Shiori TESHIROGI : Les chevaliers qui ont changé sa vie
L’édition 2013 du Cartoonist aura été l’occasion d’une entrevue avec l’invitée d’honneur du salon, Shiori Teshirogi, la mangaka ayant reprit le flambeau de la saga Saint Seiya avec The Lost Canvas. Ce fût l’occasion de revenir sur les débuts d’une artiste jusqu’ici dans l’ombre et sur son ressenti de l’œuvre de Masami Kurumada.
La route des chevaliers
Shiori TESHIROGI, après avoir quitté sa campagne natale, commence comme beaucoup par travailler en tant qu’assistante de mangaka. Le premier manga sur lequel elle planche est la fin de Crescent Noise en 1997 de Kozue AMANO (Amanchu). Avec Naotsugu MATSUEDA, elle participe à la fin du manga de Persona en 2000, puis elle travaille sur deux mangas de Shinshû UEDA : Baroque Ketsuraku no paradigm (2001), une adaptation du jeu vidéo éponyme où elle faisait les décors et les trames et Dawn tsumetai te, un manga de zombie, l’année suivante. Pour Kozue AMANO encore, elle fait les décors d’Aria en 2002. Ensuite, elle est en temps partiel chez Takahashi MIYUKI sur 9 Banme no Musashi (2003), un manga publié dans le magazine Bonita et grâce auquel elle rentre chez Akita Shoten.
Puis vient l’heure de ses propres œuvres, principalement des shôjos. Ceux parvenus jusqu’en France sont Kieli (2006) et Delivery (2007), tous deux en 2 volumes. Et c’est enfin le début de la gloire : après une rencontre avec Masami KURUMADA commence Saint Seiya Lost Canvas, une aventure qui dure cinq ans. Elle raconte d’ailleurs plus en détail cette rencontre lors de la conférence : « Lorsque je suis devenue dessinatrice de manga, j’ai connu pas mal de galères mais au final j’ai enfin réussi à décrocher une série. A peu près au moment où le premier volume que j’ai dessiné est sorti, j’ai appris que M. Masami KURUMADA faisait une séance de dédicace à Tokyo. Donc bien évidemment je m’y suis rendue, vu que j’aimais beaucoup ce qu’il faisait, et au moment où c’était mon tour de passer, je lui ai offert mon volume en lui disant : « Tenez, je me permets de vous offrir mon livre parce que j’ai toujours rêvé de devenir dessinatrice de manga et vous êtes mon modèle ». Et à ce moment là, il a fait un truc où j’ai eu un peu honte… Il a levé le livre en l’air et a dit à tout le monde : « regardez cette fille, elle a fait un manga, il faut absolument l’encourager ! ».
J’ai rencontré M. KURUMADA à cette occasion, où je lui ai donné mon livre et après je n’ai plus eu de contact avec lui. Deux, trois ans après, je reçois un coup de fil, et on me dit : « M. KURUMADA a une nouvelle série de Saint Seiya, on voudrait que vous dessiniez le spin off et ça va s’appeler Lost Canvas ». J’ai dis, mais comment ça c’est moi ? Pourquoi est-ce que c’est moi, je sors de nulle part, et en plus vous ne me faites même pas passer une audition ? On m’a expliqué : «à priori M.KURUMADA avait lu votre bouquin, il a trouvé ça très bien et il a décidé que ce serait vous et personne d’autre». Alors j’étais très surprise et en même temps ça me faisait très plaisir mais c’était assez inattendu, parce qu’à l’époque je n’étais personne, j’étais vraiment une débutante et grâce à ça j’ai eu le plaisir de travailler là-dessus et ça a changé ma vie. La preuve c’est qu’aujourd’hui j’ai pu venir ici grâce à Lost Canvas.
Sur les pas du grand pope
Quand nous lui demandons s’il est de sa volonté propre de s’être rapprochée de l’œuvre originale à mesure que son histoire avançait, elle nous explique qu’il est dur d’en faire autrement : « quand on essaye de reprendre le travail de Masami KURUMADA, on finit par adapter son rythme à ses œuvres à lui. Mais ça a été assez naturel ». Elle nous rappelle aussi les lois d’une publication hebdomadaire : « vous ne pouvez pas vous permettre de faire des histoires trop calmes, parce que sinon vous ne durez pas. Il faut toujours enchainer les combats, enchainer les actions », c’est ainsi que Lost Canvas a trouvé sont rythme. En revenant sur l’élaboration des armures, Shiori TESHIROGI précise, qu’au début, son éditeur lui demandait de faire les armures qui existaient déjà. « Il ne savait pas encore de quoi j’étais capable, mais j’ai expliqué que moi aussi je voulais me mettre à en faire et j’ai créé le spectre de la mandragore ». Comme les retours étaient favorables, elle a finalement commencé à créer beaucoup de spectres qui n’apparaissent pas dans la version originale.
Beaucoup de recherches sur les croquis et design des armures existantes furent nécessaires dans cette tâche et « au final, les armures de base sont vraiment très classes mais j’ai tout donné pour que les miennes soit à la hauteur de ce qui existait déjà », explique-t-elle. Quant au choix de l’ordre des Gold Saint dans Saint Seiya The Lost Canvas – Chronicle, elle nous signifie que cela vient simplement de ses envies. En 2009 un de ses mangas est pour la première fois adapté en animé sous forme d’OAV : « La première fois j’avoue que j’ai été très surprise qu’on adapte mon travail. Mais c’est vrai qu’en regardant l’anime, après avoir vu le résultat avec les paroles que j’avais écrite, le message que je voulais transmettre, ça m’a beaucoup impressionné et j’aime beaucoup cette adaptation. Mais ma première réaction a été la surprise. »
L’allégeance au Bronze avant de nouvelles aventures
Seiya est pour elle le digne représentant du « Nekketsu » (littéralement sang bouillant) : « En fait Seiya fait partie du Hall of Fame chez moi. C’est un personnage que j’apprécie particulièrement, et parmi beaucoup de personnages c’est sûrement celui que j’aime le plus. Il m’a beaucoup enseigné parce que c’est un personnage qui va tout droit et qui malgré tout, qu’il tombe ou soit terrassé, se relève constamment et continue sa mission, vers ce qu’il s’est fixé, pour atteindre son but. C’est quelque chose qui m’a beaucoup impressionnée. Moi-même de temps en temps, lorsque je dessine mes mangas, je regarde les animes de Saint Seiya pour me donner des idées et du courage. »
Pour ses personnages favoris, hors Seiya, elle nous confie avoir un faible pour les oiseaux : « J’aime beaucoup les personnages de Hyoga et Ikki. Hyoga permet des combinaisons intéressantes dans l’animation, via son armure, et j’adorais déjà depuis très longtemps Ikki mais ces derniers temps, à force de le revoir, j’aime beaucoup ce personnage.» Après 7 ans et 31 tomes publiés sur Saint Seiya, nous lui demandons si elle réalise l’importance qu’elle prend dans la cosmologie de la saga de KURUMADA. Elle avoue ne pas s’en rendre complètement compte et qu’il lui faudra certainement du recul pour l’envisager. Avec l’anime Omega et la suite Next Dimension, la saga Saint Seiya connaît une véritable renaissance dont Shiori TESHIROGI fait partie. Elle nous décrit d’ailleurs cela comme une fête et à quel point cela lui fait plaisir d’en faire partie en mettant cependant un bémol : « pour la suite de ma carrière, je préférerais faire une histoire originale ».
L’après Lost Canvas est alors abordé et c’est sans détour qu’elle nous dit qu’elle souhaite se relancer dans une histoire longue : « je suis du genre à m’étendre. Pour Lost Canvas Chronicle, il faut que je mette un chevalier par volume et c’est vraiment très dur de tout faire tenir en un seul tome, il faut que je coupe beaucoup ». Même si le début de sa carrière est jonché d’histoires courtes, elle préfère revenir à ses premiers amours, à l’image de son enfance : « quand j’étais jeune, j’ai écris un manga de la primaire jusqu’au collège, la même histoire donc, et ça me plait beaucoup ». Enfin, elle conclut « après Lost Canvas, si mon prochain manga pouvait être très long et qu’on me le coupe pas en plein milieu, ce serait parfait ».
Lors de la conférence, elle évoque également sa rencontre avec les fans durant le Cartoonist :« J’ai été extrêmement surprise parce que je savais que Saint Seiya est une série populaire dans le monde entier, mais je ne m’attendais pas à un tel niveau de popularité. D’autre part, moi je n’ai fait qu’une suite finalement, alors qu’on m’invite à Nice en France j’étais déjà très surprise mais, en arrivant ici, j’ai vraiment vécu de plein fouet toute la puissance de la passion que les gens avaient pour Saint Seiya. Des gens qui connaissent aussi Lost Canvas, ça m’a surpris, mais surtout j’ai vu plein de gens passionnés qui faisaient passer leur passion en fabriquant des choses, en transmettant des choses et ça m’a vraiment beaucoup touché. Alors je m’excuse parce que j’ai un peu sous-estimé la puissance de Saint Seiya auprès des fans français mais je suis très contente d’avoir pu le vivre aujourd’hui et prendre la mesure de votre passion pour cet univers. Merci beaucoup. »
Vous pouvez retrouver le dernier titre Shiori TESHIROGI, Saint Seiya The Lost Canvas Chronicle, qui est publié ce mois-ci aux éditions Kurokawa.
Remerciements à Gregoire Hellot des éditions Kurokawa et au Cartoonist.