirotani se lance dans le processus.
Une psychologie maîtrisée
Comme on s’y attend, la simple relation cordiale entre un psy et son patient va se développer petit à petit en un amour platonique, une romance déguisée. Le scénario devient alors au fil des pages plus intense et plus… épicé. L’exploration et la découverte de nouvelles sensations deviendra pour Shirotani le moyen de guérison le plus probable, lui faisant également découvrir au passage de nouveaux sentiments.
L’histoire est convaincante et le scénario crédible nous impose un certain réalisme, même si l’on peut observer certaines facilités que l’on retrouve dans d’autres récits romantiques. La maladie de Shirotani y est, cela dit, bien intégrée et les choix scénaristiques restent pertinents. On est alors témoin du rapprochement et de l’intimité naissante des deux hommes. L’auteur maîtrise à fond la psychologie de ses personnages, passant de la simple curiosité pour l’un à la dépendance pour l’autre…
De la maladie à la normalité
C’est ici que l’on observe une nette différence entre les deux volumes parus à ce jour : si le premier opus nous fait part d’une innocente naïveté entre les deux protagonistes, le second pose les bases d’un érotisme pudique, puis totalement assumé. Ce qui est intéressant ici, c’est que la mysophobie de Shirotani lui empêche tout contact avec une quelconque autre personne : un simple frôlement qui n’aurait aucune incidence sur le lecteur dans d’autres circonstances, le met ici en émoi. Rihito Takarai joue lentement avec nos sentiments sans que l’on puisse y faire grand-chose.
Son style graphique vient parfaire son histoire avec un dessin épuré, clair et raffiné comme l’auteur nous y a habitué à travers ses différentes œuvres. Nous avons d’ailleurs le droit à de belles illustrations en couleur au début des tomes, ainsi qu’à des couvertures esthétiques, aguicheuses en bonus.
La mise en scène est bien gérée, même si l’on remarque un couac qui aurait tendance à casser le rythme de la lecture : la répétition de la dernière page du chapitre précédent au chapitre suivant. La manière dont s’adresse les personnages entre eux est aussi un peu maladroite, la retranscription des titres honorifiques japonais étant difficilement interprétable en français.
Reste qu’on peut difficilement ne pas être intrigué par ce titre et par l’ambiance qui s’en dégage. A la manière de ses autres histoires, la mangaka nous entraîne dans cette tranche de vie dont les sentiments sont le point culminant. Une romance atypique, qui gravite autour d’une question pour le moment sans réponse : quel est le numéro 10 de la liste ?
Visuels : 10 count © Rihito Takarai 2014 by SHINSHOKAN CO., LTD.
23 réponses
[…] à lire notre interview des auteures d’In This Words réalisée à Japan Expo 2015, et notre critique de 10 Count de Rihito […]
[…] ses très beaux graphismes, à mi-chemin entre ceux de SHOOWA (Le Syndrome du Tournesol) et ceux de Rihito TAKARAI (Seven […]